INTERVIEW DU PROFESSEUR MARC GENTILINI POUR LE SITE DOCTISSIMO
 
Doctissimo : Aujourd'hui commence la campagne de vaccination pour les professionnels de santé, pourtant, la grippe A se fait discrète. Qu'en est-il aujourd'hui de cette pandémie ?

Marc Gentilini : Il est vrai que nous sommes submergés d'informations au quotidien. Et pour l'instant, on attend toujours en France les conséquences de cette épidémie, annoncée depuis le mois d'avril. Aujourd'hui, et c'est tant mieux, il semble que la grippe A soit beaucoup moins dangereuse que prévue. Elle tue moins que la grippe saisonnière. Il est vrai que 7 personnes sont décédées en France métropolitaine, mais on est loin de l'apocalypse dont nous menaçaient certains experts.

Doctissimo : Pensez-vous que la France ait usé du principe de précaution ?

Marc Gentilini : Ce qui m'inquiète, ce sont les énormes sommes engagées depuis le début de la crise. Roselyne Bachelot, la ministre de la santé, a indiqué que le budget s'élève à plus de 1,5 milliards d'euros, entre la campagne de prévention et les masques, médicaments et vaccins achetés. Or souvenons-nous, en 2005, le monde entier se préparait à l'arrivée de la grippe aviaire H5N1. Mais il ne s'est rien passé. A l'époque, la France avait déjà acquis de nombreux masques et antiviraux, aujourd'hui périmés. On ne sait ce qu'ils sont devenus ! Je crains un schéma similaire avec la grippe A. De plus, avec le coût lié à la logistique de la vaccination, ce sont plus de 2 milliards d'euros qui seront dépensés. Cela me paraît très cher, pour un objectif discutable, et au détriment d'autres graves problèmes de santé publique.

Doctissimo : N'est-il pas légitime qu'un pays prenne soin de la santé de ses habitants ?

Marc Gentilini : Bien sûr, il est tout à fait normal que le gouvernement se mobilise. Je prends moi-même cette grippe au sérieux. Néanmoins, je pense que l'on est dans l'excès.
Depuis le début de l'épidémie, la grippe A a provoqué près de 5 000 décès dans le monde. Dans le même temps, 200 000 personnes sont mortes du paludisme, une maladie que l'on sait soigner et pour laquelle des médicaments existent. Par ailleurs, il y a en France même des problèmes de santé majeurs. Les hépatites B et C tuent chaque année près de 5 000 personnes. Et on dénombre plus de 40 000 arrêts cardiaques extrahospitaliers et 150 000 accidents vasculaires cérébraux par an. Il me semble donc que ces affections méritent également toute notre attention.
Je pense qu'au-delà de précautions légitimes, on a sonné une alarme excessive et je souhaiterais que les autorités sanitaires et les experts se calment.

Propos recueillis par Sarah Laîné, le 20 octobre 2009

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