Alors que la Californie subit en ce moment la pire sécheresse de son histoire, où des ours et coyotes entrent dans des villes, et que Paris va accueillir en fin d'année la COP21 pour tenter de trouver un accord universel sur le climat, Naomi Klein était de passage en France pour quelques conférences et pour la promotion de son nouveau livre Tout peut changer, capitalisme et changement climatique.

 

Naomi Klein est devenue une représentante de l'altermondialiste en 2000 avec No loge, la tyrannie des marques, un édifiant brûlot contre la prolifération de la publicité des multinationales, privatisant l'espace public, conditionnant les esprits, et conduisant à un renforcement de la pauvreté. McDonald, Nike, Starbucks ou Wal-Mart dans le viseur ! Cet essai devint une référence.

 

Membre du comité de parrainage du Tribunal Russell sur la Palestine, cette journaliste canadienne publia ensuite en 2008 La stratégie du choc, montée d'un capitalisme du désastre. Elle démontrait avec brio comment les chocs sociaux, économiques (catastrophes naturelles, guerres, terrorisme, coups d'État) peuvent être utilisés afin de faire passer des réformes économiques ultra-libérales qu'il aurait été impossible de mettre en œuvre autrement. Bien entendu l'impact réel de son essai lui valut un tir de barrage de la part de toutes les droites dans le monde entier.

 

Aujourd'hui elle nous propose une analyse très documentée d'une guerre, la pire de toutes. Celle que le système capitaliste mène contre la vie sur notre planète. Le principe mortifère du Toujours plus, toujours plus vite, et toujours plus de profits, avec un seul critère la croissance et le consumérisme mène droit dans le mur, via le changement climatique qui s'accélère.

 

Trois parties distinctes dans son propos.

 

Pour le capitalisme mondialisé, une seule priorité, le commerce. Peu importe le prix, il faut vendre et le marché, via sa fameuse "main invisible" pourvoira aux dégâts, qui parfois d'ailleurs seront source de profits ! Depuis le vaste mouvement de déréglementation du capitalisme, issu de la contre-révolution de Reagan et Thatcher, rien n'a été fait pour réduire les émissions, et les divers sommets internationaux furent des cuisants échecs, Copenhague 2009 étant un bel exemple. Tout cela étant facilité par une dérive de certaines ONG environnementales (Big Green) bien indulgentes envers les pollueurs, sans oublier la mascarade des promesses jamais tenues de la part des Bloomberg, Branson ou Obama.

 

Ce qu'elle nomme dans la seconde partie, la pensée magique, avec la franche collaboration entre multinationales et mouvement environnementaliste, avec en prime l'enfumage généralisé des milliardaires écolos proposant diverses pollutions délirantes pour en finir avec la pollution actuelle ! Un peu comme en France, la pathétique notion d'éco-capitalisme de Maud Fontenoy, sévissant dans nos écoles. Le green-business reste du business, même avec de multiples couches de peinture verte, la couleur tendance ! Résultat : les émissions globales de CO2 sont de 61% plus élevées en 2013 qu'en 1990 lorsque les négociations sur le Traité climat commencèrent ! La mondialisation capitaliste va bien malgré la crise de 2008, le climat lui va mal et le point de non-retour approche.

 

Après ce tableau assez sombre mais réaliste, Naomi Klein offre à son lecteur, une troisième partie en forme de résistance, de combat. En finir avec l'extraction des combustibles fossiles, le désinvestissement des sociétés pétrolières, la construction d'une économie alternative locale via un mouvement populaire, le droit des autochtones, le partage. Pour Naomi Klein, sauver le climat est synonyme de changer le système économique. Ce qui proposait déjà René Dumont dans les années soixante. Sans être entendu à l'époque ! Faire du bruit sur la "transition écologique" comme le font les gouvernements, de droite ou de gauche, sans une transition économique radicale est un leurre.

Tout peut changer, mais le temps presse, c'est cela ou disparaître. Cela n'est pas simple car "Il est toujours plus facile de nier la réalité que d'abandonner notre vision du monde".

 

Sans doute un des livres les plus importants de 2015, qu'il est urgent de lire, sans se laisser impressionner par son épaisseur. Naomi Klein a une qualité rare, elle demeure toujours compréhensible pour un large public.

 

Dan29000

 

Tout peut changer

Capitalisme et changement climatique

Naomi Klein

Traduit de l'anglais (Canada) par Geneviève Boulanger et Nicolas Calvé

Co-édition Actes Sud et Lux

2015 / 640 p / 24,80 euros

 

"C'est une triste chose de songer que la nature parle et que le genre humain n'écoute pas."

Victor Hugo, 1840

 

LE SITE ACTES SUD

 

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LE SITE  NAOMI KLEIN

 

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