Il faut qu’on discute de notre usage de Facebook

Publié le 4 décembre

 

 

En octobre 2012, le collectif allemand Nadir a publié un communiqué traitant des implications de l’utilisation de Facebook, et plus largement de tout réseau social ou service internet (mails) centralisé. L’année 2013, en particulier grâce aux révélations de lanceurs d’alerte comme Edward Snowden, a confirmé le danger intrinsèque de ces services, et plus largement d’internet dans un cadre irraisonné. Traduction de leur texte, jamais diffusé en français à notre connaissance.

 

Depuis plu­sieurs années, nous four­nis­sons des ser­veurs et une infra­struc­ture de com­mu­ni­ca­tion pour « la gauche » [1]. Nous avons fait de notre mieux pour garder les ser­veurs sûrs, et avons résisté, par divers moyens, aux requê­tes d’accès aux don­nées des uti­li­sa­teurs par les auto­ri­tés.

En bref : nous ten­tons d’offrir une forme libé­ra­trice de com­mu­ni­ca­tion à l’inté­rieur de l’inter­net capi­ta­liste.

Disneyland

Nous n’avions pas réa­lisé qu’après le stress des actions de rue ou les lon­gues dis­cus­sions col­lec­ti­ves, beau­coup d’acti­vis­tes sem­blent avoir ce désir de papo­ter à loisir sur Facebook, de tout et avec tout le monde. Nous n’avions pas réa­lisé que, même pour la gauche, Facebook est la plus douce des ten­ta­tions. Que la gauche, aux côtés des autres, appré­cie de suivre le subtil flux d’exploi­ta­tion, là ou il ne semble faire aucun mal, et, pour une fois, sans avoir à résis­ter. Beaucoup de per­son­nes ont mau­vaise cons­cience. Bien que cela pour­rait leur per­met­tre d’anti­ci­per les consé­quen­ces fata­les de Facebook, cela ne semble pas se tra­duire en actes.

Est-ce seulement de l’ignorance ?

Juste pour donner un aperçu du pro­blème. En uti­li­sant Facebook, non seu­le­ment les acti­vis­tes ren­dent leur pro­pres com­mu­ni­ca­tions, leur opi­nions, leurs « likes », etc. trans­pa­rents et dis­po­ni­bles à l’ana­lyse auto­ma­ti­sée. Mais ils expo­sent de plus -et nous consi­dé­rons cela beau­coup plus impor­tant- des struc­tu­res et per­son­nes qui ont elles-mêmes peu ou aucun rap­port à avoir avec Facebook.

Les capa­ci­tés de Facebook à recher­cher dans la toile des rela­tions, simi­li­tu­des, etc. sont dif­fi­ci­les à saisir pour les pro­fa­nes. Les bavar­da­ges sur Facebook repro­dui­sent des struc­tu­res poli­ti­ques, ainsi ren­dues dis­po­ni­bles aux auto­ri­tés, et à des entre­pri­ses. Celles-ci peu­vent être recher­chés, triées, agré­gées, non seu­le­ment pour obte­nir des infor­ma­tions pré­ci­ses sur des rela­tions socia­les, des per­son­nes clé, etc. mais également pour faire des déduc­tions et anti­ci­pa­tions à partir de motifs récur­rents. À l’instar que les télé­pho­nes por­ta­bles, Facebook est la plus sub­tile, économe, et effi­cace des tech­no­lo­gie de sur­veillance actuel­le­ment dis­po­ni­ble.

Les utilisateurs de Facebook comme informateurs inconscients ?

Nous avons tou­jours pensé que la gauche veut autre chose : pour­sui­vre les luttes en ligne, et uti­li­ser inter­net au ser­vice des luttes poli­ti­ques. C’est le but, en ce qui nous concerne – encore aujourd’hui. C’est pour­quoi nous voyons les uti­li­sa­teurs de Facebook comme un danger réel pour nos luttes. En par­ti­cu­lier les acti­vis­tes qui publient des infor­ma­tions impor­tan­tes sur Facebook (sou­vent sans savoir ce qu’ils font) qui est de plus en plus uti­lisé par les forces de l’ordre. Nous pour­rions pres­que aller jusqu’à accu­ser ces acti­vis­tes de col­la­bo­ra­tion. Mais nous n’en sommes pas encore là. Nous avons encore espoir que chacun réa­lise que Facebook est un ennemi poli­ti­que, et que ceux qui l’uti­li­sent le ren­dent de plus en plus puis­sant. Les acti­vis­tes uti­li­sant Facebook nour­ris­sent ce dis­po­si­tif, et en consé­quence, révè­lent nos struc­tu­res – sans aucune néces­sité, sans aucun mandat de jus­tice, sans aucune pres­sion.

Notre point de vue

Nous sommes cons­cients que l’on parle « de haut ». Pour nous, qui tra­vaillons depuis des – par­fois en gagnant notre vie – avec le net et les ordi­na­teurs, l’admi­nis­tra­tion de sys­tè­mes, la pro­gram­ma­tion, la cryp­to­gra­phie, ou autre, Facebook appa­raît comme un ennemi natu­rel. Et comme nous nous consi­dé­rons également comme fai­sant partie de la gauche, cela s’ajoute à l’ana­lyse poli­ti­que des fon­de­ments économiques de Facebook, où les « uti­li­sa­teurs » sont trans­for­més en pro­duits, qui sont vendus, et devien­nent consom­ma­teurs, en consé­quence. Le jargon pour ceci est « la créa­tion de besoin ». Nous réa­li­sons que tout le monde n’uti­lise pas inter­net avec autant d’enthou­siasme que nous pou­vons le faire. Mais pour des acti­vis­tes, auto­ri­ser ce cheval de Troie nommé Facebook à faire partie de leur vie quo­ti­dienne est un signe d’igno­rance d’un niveau cri­ti­que.

Ceci est un appel : fermez vos comp­tes Facebook ! Vous mettez les autres en danger ! Prenez acte contre ce mons­tre de don­nées !

Et de même : quit­tez Yahoo mail et autres ! À bas Google ! Contre la réten­tion des don­nées ! Pour la neu­tra­lité du net ! Liberté pour Bradley Manning ! Longue vie à la décen­tra­li­sa­tion !

Luttez contre le capi­ta­lisme ! Aussi – et spé­ci­fi­que­ment – sur inter­net ! Contre l’exploi­ta­tion et l’oppres­sion ! Aussi – et spé­ci­fi­que­ment – sur inter­net !

Mettez vos cama­ra­des sur les nerfs. Appuyez sur le fait qu’en nour­ris­sant Facebook, ils ont choisi le mau­vais coté !

 nadir, octo­bre 2012

P.-S.

Notes

[1Note de traduction : « la gauche », notion relative par définition, résulte d’une volonté de traduire le texte original au plus proche, et fait bien évidemment référence ici à une sensibilité politique

 

SOURCE / REBELLYON.INFO

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