En cette journée de deuil international télévisé par plusieurs chaînes françaises, ce soir à 19h, pas facile de vous parler du contraire. Hier soir j'étais à Nantes pour le premier concert d'une série de six, de Léonard Cohen. Une sorte d'anti Michael Jackson, sans juger les fans de ce dernier. Cohen n'a pas vendu 750 millions d'albums, ne danse pas sur scène, et ne produit aucun clip à rallonge. Nous sommes toujours dans la musique, mais déjà dans un autre monde.
Né en 1934 à Montréal, l'homme fut d'abord un poète, important, avec une première publication en 1956, puis un romancier dès 1963, au total l'écrivain nous donna 12 livres, dont Favorite game et Beautiful losers. Il fallut attendre 1967 pour son premier album « Songs of Leonard Cohen » et son fameux « Suzanne ». Evidemment sa biographie est longue, bio littéraire, musicale et humaine, donc il vous faudra aller voir les nombreux sites qui lui sont dédiés.
Retiré durant plus de six ans dans le monastère zen de Mount Baldy près de LA, où il fut ordonné moine jikan, nommé le « silencieux », il en ressortit pour s'apercevoir que son manager l'avait escroqué. Le procès lui donna raison, mais en vain. Le « old man » dut revenir aux affaires et engager une longue tournée mondiale en 2008 et 2009. Dans sa double carrière le « silencieux » a adopté un principe zen : moins mais mieux : 12 livres en 53 ans, 11 albums (hors live et compils) en 42 ans, très très peu d'entretiens et une vie privée préservée.
Ses grands thèmes perdurent durant toutes ces décennies, la religion, la solitude, la sexualité, les relations inter-personnelles. Depuis 1987 plusieurs albums sortirent en hommage à son immense influence. 1500 artistes ont enregistré ses principales chansons de Johnny Cash et Joe Cocker à Judy Collins et John Cale, en passant par Suzanne Vega, Madeleine Peyroux, Nick Cave et Noir désir, pour ne citer que les plus connus en France.
Hier soir, le concert a débuté par une longue « standing ovation »lors de son entrée sur scène, scène dépouillée, pas de light-show, accompagné par un sextet à pulsation rock mais très jazzy, parfois même swinguant. A ses côtés, un trio féminin de trois choristes exceptionnelles, dont Sharon Robinson. Elles ne sont pas pour rien dans la qualité vocale du show, en contrepoint de l'admirable voix de baryton-basse du chanteur. Deux heures quarante en deux parties. Un temps suspendu durant lequel l'homme en noir (costume et feutre) officie, souvent à genoux devant le public ou devant un des musiciens (à noter un incroyable guitariste barcelonais).
De quoi s'agit-il alors ? Il s'agit de sobriété, de spiritualité, d'austérité, et surtout d'humilité, toutes des valeurs zen malgré la judéité revendiqué de l'artiste. Les deux n'étant bien entendu par incompatibles. L'antidote à MTV, aux paillettes du show business, à la génération clip, la résultante étant que le public a une forte moyenne d'âge, que le zénith, même en configuration réduite ( 4500 places au lieu des 6000 possibles) n'est pas complet.
Cohen est hors temps, voire à contretemps, jamais de télévision, le contraire d'un show man (bouge à peine d'un pas de côté de temps à autre), mais il a LA VOIX, celle qui entre dans les tripes, une voix profonde, venue des tréfonds de l'âme, il a des textes magnifiques, une gestuelle de la main gauche, tout en élégance et retenue. Trois autres « standing ovations » en fin de spectacle, une petite phrase en fin de concert pour ceux qui souffrent de solitude, sans famille, et le magicien s'en fut vers Paris ce soir et Toulouse ensuite.
Le magicien sombre est toujours là, son abord n'est pas toujours facile, sa lucidité désespérée sur l'état du monde est profonde, il sait ce qu'est la souffrance et ainsi que le dit un de ses textes, il tente avec ses moyens de l'atténuer.Il a réussi hier soir à Nantes.
Les absents avaient torts.Vraiment. Pour les autres l'histoire d'amour entre l'artiste et son public se poursuit sans cesse...
Dan29000 
Tag(s) : #musiques
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