Les anarchistes : les activistes les plus importants de la gauche juive israélienne

 

 

Les anarchistes : les activistes les plus importants de la gauche juive israélienne

30 juillet 2014 par florealanar

L’article ci-dessous est l’œuvre du journaliste israélien indépendant Noam Sheizaf, qui vit actuellement à Tel-Aviv. Il parle ici des activistes anarchistes de son pays.

____________________

Un tas d’accusations sans fondement sont lancées contre les anarchistes d’Israël. Ils forment un petit groupement de citoyens engagés dans la désobéissance civile et les protestations non violentes contre l’occupation des territoires palestiniens. La plupart de ces accusations sont des mensonges. Le fait est que les anarchistes forment le seul groupement, en Israël, qui se soit sérieusement engagé dans la lutte contre l’occupation.

 


 

La droite israélienne a appris un nouveau mot : « anarchistes ». La députée Miri Regev a déclaré à propos des leaders d’une manifestation [contre l’intervention armée à Gaza] qu’ils étaient « des anarchistes qui minaient les bases de l’Etat ».Le journaliste spécialisé en économie de Canal 10, Sharon Gal, déclarait que les manifestants étaient « une espèce d’anarchistes ». Les publications et commentaires sur les pages d’infos de Facebook reflètent des sentiments similaires. Et tout cela n’a rien de gratuit. Le mouvement en faveur de la justice sociale en Israël est conduit par la classe moyenne, et il y a toujours eu beaucoup plus d’Israéliens « normaux » dans les manifestations que de révolutionnaires professionnels.

Mais parlons des anarchistes. Au cours des deux ou trois dernières années, j’ai voyagé avec eux de nombreuses fois pour assister à des manifestations en Cisjordanie et je suis parvenu à connaître un bon nombre d’anarchistes, surtout membres du groupement « Anarchistes contre le mur ». Il ne serait pas exagéré de dire que ma relation avec eux a fondamentalement modifié ma perception de la politique.

Au départ, j’étais horrifié par la façon avec laquelle les anarchistes mésestimaient des événements qui étaient très importants pour moi, comme les élections au Parlement ou les manifestations sur la place Rabin (1). Cependant, quelque temps plus tard, je commençai à comprendre l’importance de leur activisme politique. Un aspect de cet activisme consiste à penser politiquement toutes nos formes de vie : ce que nous mangeons, qui nous exploitons par le biais de notre travail, et comment nous opprimons les autres. L’autre aspect consiste à s’engager dans une action politique concrète et de façon continue. Leur activisme ne se traduit pas seulement par des manifestations. Les anarchistes ont changé les noms de rues de Tel-Aviv par des noms de rues de la ville de Hebron occupée. Ils ont publié des autocollants dénonçant les actions violentes des colons contre les Palestiniens. Et ils ont renvoyé à l’ambassadeur des Etats-Unis les emballages des fumigènes fabriquées aux Etats-Unis que l’armée israélienne emploie contre les manifestants en Cisjordanie.

Ce sont là des actions symboliques, dont la finalité est d’élever la conscience des citoyens sur ce qui se fait en leur nom à seulement vingt kilomètres de Tel-Aviv. Le fait que les juifs israéliens qui composent ce groupement soient les seuls qui s’opposent résolument à l’occupation – et pas seulement par des plaintes de conversations de bistrot ou dans les pages de Haaretz – est peu flatteur pour la société israélienne.

Les anarchistes sont seulement quelques douzaines, mais ont une grande influence. Des milliers d’Israéliens ont ainsi visité Bilin (2) et ont vu pour la première fois l’armée israélienne depuis un point de vue palestinien, c’est-à-dire face au canon d’une arme plutôt que du bon côté de la détente (c’est là une expérience qui change la mentalité). L’armée a modifié le tracé du mur de séparation de Bilin suite aux manifestations. De plus, ces manifestations ont aidé à attirer l’attention de toute la population sur l’occupation.

La lutte de Sheikh Jarrah (3) est née de l’activisme des anarchistes. Même les manifestants en faveur de la justice sociale ont appris d’eux, et je ne fais pas référence ici au bris de vitrines de banques. La plupart des accusations dirigées contre les anarchistes sont des mensonges. J’ai assisté à des dizaines de manifestations et je n’ai jamais vu un anarchiste lancer des pierres ou attaquer

un soldat ou un policier. A la différence du mouvement anarchiste global, les anarchistes israéliens axent leur activisme sur la désobéissance civile et la non-violence : refus de servir dans l’armée, blocage de routes, boycotts et détentions volontaires. Avec ces actions, ils en paient personnellement un prix élevé.

Bien que je sois en désaccord avec eux et que leur dogmatisme ne me plaise pas, je suis convaincu que les anarchistes forment le groupement de gauche le plus important d’Israël de ces dernières décennies. Nombre de personnes qui, il y a quelques années, caquetaient contre eux leur apportent aujourd’hui leur soutien. Comme l’a écrit cette semaine un activiste sur Facebook : « S’il y avait autant d’anarchistes que le prétendent les idiots du Parlement, il y aurait beaucoup moins d’idiots au Parlement. »

Noam Sheizaf

(1) C’est généralement sur cette place de Tel-Aviv que la gauche israélienne organise ses rassemblements.

 

 

SOURCE / serpent-libertaire

Tag(s) : #Monde arabe - Israël
Partager cet article
Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :