Grèce : des solidarités contre la crise – Après les suicides de Savvas Metoïchidis et Dimitris Christoulas
26 avril 2012

Samedi 21 avril, 45 ans exactement après le coup d’État des colonels fascisants, Savvas Metoïchidis, syndicaliste enseignant militant engagé dans le courant radical, s’est suicidé. Comme Dimitris Christoulas l’avait fait il y a trois semaines, son geste terrible est une condamnation sans appel de la politique de ravages sociaux menée en Grèce, et ses camarades de combat saluent le militant participant entre autres causes à l’enseignement du grec auprès des immigrés, aujourd’hui au centre de la campagne raciste menée par le gouvernement et les officines néonazies. La pression de la crise entraîne bien sûr colère mais aussi découragements  : en janvier, le nombre des chômeurs est passé à 1,85 million, soit 21,8 % de la population active, dont 50,8 % entre 15 et 24 ans, c’est dire l’avenir des jeunes si rien ne change... Par ailleurs, bien des enseignantEs constatent les difficultés grandissantes des familles  : non-participation aux voyages scolaires, mais aussi évanouissements en classe d’élèves sous-alimentés.

Dans ces conditions, la question de la solidarité devient une question de survie, mais aussi une question politique, comme l’a bien compris la bourgeoisie nationale, en mettant en scène des soupes populaires et des aides diverses. Aux premiers rangs, l’Église orthodoxe, voulant ainsi faire oublier que ses immenses richesses (foncières) ne sont pas touchées par les mesures. Mais le pire, ce sont d’intenses campagnes de médias aux mains de la grande bourgeoisie, comme celle de TV Sky, associée à l’Église et à l’armée pour récolter des surplus aux sorties de magasin, dans une campagne tout simplement titrée «  Tous ensemble, nous pouvons  !  » L’affameur se voulant bien «  famé  »…

Dans ces conditions, il est vital qu’une activité concrète et durable de soutien se développe en essayant de se coordonner sur des bases de classe. Différentes initiatives existent déjà  : le travail de Médecins du monde Grèce associant soins et nutrition de base est très efficace. Côté français, une initiative récente du Secours populaire a été remarquée : aide alimentaire aux grévistes de l’usine sidérurgique Halivourgia et aux habitantEs d’une banlieue proche de l’usine. Indépendamment des initiatives de chaque organisation française, on peut se demander si une coordination autour du Secours populaire, reconnu en Grèce par une partie large de la gauche, ne permettrait pas d’élargir en France une campagne politique de soutien concret aux secteurs populaires.

À noter, différentes initiatives qui se développent ces derniers temps, en rupture avec la logique marchande. Ainsi, ce que l’on a appelé le «  mouvement des patates  »  : les paysans producteurs sont venus vendre directement sur des places de plusieurs villes, sans passer par les intermédiaires. Différence  : le kilo à 0, 20 centimes au lieu de 0, 85 minimum, et un très grand succès, qui a obligé des maires à soutenir ces initiatives. À signaler aussi ces associations locales déjà existantes ou se créant et qui organisent comme à Chania (en Crète) des distributions de repas gratuits, ou bien, sur le modèle argentin, la mise en place d’un système de troc, auquel participe une série de magasins associatifs et qui connaît aussi un certain succès. Une coordination souple de toutes ces initiatives est à souhaiter, pour renforcer l’idée que les résistances locales sont un échelon indispensable d’une rupture politique centrale avec le capitalisme synonyme de faim et pauvreté.

Andreas Sartzeki, Athènes, le 22 avril

* Publié dans : Hebdo Tout est à nous ! 146 (26/04/12).


Grèce : deux morts qui poussent à continuer le combat

L’information a débordé les frontières de la Grèce  : mercredi 4 avril, un pharmacien retraité s’est suicidé en plein jour sur la place Syntagma au centre d’Athènes. Sa lettre ne laisse aucun doute  : refusant d’en être réduit à devoir fouiller les poubelles, il appelle à mettre fin à la politique de la Troïka et du gouvernement qui réduisent la population du pays à l’esclavage. Si ce geste a provoqué une émotion si forte, c’est que Dimitris Christoulas est l’illustration du «  héros du quotidien  »  : ancien partisan de la gauche, ayant participé au printemps dernier aux rassemblements des Indignés, il rejoint la colère de millions d’habitants et chaque soir des milliers de personnes se rassemblent sur la place. Son enterrement ce samedi s’est conclu par une manifestation à Syntagma lors de laquelle un policier s’est vu courser par la foule  : il faut préciser que jeudi soir, ces mêmes flics ont frappé sauvagement, envoyant à l’hôpital le président du syndicat des photo-reporters, représentant d’un métier apparemment trop gênant.

Il faut aussi saluer une belle figure de la gauche, disparue il y a deux semaines  : Giannis Banias était une figure marquante de ces militants ayant rejoint dans les années 1960 le KKE (PC grec) alors interdit, puis ayant participé à la création du KKE-es (euro-communiste) avant de se lancer dans la construction d’une gauche radicale avec le groupe Akoa, membre du regroupement Syriza, dont il était député. Si les choix de Banias ne rejoignaient pas ceux de la gauche révolutionnaire, les rapports ont été toujours chaleureux avec cette figure respectée et ouverte de la gauche, et ce n’est pas un hasard si à son enterrement étaient présents tous les courants de la gauche et même au-delà (à côté du vétéran de la résistance Glezos, un ancien président de la République, homme de droite ouvert, était là)… le KKE manquait. Le combat mené par trop peu de personnes continue pour l’unité de la gauche dans les luttes, seul moyen d’ouvrir des perspectives politiques crédibles.

A. Sartzekis, Athènes, le 7 avril

* Publié dans : Hebdo Tout est à nous ! 144 (12/04/12).


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