La meilleure façon, pour moi, d’être communiste est de ne pas rester membre du PCF
par Jacques Perreux, vice-président du Conseil général du Val de Marne

J’ai décidé de quitter le PCF. Ce qui motive mon départ c’est, précisément, ma volonté de rester fidèle à mes idées et à mes engagements communistes.

Pour moi, le communisme c’est d’agir avant tout pour le rassemblement des citoyens et des forces pour permettre la transformation sociale et écologique. Or, le comportement du PCF, depuis plusieurs années, tourne le dos à ces objectifs.

Plutôt que contribuer à inventer un mouvement totalement ouvert aux forces et surtout aux citoyens qui ont des engagements politiques en dehors des partis politiques qu’ils jugent trop sclérosants, il s’entête à ce que le rassemblement se fasse autour de lui, dans le cadre de rapports de forces et de domination. Ainsi, il tourne résolument le dos aux forces prêtes à se mobiliser ensemble face à l’horreur sociale morale, écologique et économique dans laquelle nous baignons ou plutôt nous nous enlisons. Et pourtant, ces forces sont très diverses et de très nombreux citoyens sont en attente de formes de rassemblement qui respectent leur intelligence, leur savoir faire, leurs idées, leur envie de décider, leur regard sur le monde, leur liberté.

Le PCF n’est plus ce qu’il a été et depuis longtemps. Les jeunes, les intellectuels qu’il avait massivement rassemblé l’ont déserté. La classe ouvrière ne lui fait plus confiance.

Cette asphyxie lente et profonde aurait dû le conduire à tenter de se réoxygéner par une politique de rassemblement avec d’autres forces dont il aurait accepté qu’elles lui apportent ce qui cruellement s’échappait inexorablement. C’est le contraire qui s’est produit.

Après avoir empêché une candidature unitaire des antilibéraux aux dernières élections présidentielles, le PCF s’entête à nouveau à ce que le rassemblement se fasse autour de lui pour les élections régionales. J’avais encore par naïveté ? par optimisme inconsidéré ? pensé que le PCF proposerait à ses partenaires du Front de Gauche Patrick Braouezec comme tête de liste en Ile-de-France.Tout le monde reconnaît ses capacités à rassembler. Sa détermination à porter la lutte contre les inégalités est appréciée. Son engagement à mettre la banlieue, sa créativité, la promotion de sa multiculturalité au coeur des enjeux de Paris Métropole aurait été un véritable atout pour faire entendre la voix d’un territoire régional juste et équilibré.

Et bien non, le choix du PCF reste un choix étroit. En proposant son futur secrétaire national, il se trompe d’enjeu et casse l’éventuelle dynamique qui aurait pu s’instaurer. Ce n’est même pas un retour en arrière, mais une fuite en avant réitérée dans le sectarisme. C’est un nouveau gâchis.

Autre sujet, tout aussi décisif pour moi, la gestion de l’eau. J’ai déjà eu l’occasion de dire que j’en voulais à la direction du PCF d’avoir contribué à ce que des élus de la région parisienne favorisent le renouvellement du plus gros contrat européen d’une multinationale de l’eau et empêchent la gestion en régie publique et la baisse du prix de l’eau. Tous ceux avec qui nous menons ce combat ont été choqués, meurtris, volés d’une possible victoire.

Alors, moi qui suis COMMUNiste et pour qui la gestion en COMMUN des biens qui nous sont COMMUNs est le minimum du COMMUNisme que dois-je faire ? Être fidèle au parti ou fidèle à mes idées ? Au PCF, il ne devrait pas y avoir d’intérêt supérieur à l’intérêt général, mais il arrive malheureusement souvent que des intérêts, jugés comme ceux du Parti, passent avant l’intérêt général. Trop souvent !.Et les combats qui me tiennent le plus à coeur ne sont pas portés par le PCF, c’est le moins que l’on puisse dire. Je dois donc en tirer les conclusions, la meilleure façon, pour moi, d’être communiste est de ne pas rester membre du PCF. Ceci n’altère pas l’estime que j’ai pour nombre de militants du PCF et la confiance que j’ai en Christian Favier pour sa manière ouverte et rassembleuse d’exercer, bien à gauche, la Présidence du Conseil Général du Val-de- Marne.

Il y a plusieurs mois des militants d’Europe Écologie m’ont proposé, en tant que militant communiste, d’être candidat à côté d’eux, sur la liste que va conduire Cécile Duflot pour les élections régionales. Je décide d’accepter et veux dire pourquoi.

Chacun connaît mes engagements dans le domaine social notamment à Vitry où je suis élu local et dans le domaine écologique comme militant et Vice-Président du Conseil général. La politique, pour moi, c’est à la fois des convictions, de l’ouverture aux idées des autres et des actes concrets. Comment pourrais-je être insensible à la possibilité ouverte notamment en cas de victoire d’Europe Écologie de contribuer à traduire des idées et des combats auxquels je crois pour l’Ile-de-France. S’il y a une population qui a besoin que l’on fasse coïncider urgences sociales et urgences écologistes c’est bien celle de la région parisienne.

Comment pourrais-je être insensible à cette main tendue, alors que je côtoie souvent des militants d’Europe Écologie et que j’apprécie chez nombre d’entre eux la détermination qu’ils mettent à mener leurs combats ? Même si certains ne se réclament pas de la lutte contre le système capitaliste, leurs actions concrètes contestent ce mode de développement. Et pour moi, ça compte beaucoup. La question de mettre en accord ses actes avec ses paroles a évidemment une dimension morale extrêmement précieuse, mais elle est surtout au coeur de notre capacité ou non à changer les choses. Il m’arrive encore souvent d’entendre dire que modifier son mode de vie, ses comportements n’est pas suffisant. Certes ! Mais c’est absolument indispensable si on veut être capable de changer davantage. Comme le disait Gandhi : « vous devez être le changement que v ous désirez voir en ce monde ! » Oh je sais, on me dira, et on me dit déjà, Cohn Bendit, ses appels du pied au centre… je ne les approuve pas.

Mais Europe Écologie c’est aussi Augustin Legrand et son engagement pour les mal logés, Éva Joly et sa détermination sans concession contre les paradis fiscaux, Philippe Mérieux et ses idées novatrices pour l’école, José Bové et ses combats écologiques contre les OGM… et tous ceux qui avec eux se reconnaissent dans ces espoirs. Je sais les contradictions que cela induit. Elles ne me font pas peur bien au contraire. Je n’adhère pas à un nouveau parti. Je participe à la démarche ouverte d’Europe Écologie qui consiste à mettre ensemble des militants de réseaux, d’associations, de partis, des experts, tous convergents mais tous différents. Créer de la confrontation provoque de l’intelligence et de l’imagination et peut-être une audace qui a quitté depuis un bout de temps la gauche classique. Cela me plait et je souhaite, sans en être sûr, que cette démarche inventive et inédite réussisse. En bref, pour ma part, je ne suis ni en attente de quelque chose de chimiquement pur, ni béat devant cette construction récente. Ce qui m’intéresse par contre, c’est qu’il y a là des ingrédients qui créent de la vie au coeur des enjeux sociaux et écologiques, du débat, de la dynamique.

Ce qui est sûr, c’est que nous sommes très nombreux à chercher à ouvrir une vraie alternative à Sarkozy en s’attaquant à la racine capitaliste des inégalités sociales et à la racine productiviste des dégâts écologiques et climatiques. Nous le faisons en des endroits divers et de façon différente. Chacun répond à sa manière à sa recherche d’efficacité politique. Continuons à en débattre, à nous rencontrer. Faisons-le sans esprit de boutique, de concurrence et de division. Et nous nous retrouverons car il le faut absolument.
Tag(s) : #actualités
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