Notre-Dame-des-Landes : une famille résiste à son expulsion
Officiellement, depuis le 8 mai, aucun habitant de la zone du futur aéroport de Notre-Dame-des-Landes, près de Nantes, ne peut être expulsé s’il possède les droits et titres justifiant de sa situation. C’est le contenu de l’accord politique signé entre les collectivités membres du syndicat mixte aéroportuaire (la région Pays de la Loire, le département de Loire-Atlantique et la communauté urbaine de Nantes Métropole) et des représentants des opposants au projet, à lire ci-dessous.
Cet engagement de la puissance publique avait été obtenu à l’issue d’une grève de la faim tournante de près d’un mois de plusieurs agriculteurs, qui demandaient
l’annulation de la déclaration d’utilité publique du futur aéroport du Grand Ouest et l’arrêt des expropriations. Il est sensé durer jusqu’à la fin des recours déposés devant le Conseil d’État,
la Cour de Cassation et le Conseil Constitutionnel.
Et pourtant, le 11 juin dernier, une famille a reçu par huissier un commandement à quitter les lieux, puis, deux jours plus tard, des mains du même huissier, une
assignation à comparaître au tribunal d’instance de Saint-Nazaire, sur assignation d’AGO, la filiale de Vinci concessionnaire du projet d’aéroport.
Claude et Christiane Herbin habitent au lieu-dit du Liminbout, à Notre-Dame-des-Landes, depuis mars 1996, avec leurs deux enfants, aujourd’hui âgés de 17 et 19 ans.
Claude Herbin est cuisinier, aujourd’hui à mi-temps. Lors de leur installation, ils signent un bail de location avec un propriétaire, qui leur loue une maison pour 2 500 francs par mois.
Mais début 2009, la demeure qu’ils occupent est vendue à l’État, sans qu’ils en soient préalablement informés. Surtout, le propriétaire se défait de son bien sans prévenir l’acquéreur qu’il est
occupé.
Onze mois plus tard, les Herbin reçoivent une proposition de la direction générale de l’aviation civile pour signer un bail précaire pour 430 euros par mois. Ils refusent, réclamant un bail ordinaire, beaucoup plus protecteur, ou une baisse de loyer. L’affaire traîne et, en 2012, AGO devient propriétaire des lieux, dans le cadre de la procédure de rétrocession qui transfère à l’entreprise privée le domaine public concerné par la déclaration d’utilité publique. Mais les relations s’enveniment entre la filiale de Vinci et le couple, et en février dernier, le nouveau propriétaire leur demande de quitter les lieux en raison de l’insalubrité supposée de leur demeure. Une audience d’expulsion de la famille devait avoir lieu le 11 juillet. Mais AGO a demandé un report. Une nouvelle date devrait être fixée à la rentrée.
«Nous avons notre vie ici»
Comme les Herbin, d’autres familles habitent dans ce bocage nantais en pleine transformation, où cohabitent des ménages aisés qui y acquièrent résidences principales ou secondaires, et des familles très modestes, qui y recherchent des loyers peu élevés – mais au prix de conditions de vie parfois rudes.
Pour les collectivités locales, la menace d’expulsion pesant sur cette famille n’est pas une rupture de l’accord, puisque ces locataires étaient, de fait, sans
droit ni titre depuis plusieurs années. Mais Claude Herbin assure n’avoir jamais refusé de payer, et avoir de bonne foi cherché à négocier la moins mauvaise situation possible :
« Nous voulons rester. Nous avons notre vie ici, nos amis », dit-il. « Ils habitent là depuis 1996, ils sont mis dehors alors qu’ils avaient un bail en bonne et due
forme », proteste Michel Tarin, paysan retraité, militant de la Confédération paysanne et le plus long gréviste de la faim en avril dernier.
Au total, trois familles et un paysan se retrouveraient aujourd’hui dans une sitation similaire. Pour protester contre leur sort, les Herbin ont écrit une lettre à
la ministre du logement Cécile Duflot, qui avait déclaré, alors qu’elle était secrétaire nationale d’Europe Ecologie-Les Verts, que l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes,
« méga-infrastructure hypercoûteuse », ne devait pas être construit. Elle avait ensuite conditionné l’accord présidentiel de son parti avec le PS à l’abandon du projet. Avant
de se raviser.
Quelle que soit la décision que prendra la justice concernant cette famille, le répit offert par l’accord politique sur l’expulsion ne sera de toute façon que de courte durée. Il ne reste plus en effet que deux recours non encore jugés, déposés devant le Conseil d’État contre le refus d’abrogation de la déclaration d’utilité publique par le premier ministre (voir ici). Le juge du Palais Royal a délibéré beaucoup plus vite que prévu sur les requêtes dont il était saisi. D’autres procédures sont envisagées par les opposants, au nom de la loi sur l’eau et de la protection des zones humides. Mais comme il n’existaient pas encore lors de la conclusion de l’accord en mai, ils n’en font pas partie.
SOURCE / MEDIAPART