Jean-Noël Guérini face à la justice : la fin d’un « système » ?

Le sénateur socialiste et président du conseil général des Bouches-du-Rhône a été mis en examen, poursuivi des chefs de prise illégale d’intérêts, trafic d’influence et association de malfaiteurs.

 

 

Jean-Noël Guérini a été mis en examen dans une affaire de marchés publics présumés frauduleux impliquant son frère Alexandre, actuellement incarcéré.
Il a immédiatement annoncé qu’il se mettait en congé  du Parti socialiste. Il reste par ailleurs président du conseil général des Bouches-du-Rhône mais « délègue temporairement » une part de ses prérogatives.

Le premier secrétaire du PS par intérim Harlem Désir a appelé M. Guérini à « se retirer du PS et de toutes ses fonctions et responsabilités » et a signifié que « cette mise en examen doit marquer la fin du système Guérini ». Jean-Noël Guérini a lui-même annoncé, dès sa sortie du palais de justice, qu’il se mettait en congé du parti.

Cette mise en examen ne préjuge pas de sa culpabilité mais elle signe la fin d’une époque.

 

 


Jean-Noël Guérini clame son innocence, il a prévenu qu’il « n’accepterait pas d’être un bouc émissaire », il est présumé innocent. Après la mise en examen, l’instruction se poursuit, et ce n’est qu’à l’issue des investigations que le juge d’instruction décidera s’il renvoie ou non le mis en examen devant un tribunal. Un tribunal qui se prononcera alors sur sa culpabilité et décidera de la peine qu’il estimera la plus adaptée.

 

Il n’existe aucun moyen légal de faire démissionner le président du conseil général des Bouches-du-Rhône. Il a été renouvelé à son poste pour cinq ans, après les cantonales de mars dernier qui ont redonné au PS la majorité absolue des sièges dans cette assemblée. La seule façon de remettre en cause le mandat de Jean-Noël Guérini serait, pour les conseillers généraux, de bloquer le fonctionnement de l’Assemblée en ne votant pas son budget annuel et en provoquant donc sa dissolution par le préfet.

C’est donc une guerre souterraine, plus qu’une guerre ouverte qui va s’engager au conseil général des Bouches-du-Rhône.

Quelles pourraient être les conséquences de cette mise en examen? Au-delà des peines correspondant aux délits pour lesquels il est soupçonné, le président du Conseil général des Bouches-du-Rhône pourrait-il être interdit d’exercer toute fonction publique ou se voir condamné à une peine  d’inéligibilité ?

A propos de la prise illégale d’intérêts, voici ce que  dit l’article 432-12 du Code pénal : « Le fait, par une personne dépositaire  de l’autorité publique ou chargée d’une mission de service public ou par une  personne investie d’un mandat électif public, de prendre, recevoir ou  conserver, directement ou indirectement, un intérêt quelconque dans une
entreprise ou dans une opération dont elle a, au moment de l’acte, en tout ou  partie, la charge d’assurer la surveillance, l’administration, la liquidation ou le paiement. » La peine maximale encourue, selon le  même article est « cinq ans d’emprisonnement et 75.000 euros  d’amende. »

« L’idée, en créant cette infraction, était d’empêcher que des décideurs publics prennent un certain nombre de décisions dans le but d’en tirer un profit personnel et non dans l’intérêt public » explique au  « Nouvel Observateur » le secrétaire général du Syndicat de la magistrature et juge d’instruction Matthieu Bonduelle.

Le trafic d’influence, ce que dit l’article 432-11 du Code  pénal : « Le fait, par une personne dépositaire de l’autorité publique, chargée d’une mission de service public, ou investie d’un mandat électif public, de solliciter ou d’agréer, sans droit, à tout moment, directement ou  indirectement, des offres, des promesses, des dons, des présents ou des
avantages quelconques. Soit pour accomplir ou s’abstenir d’accomplir un acte de sa fonction, de sa mission ou de son mandat ou facilité par sa fonction, sa  mission ou son mandat. Soit pour abuser de son influence réelle ou supposée en vue de faire obtenir d’une autorité ou d’une administration publique des  distinctions, des emplois, des marchés ou toute autre décision favorable. »  La peine maximale encourue est de « dix ans d’emprisonnement et 150.000 euros  d’amende. »

« L’idée du trafic d’influence est de profiter de sa position de décideur public pour octroyer ou obtenir un avantage. Cette infraction a été créée dans le but de moraliser l’activité des décideurs publics qui ne  sauraient profiter de leur position pour satisfaire des intérêts privés » poursuit  Matthieu Bonduelle.

L’ Association de malfaiteurs selon l’article 450-1 du Code pénal : « Constitue une association de malfaiteurs tout groupement  formé ou entente établie en vue de la préparation, caractérisée par un ou plusieurs faits matériels, d’un ou plusieurs crimes ou d’un ou plusieurs délits punis d’au moins cinq ans d’emprisonnement. » Les  peines maximales encourues : « Lorsque les infractions préparées sont des  crimes ou des délits punis de dix ans d’emprisonnement, la participation à une  association de malfaiteurs est punie de dix d’emprisonnement et de 150.000 euros d’amende. Lorsque les infractions préparées sont des délits punis d’au  moins cinq ans d’emprisonnement, la participation à une association de malfaiteurs est punie de cinq d’emprisonnement et de 75.000 euros d’amende. »

« Il s’agit du fait, à plusieurs, de préparer la commission d’infractions graves. On se situe donc en amont de la commission de ces infractions et pas encore au stade de la tentative de commission de ces infractions » ajoute encore le secrétaire général du Syndicat de la magistrature.

Les trois infractions décrites ci-dessus comportent toutes la même peine complémentaire : l’inéligibilité : « Il existe pour chacune de ces infractions, en plus de la peine principale, la possibilité de prononcer une peine complémentaire portant sur l’interdiction des droits civiques, civils et de famille jusqu’à cinq ans. Cela concerne notamment le
droit de vote et l’éligibilité » explique Matthieu Bonduelle. Une seconde peine complémentaire peut être ajoutée aux trois infractions de prise illégale d’intérêts, trafic d’influence et association de malfaiteurs : l’interdiction d’exercer une fonction publique.  « Il s’agit de  l’interdiction, de manière définitive ou jusqu’à 5 ans, d’exercer une activité  professionnelle ou sociale, ou une fonction publique, sauf mandat  électif ».

Cette dérangeante  affaire pour le Parti Socialiste et pour les élus en général marque une nouvelle fois la nécessité que nous réclamons de manière constante depuis notre création
en 2002 : tous les partis politiques doivent faire le ménage en leurs rangs au fur et à mesure et de manière transparente. Tel est prix éthique à  payer pour retrouver la confiance de leurs concitoyens.

 

Pour en savoir plus :

 

http://lci.tf1.fr/france/justice/jean-noel-guerini-mis-en-examen-6682170.html

http://www.mediapart.fr/journal/france/080911/le-senateur-guerini-mis-en-examen-pour-association-de-malfaiteurs

http://tempsreel.nouvelobs.com

 

 

 

Source / ANTICOR.ORG

Tag(s) : #actualités
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