Mardi, 29 Avril 2014 09:41

Liberté d'opinion et d'expression: deux poids, deux mesures

"Tout individu a droit à la liberté
d’opinion et d’expression, ce qui
implique le droit de ne pas être
inquiété pour ses opinions et
celui de chercher, de recevoir et
de répandre, sans considérations
de frontières, les informations
et les idées par quelque moyen
d’expression que ce soit".
Article 19 de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme (1948)

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Malheureusement en 2014, cette liberté fondamentale est difficilement appliquée. Sommes-nous dans un état totalitaire, où l’expression est muselée, l’information tronquée et contrôlée, où avoir une opinion contraire à l’ordre établi est un crime? Non. Nous sommes à La Réunion, département Français d’Outre Mer.

Ici, ce sont les associations écologistes notamment qui font régulièrement les frais de tentatives d’intimidations et à qui l’on impose le silence.

Nous ne nous attarderons pas pour le moment sur la clause de confidentialité qui nous a été imposée par les Institutions dans le cadre du programme CAP Requins, ni dans le traitement de l’information qui est faite actuellement dans les médias sur ce point, puisque nous n’avons pas l’autorisation d’en parler. Nous ne nous attarderons pas sur le fait que les associations favorables à la pêche des requins aient eu récemment le droit de répondre aux questions de leurs sympathisants, alors qu’elles font partie des observateurs et que nous, nous n’avons pas obtenu ce droit.

Depuis un peu plus de 3 ans, la Réunion connaît ce que l’on a fini par nommer "la crise requin". Sea Shepherd, avec d’autres associations de protection de l’environnement et de l’océan, défend à la Réunion des solutions efficaces, qui ne peuvent pas passer par la mort des requins, et se bat pour protéger la jeune Réserve Marine de la Réunion, espoir fragile de sauver nos récifs et notre océan mis en péril depuis plus de 30 ans par certaines pratiques humaines irresponsables. Il est important d’informer la population réunionnaise de ce qui se passe dans l’océan Indien et sur ses côtes afin de préserver ce magnifique patrimoine naturel et de promouvoir des actions qui permettent de faire vivre les hommes en harmonie avec la nature.

Une plage

Mais ici, quiconque ose prendre position en faveur de la protection des requins se voit livré à la vindicte haineuse d’une poignée d’individus qui se croient tout permis:

On arrive à un point où ni les écologistes, ni les scientifiques,
n’ont plus le droit de s’exprimer sur cette crise requins.

Nous avons pour réponse des menaces sur internet, des menaces plus concrètes, des personnes qui sont suivies, des noms et des adresses balancées sur les réseaux sociaux. Mais qui sont ces individus qui se prétendent "écologistes", "amoureux de la mer" et "humanistes", traitant a contrario Sea Shepherd d’association "terroriste"? Ce sont des gens qui démolissent peu à peu l’image de l’île à l’extérieur, limitant la Réunion à des spots de surf, à une côte ouest où une jeunesse dorée s’était cru tout permis, au mépris des plus élémentaires règles de prudence et qui désormais rendus oisifs à cause d’une interdiction préfectorale qu’ils ont eux mêmes provoquée, à force de hurler à une surpopulation de requins pourtant démentie par les récentes études réalisées, passent leur temps sur les réseaux sociaux à insulter, diffamer, inciter les gens à la haine et à la violence.

Des gens qui font passer les Réunionnais pour des braillards sans scrupules et sans respect ni pour leur environnement ni pour autrui.
Que penser de la récupération systématique à laquelle se livrent ces individus dès qu’une attaque de requin se produit? Où est le respect pour les familles, dans le fait d’exhiber partout des photos "choc" de victimes?

Des fauteurs de troubles pour qui la science n’a pas le droit de s’exprimer, ni même d’exister en fait :
Bâtiments de la Réserve Marine pris d’assaut, bateau de la même réserve incendié, véhicules de militants écologistes vandalisés, défenseurs des requins ou de la Réserve Marine pris à partie parfois violemment lors de leurs sorties (parfois devant leurs enfants), insultes nominatives et menaces, sur les réseaux sociaux ou en face à face; Conférence d’un océanologue perturbée malgré la présence des forces de l’ordre rendue nécessaire à cause de menaces de mort; jet de bouteilles lors d’une manifestation d’associations "d’usagers de la mer" sur un Réunionnais qui avait osé prendre la parole pour demander le retour à un peu de bon sens et tenté de défendre les requins; Insultes, menaces, et diffamations permanentes, la liste est longue…

Tout cela dans un silence assourdissant des Institutions, qui nous répondent vouloir "maintenir la paix sociale", quitte à dépenser des sommes folles pour des projets qui seront inefficaces, et à détruire l’environnement et nos fonds >marins déjà bien malmenés.
Est ce de cela dont la Réunion a besoin? D’un Etat qui légitime la violence et cède aux caprices d’une poignée d’individus? Qui persiste à les inviter par le biais de leurs associations à des réunions officielles autour de la "crise requins" alors qu’ils font régulièrement l’objet de plaintes pour troubles de l’ordre public, pour vandalisme, pour incitation à la violence, pour diffamation? Le tourisme et la Réunion ont-ils besoin de médias qui se rendent complices de ces dérives en invitant ces individus aux Journaux Télévisés notamment, sans contradicteurs?

Aujourd’hui, c’est une écologiste défendant les requins à titre personnel qui se voit menacée d’un point de vue professionnel, attaquée sur sa personne dans les journaux sans que personne ne vérifie les informations publiées, qui se voit diffamée, menacée d’être licenciée. Son crime: un Parc national (la Réserve Marine) a osé l’embaucher, elle, une écologiste, pour assurer sa représentation touristique et réaliser des tâches de secrétariat. Mais c’est une honte, une déclaration de guerre!! Ces mêmes individus sont immédiatement montés au créneau, appelant ses employeurs pour exiger son licenciement (sa tête): "on va tout casser puisque c’est comme ça! On va balancer son nom dans la presse et sur le net, l’agonir d’injures puisque ces "gens-là" ce ne sont pas des êtres humains sensibles et dignes de respect!! En plus l’embaucher à un haut poste de responsabilités (9 mois au smic), c’est inadmissible".
Que cette écologiste voit l’ensemble de sa vie professionnelle – et donc de sa survie- compromise à la Réunion pour avoir accepté un contrat aussi "juteux" pour gagner sa vie ne les gêne absolument pas.
Encore une fois, comme dans l’affaire "Albertini" ou tant d’autres, ces individus accentuent les tensions "zoreils – créoles", comme si c’était réellement l’intérêt des Réunionnais qui les préoccupaient (accordons leur tout de même le bénéfice du doute). Non, ce qui les choque c’est qu’une personne défendant l’environnement ait été choisie parmi plusieurs candidats – l’appel à candidature était accessible à tous ceux qui souhaitaient postuler auprès de Pôle Emploi pour animer le réseau… d’une Réserve marine. En revanche, que des personnes dont l’objectif clairement affiché est de dérèglementer la Réserve Marine et pêcher des requins siègent au Conseil d’Administration de la même réserve ne leur pose aucun problème de "neutralité" (ces personnes sont-elles biologistes, d’ailleurs, puisque ce point semble préoccuper ces individus?).

En attendant, "tout va très bien Madame la Marquise", affirme dans la presse une "écologiste modérée": les menaces et les insultes ne sont que dans nos têtes "d’extrémistes".
Affirmation troublante de la part d’une personne qui, une fois arrivée sur notre île au contact direct des détracteurs des écologistes, a opéré un changement radical de discours, prônant dorénavant la protection des requins "partout dans le monde, à l’exception des requins tigres et bouledogues de la Réunion", à cause de prétendues pratiques de pêches "traditionnelles" de ces requins, et critiquant désormais ouvertement la Réserve Marine.
Mais en effet, cette personne a raison: si l’on se tait, appliquant la politique des trois singes, on n’a pas d’ennui. On peut se contenter de regarder le monde être détruit par une poignée d’individus, ne rien faire, ne rien dire, et fermer les yeux sur la terre et l’océan stériles que nous laisserons à nos enfants. Pour ne pas être menacés.

Pourquoi certains alors, Réunionnais de longue date ou non, aimant profondément cette île, dans toute sa diversité de paysages et de couleurs, remettent-ils leur tranquillité d’esprit en jeu, sur une si petite île où tout finit par se savoir? Pourquoi mettent-ils en péril le déroulement serein de leurs vies personnelles ou professionnelles, pour s’opposer à la destruction de notre écosystème marin? Pourquoi ces personnes rejoignent-elles un collectif d’associations écologistes, et particulièrement une association comme Sea Shepherd, connue pour ses actions directes et qualifiées de "terroristes" par ses détracteurs?

Finalement, où se situe le terrorisme? Prendre part aux débats en affirmant ses positions et ses idées, se battre jusqu’au bout par tous les moyens légaux mis à notre disposition? Ou alors imposer ses vues par la terreur, la menace, les appels à la violence, sans qu’aucun débat ne puisse avoir lieu? Nous avons le droit de ne pas être d’accord. Mais nous avons chacun le droit de défendre, sans être menacés à titre personnel pour cela, ce en quoi nous croyons.

Une plage

Nous, militants Sea Shepherd, nous battons pour ce que nous estimons juste, en notre âme et conscience. Même si en faisant cela, nous ne nous attirons pas que des amis.
Nous le faisons parce que si personne ne se lève pour s’interposer entre l’écosystème marin qui ne peut se défendre seul, et ceux qui veulent le piller et éradiquer les espèces qui les dérangent, sans prendre conscience que l’être humain fait partie d’un tout, que l’équilibre des écosystèmes qui nous font vivre est fragile et que notre vie dépend de ce que nous serons capable de préserver, alors l’être humain ne pourra pas survivre non plus.
L’écologie, c’est aussi comprendre que nous sommes tous liés, toutes espèces vivantes confondues, et que nos vies sont interdépendantes.

Nous, militants Sea Shepherd, avons choisi de suivre la voie de la non violence, dans les pas de Paul Watson: le mouvement écologiste a choisi et choisira toujours de résoudre les conflits de manière non violente et respectueuse des hommes.
Ce que nous combattons, ce sont les idées ou les actes, lorsqu’ils sont irrespectueux des lois et des océans, et nous le faisons avec nos mots et les moyens légaux que nous avons à notre disposition… mais nous ne combattons pas les personnes.
Nous, que l’on qualifie de "pirates" et de "terroristes", sommes capables de faire la différence entre s’attaquer à une idée et s’attaquer à un individu.
Mais nous n’oublions pas pour autant que "non violence" ne signifie pas "se taire et ne rien faire".

Alors nous agissons, faisons tout ce qui est en notre pouvoir -légalement- de militants écologistes, de bénévoles, pour protéger ce qui est fragile et vital, pour l’Etre humain et toute forme de vie.

Un rocher à La Réunion

Lorsque nous faisons un geste que nous estimons "normal", notamment un ramassage de déchets (geste que tous devraient accomplir au quotidien, et pas seulement une fois l’an pour la photo), à l’occasion d’une sortie, d’une plongée, d’une balade, d’une randonnée, nous visons l’efficacité et l’action immédiate, pas
la collecte de "fleurs" dont certains semblent avoir absolument besoin pour tenter de justifier l’étiquette pseudo écologiste qu’ils se sont auto-décernée.
Nous pensons aux quelques tortues et oiseaux marins que nous aurons peut-être sauvés en "prélevant" 10 morceaux de plastiques de l’océan ou d’une ravine (à ce sujet, les plastiques prélevés pullulent toujours et se portent bien, eux, hélas); si ces petits gestes peuvent en inspirer d’autres, engendrer une prise de conscience générale, il n’y aura ni gagnants ni perdants, sur ce point nous aurons tous gagné!

"Le monde ne sera pas détruit par ceux qui font le mal,
mais par l’inaction des gens de bien"

En espérant que les mentalités évoluent et que des débats constructifs soient enfin possibles (nous pouvons toujours rêver), un petit rappel en guise de conclusion:
Du fait de nos actions ou opinions, qu’elles plaisent ou non à quelques d’individus ayant des intérêts particuliers, nous, militants écologistes, disposons du droit et de la liberté de ne pas être inquiétés ni menacés à ce titre, ni dans nos vies privées, ni dans nos vies professionnelles.

Delphine Bétourné, pour Sea Shepherd Réunion

 

SOURCE / seashepherd.fr

Tag(s) : #environnement
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