Grèce : voici venu le temps de Syriza

législatives. La coalition de gauche radicale talonne la droite, qui ne pourra pas gouverner seule.

Envoyée spéciale à Athènes Maria Malagardis

Il est né trois jours après la chute de la dictature en juillet 1974 et il est le vrai gagnant des législatives anticipées qui ont eu lieu hier en Grèce : à moins de 38 ans, Alexis Tsipras, a fait de son parti de la gauche radicale, Syriza, la deuxième force politique au Parlement. Du jamais-vu depuis l’avènement de la démocratie, qui avait jusqu’à présent privilégié le monopole de deux grandes forces : Nouvelle Démocratie à droite et le Pasok (socialiste) au centre gauche. Même si Nouvelle Démocratie arrive en tête, elle ne recueille pas assez de suffrages pour former seule un gouvernement, malgré trois ans passés dans l’opposition. C’est donc une victoire à la Pyrrhus pour son leader Antonis Samaras qui risque de se retrouver dans une position impossible : négocier avec ses opposants à gauche ou… se démettre.

Manœuvrier. Le leader du Pasok, Evangelos Venizélos, hué devant son bureau de vote, fait lui aussi grise mine en voyant le score de son parti divisé par deux depuis les élections de 2009. Et tous les regards se tournent désormais vers un jeune homme qui détient peut-être les clefs du futur gouvernement. «Dimanche, nous allons créer la surprise», prédisait vendredi soir Alexis Tsipras lors de son dernier meeting de campagne à Salonique. Cheveux noirs gominés, Tsipras s’était déjà distingué en devenant en 2004 le plus jeune leader de parti politique dans un pays qui accorde d’habitude la prime aux anciens.

Mais il a su se montrer un habile manœuvrier dans une formation qui est avant tout une coalition, et surtout un orateur capable de galvaniser les foules dans une période où les Grecs, désemparés, avaient tendance à rejeter toute la classe politique. Se prononçant pour la renégociation des accords passés avec Bruxelles et le Fonds monétaire international (FMI) et qui ont conduit à baisser drastiquement les salaires et les retraites, Tsipras jouait la seule carte qu’une majorité d’électeurs souhaitaient entendre. Qualifié de «candidat négatif» par Ta Nea, quotidien socialiste qui fustigeait sa «démagogie», Tsipras a martelé qu’un autre choix était possible et que «ce scrutin [était] avant tout un référendum» pour ou contre la poursuite de la politique d’austérité. Un discours d’autant plus sensible que de nouvelles mesures (avec des baisses de salaire) sont prévues en juin.

«Celui qui vote Nouvelle Démocratie vote pour le Pasok socialiste et vice-versa», martelait Tsipras à Salonique, frappant dans le mille : les deux grands partis traditionnels prévoyaient déjà qu’après s’être affrontés aux élections, ils seraient contraints de collaborer dans un nouveau gouvernement, aucun d’eux n’ayant de majorité suffisante. Un retour à la case départ donc, puisque, depuis novembre et le départ du Premier ministre socialiste, c’est bien un gouvernement du Pasok soutenu par Nouvelle Démocratie qui a présidé aux destinées du pays et promulgué les réformes.

Néonazis. «Lundi, une nouvelle aube se lève sur la Grèce», annonçait vendredi soir Tsipras. Voilà qui reste à prouver. Notamment parce qu’une autre «aube», l’Aube dorée des néonazis, fait elle aussi une percée historique et inédite lors de ce scrutin. Qui va gouverner dans un Parlement encore plus divisé entre une gauche anticapitaliste et une droite nationaliste voire pro-fasciste ? C’est la question à laquelle devra aussi répondre le jeune arbitre du rapport des forces sorti des urnes. Aujourd’hui, le suspense ne fait que commencer.

 

Source : LIBERATION

Tag(s) : #actualités
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