Le réchauffement à un degré alarmant

La forte croissance des émissions de gaz à effet de serre risque d’accélérer et d’aggraver le changement climatique.

Par SYLVESTRE HUET

Alors que s’ouvre la conférence de Durban (lire ci-contre), qu’en est-il des causes du changement climatique - les émissions de gaz à effet de serre - et de l’estimation de ses conséquences ?

 

Des émissions en hausse

Les émissions de gaz à effet de serre ne connaissent pas la crise. Avec 30,6 milliards de tonnes de gaz carbonique, les émissions du secteur de l’énergie ont atteint un nouveau sommet en 2010 - en hausse de 5% par rapport à 2008, après la légère diminution de 1,3% en 2009. Elles proviennent du carbone fossile (charbon, pétrole et gaz) qui représente plus de 80% des sources énergétiques utilisées sur la planète. Dans ce trio, le charbon est en tête des émissions (44%), selon le bureau d’études Enerdata. Il sert surtout à générer de l’électricité (+ 7% en 2010). Le pétrole (36%) est en progression de plus de 4% par rapport à 2009. Le gaz naturel (20%) grimpe à toute allure (+ 8% en 2010). Pour ce secteur, la hausse approche les 40% depuis 1990.

Une atmosphère chamboulée

Avec 389 parties par million de molécules (ppm) de gaz carbonique en 2010, «la teneur de l’atmosphère en gaz à effet de serre d’origine anthropique a atteint une fois de plus des niveaux jamais enregistrés depuis l’époque préindustrielle», a déclaré, le 23 novembre, Michel Jarraud, de l’Organisation météorologique mondiale. Il semble désormais impossible de contenir cette hausse à 450 ou 500 ppm dans les décennies à venir. Or, cette limite correspond grossièrement à une augmentation des températures moyennes de la planète de 2°C. Cet indicateur synthétique de l’amplitude du changement climatique exigerait que les émissions mondiales passent par un «pic» de 32 milliards de tonnes en 2020 pour décroître ensuite. Ce chiffre devrait être rapidement dépassé de manière durable, tant la «faim» énergétique des pays émergents et des plus pauvres est gigantesque. Dans les vingt à trente ans à venir, ces émissions proviendront pour l’essentiel d’installations énergétiques déjà construites ou en construction.

Un climat qui évolue vite

Lorsque la convention Climat a été signée, en 1992, il n’y avait pas encore de signes visibles d’un changement climatique. Ce n’est plus le cas, comme le montrent quelques exemples. Hausse des températures moyennes - avec un record en 2010, après ceux de 1998 et 2005. Hausse du niveau des océans, en raison de la dilatation thermique et de la fonte des glaces continentales (montagnes et calottes du Groenland et Antarctique). Rétractions estivales records de la banquise arctique. Migrations animales et végétales… De premiers signes d’une augmentation des vagues de chaleur et d’événements météorologiques extrêmes sont apparus, même si ce sujet demeure incertain.

Des prévisions alarmantes

Les scientifiques accentuent leurs efforts pour prévoir ce que serait le climat en fonction de différents scénarios d’émissions de gaz à effet de serre dans les cent prochaines années. Si les émissions se poursuivent au rythme actuel, ou si le climat réagit de manière forte à des émissions maîtrisées, l’amplitude de ce changement pourrait atteindre celle d’une variation glaciaire-interglaciaire, soit environ 5°C en moyenne planétaire… mais en un siècle au lieu de cinq mille ans. Dans ce cas, les sociétés humaines devront affronter lors de la seconde moitié du XXIe siècle une «double peine». D’une part, une pénurie progressive d’hydrocarbures (pétrole et gaz) alors qu’elles en seront encore plus dépendantes qu’aujourd’hui. Et, d’autre part, des évolutions climatiques brutales dont les conséquences sur les ressources naturelles (agriculture, pêche) et les infrastructures industrielles et urbaines (les villes côtières, grands deltas) seront majeures.

L’adaptation à ces changements - les submersions des basses côtes pourraient concerner plus de 300 millions de personnes à la fin du siècle - exigera la mobilisation d’importantes ressources et une grande capacité d’anticipation.

Les scientifiques travaillent pour réduire les incertitudes sur les prévisions climatiques. Une étude parue dans Science jeudi (Schmittner et al.) estime que la «sensibilité» du climat à un doublement du gaz carbonique dans l’air pourrait être inférieure à celle retenue par la plupart des équipes et autoriser un réchauffement moindre. A l’inverse, un article paru dans Nature Climate Change, le 20 novembre (Friedlingstein et al.) avertit que, si cette sensibilité est légèrement supérieure, même l’arrêt brutal et rapide des émissions ne pourrait éviter une hausse de plus de 2°C des températures moyennes.

 

Source : Libération

Tag(s) : #environnement
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