cassandre 82Peut-être ne connaissez-vous pas encore "Cassandre-Horschamp", une revue culturelle trimestrielle dont le nouveau numéro d'été vient de trouver sa place dans les kiosques et librairies. Pourtant la revue en est à son 82e numéro. Comme d'habitude un dossier, ou fil rouge, dans ce numéro, c'est "L'art en procès". Dans le précédent, c'était "L'autre, sans qui je meurs, Rroms un  peuple de promeneurs" avec notamment de magnifiques photos de Eric Roux-Fontaine...

 

Autant l'avouer, nous ne connaissons cette revue que depuis quelques numéros, et assez vite, ce fut le coup de foudre. Coup de foudre d'abord pour la forme. Une maquette soignée, aérée, un choix de photographies (très important) surprenant, la diversité des sujets et l'absence de publicités, très important aussi pour nous qui sommes engagés dans un long combat contre les agressions publicitaires en tous genres.

Ensuite, coup de foudre sur le fond, sur les bases de la revue : Culture(s), Politique(s) et Société(s). Nous avons créé notre site sur des bases proches, sur l'idée des résistances et sur la mise en avant des cultures. Une des grandes qualités de "Cassandre" est de proposer à la fois des noms connus qu'ici nous aimons particulièrement comme Stéphane Hessel, Michel Le Bris, Tony Gatlif, Aminata Traoré, Agnès Varda, Paul Ariès, Denis Robert ou encore Bernard Maris dans des numéros récents, et des noms moins connus (sans les nommer pour ne vexer personne).  Il y a dans cette revue tout ce que nous aimons et qu'hélas nous rencontrons assez peu dans la presse actuelle, même dans la presse culturelle. Ouverture d'esprit, curiosité, engagement, partage, humanisme...On doit en oublier.

Une centaine de pages où rares sont les articles que l'on a envie de laisser de côté.

Pour passer cet été, un entretien avec Annie Le Brun et un autre avec Gérard Garouste.

Nous n'allons pas détailler tout le sommaire, mais juste choisir trois articles :

- Un décret assassin, un article de Catherine Pellier-Cuit qui est psychologue clinicienne à l'hôpital du Vinatier à Lyon, dans le cadre du fameux "Appel des appels" dont nous avons souvent parlé ici. Un nouveau décret sur l'usage du titre de psychothérapeute paru au JO en mai dernier. Une explication claire en deux pages. Indispensable. 

- Dans la rubrique "Libres échanges" un entretien avec un cinéaste qu'ici nous apprécions : Gilles Perret. Réalisateur d'un film récent que nous avons beaucoup aimé : Walter, retour en Résistance, un documentaire qui donne une belle envie de résister, sans nostalgie du passé, mais vers l'affirmation des valeurs fondamentales d'aujourd'hui et de demain, contre ceux qui les détruisent méthodiquement.

Plusieurs pages sont consacrées à "L'imaginaire, impératif politique", toutes passionnantes vu la thématique, mais en particulier l'article de Céline Delavaux intitulé "Créer pour réparer" où elle revient sur la première édition de la biennale de l'Association Itinéraires singuliers" à Dijon. Trois semaine d'événements organisés autour d'un exposition de productions plastiques réalisées en milieu psychiatrique. Une belle réunion d'artistes, de collectionneurs, de chercheurs, avec des ateliers, des visites guidées, des projections et des journées d'étude. On attend avec impatience la seconde édition. Sortir la maladie et le handicap de l'exclusion par l'expression artistique, un beau programme, non ?

 

Couv79petitPour finir, on ne saurait trop vous conseiller de faire un petit tour sur leur site, fort réussi. Vous pouvez aussi commander d'anciens numéros. On vous conseille particulièrement celui de l'automne dernier, le numéro 79 : "Contre la machine à décerveler" avec Breyten Breytenbach, Armand Gatti, Marcel Gauchet et une plongée dans l'Italie berlusconisée...

 

"Allier le pessimisme de l'intelligence à l'optiminisme de la volonté" la citation dans le bandeau-titre de Cassandre, cela aurait pu être la notre, même si nous avons préféré : "Résister c'est créer", mais la démarche est sans doute identique.

 

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Pour voir le site :

 

http://www.horschamp.org/ 

 

 

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Extrait de l’éditorial, par Valérie de Saint-Do


[…] Aux rengaines éculées d’un populisme (renforcé par la désastreuse loi Hadopi !) qui ne voit dans le soutien public à l’art d’aujourd’hui que gaspillage, et aux mantras des libéraux soucieux de démanteler le service public de la culture, viennent s’ajouter des voix aux arguments mieux affûtés.
Celles de militants pour lesquels, sur fond de grave crise économique, politique et sociale, le statut d’artiste […] devient trop souvent le cache-sexe des privilèges, tandis que la culture se mue en divertissement des puissants et en alibi de la gentryfication des villes.
Celles de penseurs, surtout, qui critiquent – non sans faire mouche parfois – le tout-culturel devenu un système de consommation, voire une arme de dépolitisation[…]

Nous n’ignorons pas que ce sont parfois les défenseurs les plus farouches d’un art refusant d’emprunter les sentiers qu’on lui prépare qu’inquiète une culture d’État toujours suspecte de devenir officielle.
Ainsi, l’écrivain Annie Le Brun, dont la plume incisive et belle dépeint sans concession une époque obsédée par le rendement et la norme, où les abîmes et les fulgurances de l’imaginaire sont devenus suspects, dénonce une culture instrumentalisée pour la domestication des esprits. « Mais ce sont les artistes qui prennent en charge la culture : sans eux, pas d’émancipation humaine, ni même de possibilité d’existence d’une pensée politique », répond la philosophe Marie-José Mondzain.
L’imaginaire serait-il devenu hautement suspect dans une civilisation obsédée par le rationalisme, au point de refuser à l’humain sa part de rêve comme sa part d’ombre ?

Devrions-nous laisser aux marchands de temps de cerveau disponible le soin de « réenchanter le monde » avec leurs lamentables simulacres et rêves de pacotille, au nom d’un austère réalisme politique et économique devenu « tyrannie de la réalité » ? « Surtout pas ! », prévient un autre penseur engagé, Yves Citton, pour lequel un autre monde ne sera possible que si artistes et politiques consentent à le rêver et le raconter. À se réapproprier une part d’utopie, à s’emparer de la fiction, à se raconter de – belles – histoires.
À nous rappeler que, depuis Lascaux, les questions de survie cruciales n’ont jamais éloigné l’homme de la nécessité du symbolique[…]

Ce sont ces voix et voies de traverses, célèbres ou discrètes, hors champ, que nous donnons à voir et à entendre dans ce numéro, d’Ernest Breleur à Gérard Garouste, de Thomas Hirschhorn et Manuel Joseph à Denis Tricot, de Gilles Perret à Faustin Linyekula, comme la meilleure réponse aux procureurs.
La parole est à la défense !
 

Tag(s) : #lectures
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