On le sait désormais, l’évasion fiscale se chiffre en dizaines de milliards d’euros et de dollars. Des milliards qui manquent cruellement aux Etats, incapables de combler les déficits creusés par la folie des banques et la crise économique qu’elles ont engendrée. Lutter contre l’évasion fiscale : tel est le leitmotiv qu’on entend aujourd’hui dans les réunions des G8, G20, de l’OCDE, de l’Union européenne et dans les solennelles déclarations de nos dirigeants. Mais qu’en est-il vraiment ? Et comment aborder cette question ? Le sujet est d’une extraordinaire complexité technique. Une complexité derrière laquelle se cachent souvent les véritables enjeux d’une transparence que chacun réclame, mais où trop d’intérêts s’affrontent pour que la morale citoyenne y trouve son compte.
Dans cette série, un fil conducteur a été choisi : la banque suisse UBS, première banque mondiale de gestion privée, et trois événements. Il est ainsi question de l’affaire judiciaire en cours, dans laquelle la banque UBS France est soupçonnée d’avoir mis en place un système d’évasion fiscale sophistiqué proposé aux clients français ; de la lutte à mort entre les Etats-Unis et le secret bancaire suisse après que la banque UBS s’est fait prendre la main dans le sac sur le territoire américain. Enfin, de l’affaire Cahuzac, en France, dont les dessous révèlent, au-delà du simple mensonge d’un homme, un système opaque fermement contrôlé par le pouvoir politique.
Les épisodes
Entretien avec Patrick Benquet,
auteur et réalisateur
Comment est née cette série ?
Patrick Benquet : Le projet est né à la lecture du livre du journaliste Antoine Peillon, Ces 600 milliards qui manquent à la France (éditions du Seuil). Rapidement, un fil conducteur s’est imposé : UBS – la première banque mondiale de gestion privée. Avec eux, on avait tous les cas de figure : une affaire, en France, dans laquelle on suspecte un système de comptabilité parallèle ; une société qui se fait condamner sur le sol américain, entraînant une guerre économique entre les Etats-Unis et la Suisse ; et, enfin, l’affaire Cahuzac qui a explosé entre-temps, puisque son compte en Suisse est un compte UBS ! Sur ce genre de sujet, on ne peut pas être exhaustif. Il faut donner au téléspectateur une vision de l’ensemble à partir d’exemples où l’on voit à l’œuvre des mécanismes. C’est ce que nous avons essayé de faire.
Comment sont conçus les trois épisodes ?
P. B. : Le premier épisode explique comment une banque en France, UBS, est soupçonnée d’avoir mis en place un système illégal d’évasion fiscale. Le deuxième montre comment les Américains – après que la banque UBS a été prise en flagrant délit d’évasion fiscale aux Etats-Unis – ont fait sauter le mythique secret bancaire en Suisse. Et le troisième, avec l’affaire Cahuzac, permet de découvrir le fonctionnement du ministère du Budget. Car il existe une extraordinaire particularité française : le « verrou de Bercy ». En matière d’évasion fiscale, la justice ne peut poursuivre que s’il y a une plainte exclusive du ministère du Budget ! Or, le ministre du Budget a un pouvoir énorme grâce au « verrou de Bercy »… Et celui-ci ne sautera pas : le gouvernement a refusé l’amendement proposé par un groupe de députés.
Vous avez des témoins forts…
P. B. : Le premier épisode s’appuie sur le témoignage d’Antoine Peillon et de trois ex-salariés d’UBS. On apprend comment ils ont subi des pressions de la part d’UBS et comment la police a joué un jeu trouble. Il a fallu longtemps pour que l’enquête commence ! Aujourd’hui, la banque UBS France, ainsi que le siège social à Zurich ont été mis en examen pour « complicité de démarchages bancaires illicites » par le juge français.
Quelles principales difficultés avez-vous rencontrées ?
P. B. : Pour être compris du plus grand nombre, on ne peut tirer qu’un fil dans un univers extrêmement complexe, tout en restant prudent sur ce que l’on peut montrer ou dire. Certains ont refusé de nous parler : Bernard Cazeneuve, Eric Woerth, la direction suisse d’UBS et les responsables gouvernementaux suisses. Quant au président d’UBS en France, Jean-Frédéric de Leusse, il nous a fallu six mois pour obtenir son interview.
Est-ce le début de la fin des paradis fiscaux ?
P. B. : Il y a aujourd’hui un mouvement mondial contre l’évasion fiscale à cause de la crise qui étrangle les gouvernements et les pousse à récupérer de l’argent. Et plus personne n’a envie que la Suisse continue à vivre sur le dos des autres ! Mais lorsque les Etats-Unis imposent, avec la loi Fatca, la dénonciation de tous les Américains imposables qui détiennent un compte à l’étranger, ils tolèrent par ailleurs sur leur territoire le paradis fiscal du Delaware. En Europe, où des voix réclament à leur tour les échanges automatiques d’informations entre Etats, le Luxembourg, Monaco ou les îles Anglo-Normandes, par exemple, sont toujours des paradis fiscaux. Quant à UBS, elle ouvre des succursales en Asie où se trouvent les nouveaux riches…
Durée 3 x 52’
Auteur-réalisateur Patrick Benquet
Production Nilaya Productions, avec la participation de France Télévisions
Année 2013