Mourir à Athènes – Shehzad Luqman, immigré de 26 ans originaire du Pakistan

18 janvier 2013

Après l’assassinat d’un jeune Pakistanais jeudi 17 janvier à Athènes, le chroniqueur Niko Ago évoque l’explosion des violences racistes dans le pays et leur banalisation sociale.

Ecrire après un tel meurtre n’est pas la chose la plus simple du monde. Mais si on ne le fait pas maintenant, alors quand ? « Il nous a coupé la route en vélo, ça nous a énervés et on l’a poignardé dans la poitrine ». C’est ce que l’on apprend des aveux qu’ont fait au juge d’instruction les deux autochtones – comme le veut désormais l’usage pour distinguer « ceux d’ici » des « autres » – qui ont assassiné en pleine rue, à Petralona, Shehzad Luqman, un immigré de 26 ans originaire du Pakistan. Comme s’il s’agissait de quelque chose de tout à fait normal, qui se produit chaque jour ; « si on le fait, pourquoi pas nous ? » Deux « citoyens comme il faut et de bons gars » – l’un était même pompier – qui ont toujours un poignard sur eux, « au cas où », quand ils se promènent à mobylette.

Ce crime avait-il un motif raciste ? Le communiqué de la police ne laisse pas de place au doute. « On a retrouvé à leurs domiciles trois couteaux-papillon, un poignard, une lame noire à poignée spéciale, un pistolet à air comprimé, un poing américain, de nombreux plombs de fusil, deux balles de fusil d’assaut, deux matraques en bois et une fronde, tandis que chez le jeune de 25 ans (l’un des deux agresseurs) on a trouvé 50 tracts électoraux d’un parti politique. Les collègues en charge de ce reportage policier ont précisé qu’il s’agissait de tracts de Chryssi Avgi [Aube dorée] ; ou peut-être s’agissait-il de tracts antiracistes ? comme l’écrivait fort à propos quelqu’un sur Twitter.

Le nombre de victimes de la violence raciste augmente en Grèce. La rhétorique de la haine est tout simplement acceptée. Dans le même temps, l’Etat, par ses agissements et ses négligences, ne peut freiner cette spirale. Et comme il ne peut l’empêcher, il la précipite, involontairement. Les organisations internationales tirent la sonnette d’alarme mais cela revient à « prêcher dans le désert ». La réputation du pays à l’étranger ne cesse de se dégrader, la vie des immigrés en Grèce se transforme en véritable enfer. Tant que Chryssi Avgi sera considérée comme un parti et non pour ce qu’elle est réellement, et tant que le gouvernement appâtera les petits bourgeois outrés pour préserver leurs voix, le pays continuera de chuter et les mauvaises nouvelles de ce type, malheureusement, se succéderont.

Niko Ago

* http://roumelie.wordpress.com/

* Article paru le 18 janvier sur le blog de Niko Ago et sur le portail Protagon, traduit du grec par A.Rossi

Lien vers l’article original : Πεθαίνοντας στην Αθήνα :
http://odromos.wordpress.com/2013/0...


Qui était Shehzad Luqman

Après l’assassinat du jeune Pakistanais Shehzad Luqman, jeudi 17 janvier à Athènes, par deux individus manifestement liés au parti néonazi Chryssi Avgi, Georgia Dama dresse le portrait de la victime et évoque les réactions dans le quartier de Petralona, où s’est produit le meurtre.

Shehzad Luqman est né en 1986. Il vivait en Grèce depuis six ans. Il a été poignardé alors qu’il arrivait sur son lieu de travail – il travaillait sur les marchés. Il partait à 2h30 du matin du quartier de Peristeri, où il résidait, pour arriver une plus tard chez son employeur, à Petralona, pour charger des caisses oranges.

« Aujourd’hui il n’est pas venu », a signalé son employeur à ses proches, trois Pakistanais avec lesquels il partageait une chambre rue Lachana, à Peristeri. Son colocataire de 25 ans, Omar, indique que Shehzad vivait légalement en Grèce : « Il avait obtenu une carte rose (permis de travail) et un permis de séjour provisoire. Il travaillait sur les marchés depuis le mois dernier. Avant il était gardien de chantier à Aspropirgo [banlieue industrielle d’Athènes]. Le chantier a fermé. »

Il faisait vivre huit frères et sœurs

« Il menait une vie difficile. Il avait huit frères et sœurs. Il gagnait 20 euros par jour et les envoyait au Pakistan pour que ses sœurs puissent se marier. Il disait souvent qu’il n’arriverait jamais lui-même à fonder une famille et à vivre dignement. »

Près de 800 attaques racistes contre des Pakistanais ont été enregistrées ces deux dernières années contre la communauté pakistanaise, déplore Javed Aslam, représentant de la communauté pakistanaise. Il rappelle le dernier incident, survenu dans le quartier de Maroussi il y a deux mois, soulignant que « deux Pakistanais ont été entre la vie et la mort pendant plusieurs jours », et précise que Shehzad est le cinquième Pakistanais assassiné.

Opposition Syriza – ministère de la police

Après la mort du jeune Pakistanais, le Syriza évoque dans un communiqué un assassinat raciste et sauvage, perpétré par des meurtriers d’extrême-droite. « L’éventuelle tentative d’étouffement du caractère de ce crime abominable, avec des arguments préfabriqués destinés à privilégier ‘une altercation’, ne ferait que charger politiquement mais aussi pénalement ceux qui l’entreprennent ».

Par la suite, le ministère de la Police, par communiqué interposé, a critiqué le Syriza, y voyant une récupération politicienne allant jusqu’à « l’exploitation de la perte d’une vie humaine. Il feint d’ignorer que la police grecque a interpellé les auteurs de ce crime odieux après une forte mobilisation ». Le communiqué précise également que « l’obligation constitutionnelle impose la légalité partout ».

Bouleversés, les habitants d’Ano-Petralona, qui se sont rassemblés hier en fin d’après-midi, ont clairement fait état d’un crime raciste et sauvage, exprimant étonnement et colère : « Le quartier d’Ano Petralona, qui se trouve proche de la colline Filopappou, soutient traditionnellement les partis de gauche.

« Les résidents participent aux mobilisations sociales. Il n’y a pas de cas de violences racistes dans le quartier », estime Maria Kontoyiorgou, habitante de la 3e circonscription.

Colère à Petralona

Plus de 500 riverains, membres d’organisations antiracistes et politiques, ont participé au rassemblement qui a eu lieu à 18h place Merkouri. « Notre participation au rassemblement est nécessaire car nous ne faisons pas confiance aux autorités », ont-ils souligné. Ils appellent à la condamnation des malfaiteurs « pour que cessent les crimes racistes ».

Dans la manifestation qui a suivi, ils se sont arrêtés à l’endroit du crime et ont distribué aux passants et aux magasins des tracts d’information sur le racisme.

« La manifeste tentative d’étouffement de l’affaire ne réussira pas. Il faut infliger une punition exemplaire aux auteurs de cet horrible crime raciste », déclarent les membres de la section locale du mouvement « Eliminons le racisme ».

Georgia Dama

* Article paru dans le quotidien Eleftheotypia, le 18 janvier 2013, traduit par A.Rossi

Lien vers l’article original : Ποιος ήταν ο Σαχτζάτ Λουκμάν :
http://www.enet.gr/?i=news.el.artic...


SOURCE / ESSF
Tag(s) : #actualités
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