Chirac : «La démonstration de l’indépendance du tribunal»

Interview

La porte-parole de l'association Anticor, Séverine Tessier, se félicite d'une «décision historique» après la condamnation de l'ex-Président dans l'affaire des emplois fictifs de la Ville de Paris.

Recueilli par Laure Equy

 


 

Quelle est votre réaction à la condamnation à deux ans de sursis de Jacques Chirac dans l’affaire des emplois fictifs de la ville de Paris?


C’est une décision historique qui marque la reconnaissance d’un système et de ses responsables. C’est aussi un désaveu du parquet, qui avait requis la relaxe, et la démonstration de l’indépendance du tribunal. Celui-ci réaffirme qu’on est encore en République et que personne n’est au-dessus des lois.


Le tribunal correctionnel a, par contre, déclaré irrecevable la constitution de partie civile de votre association. Qu’est-ce que cela signifie?


Le tribunal a voulu dire qu’il n’y avait pas de préjudice direct pour Anticor, qui n'a pas subi un dommage. Mais ce qui importe pour nous aujourd’hui, c’est la reconnaissance du bien-fondé de notre action [l’association a porté, seule, la contradiction face à la défense, ndlr], c’est un AAA pour nous: Anticor remonte un peu la note du système judiciaire français!


Votre rôle face à la justice pourrait-il changer?


Sur ce point, la cour de cassation a ouvert une voie, dans l’affaire des bien-mal acquis, à l’association anticorruption, Transparency International. Il y a donc là une bataille à mener pour que cela soit maintenant relayé au plan législatif. Il faut qu’Anticor figure parmi les associations pouvant être recevables en justice -comme les associations antiracistes- alors qu’aujourd’hui ce droit est laissé à l’interprétation souveraine du tribunal.


Les faits remontent aux années 1990. N’est-ce pas toujours dommage d’obtenir gain de cause après si longtemps?


On déplore évidemment que la décision arrive trop tard mais tout finit toujours par arriver et on a vu cette velléité d’indépendance au sein du système judiciaire français. Cela renvoie à la nécessité de réformer le statut pénal du chef de l’Etat, mais pas seulement. Il y a cette réflexion à mener sur la réforme de la justice: nous souhaitons préserver le juge d’instruction et lui donner les bons outils de travail et d’indépendance.


A l’heure où ressortent plusieurs affaires polico-financières sur fond de campagne présidentielle, quelles sont les autres leçons à tirer?


Il ressort de cette affaire l’idée qu’émerge un véritable pouvoir citoyen au service de l’intérêt général et qu’il est nécessaire pour réaffirmer les fondements de notre République. Anticor a incarné cette voix citoyenne qui doit s’élever au moment où les pouvoirs publics et institutionnels démissionnent. Nous interpellerons les candidats à la présidentielle sur ces problématiques, comme la réforme de la justice, le lobbying et le blanchiment d’argent.

 

 

 

Source : Libération

Tag(s) : #actualités
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