Après le choc de compétitivité… le flop de solidarité

 


Le premier ministre, après deux jours de débats au Conseil économique, social et environnemental, qui ont rassemblé plus de 350 personnes et pas moins de 11 ministres, a annoncé le 11 décembre les grandes lignes de son futur « Plan quinquennal de lutte contre la pauvreté et pour l’inclusion sociale » qui sera présenté en détails le 22 janvier prochain. Selon les déclarations de Jean-Marc Ayrault, ce plan constituerait un « pacte de compétitivité sociale ». A mille lieues des mesures d'urgence et structurelles nécessaires.


Les quelques 8,6 millions de pauvres ont certainement été heureux d'apprendre que la mesure phare du quinquennat de François Hollande pour lutter contre la misère en France sera d'augmenter le RSA de 10 % sur 5 ans ! Cette largesse gouvernementale, qualifiée le jour même par la droite de retour à l’assistanat, fera, il est vrai, passer en 2013 le montant mensuel du RSA, pour une personne seule, de 475 € à 485 €, soit un niveau moitié moins élevé que le seuil de pauvreté. 

Comme le déclarait en substance le premier ministre, avec des trémolos dans la voix lors de son intervention de clôture : « Il est impossible de vivre avec le montant actuel du RSA ! Et c'est pour cela que le gouvernement s'engage dans une politique résolue de soutien au revenu des plus pauvres ». Si l'on ne peut pas vivre avec 475 € par mois, sera-t-il plus facile de s’en sortir avec 10 € de plus ? En tout cas, c'est ce que nous devons en conclure des mesures annoncées.

Au total, cette « revalorisation » représentera environ 1,2 milliard d'euros, à comparer aux 20 milliards qui, dans le cadre du pacte de compétitivité, ont été distribués au patronat, sans aucune contrepartie en matière d'emploi. 10 % d'augmentation en cinq ans ne parviendront même pas, comme le prétend le gouvernement, à rattraper les 15 % de perte de pouvoir d'achat enregistrés sur les vingt dernières années par le RMI d'abord et le RSA ensuite, par rapport au SMIC. Et n'en déplaise au premier ministre, le RSA continuera de décrocher par rapport au salaire minimum, et les pauvres continueront d’être encore plus pauvres.

Rappelons qu'hier Nicolas Sarkozy, dont le quinquennat ne peut pas être qualifié de particulièrement social, avait augmenté le minimum vieillesse de 25 % en cinq ans. Le gouvernement socialiste aura réussi la prouesse de faire pire qu'un des gouvernements les plus antisociaux de l’histoire de la cinquième République. Les femmes chargées de familles, dont on a dit tout au long de la conférence qu'elles étaient parmi les premières victimes de la crise, devront se contenter de 10 € de plus par mois pour élever leurs enfants.

Quant au million de jeunes de moins de 25 ans en situation de pauvreté, dont le gouvernement nous dit qu'ils constituent la cible principale de son action, ils ne seront pas mieux lotis. Ceux qui attendaient qu’enfin le RSA soit ouvert à tous les jeunes sans condition de durée préalable d'emploi (puisque de l’emploi, justement il n'y en a pas pour eux), devront encore attendre. Pour eux non plus le changement ce ne sera pas maintenant. Peu importe que dans les cités, près d'un jeune sur deux soit pauvre. Pour ces millions de jeunes précaires, le gouvernement a prévu…. 100 000 contrats d'insertion rémunérés au niveau du RSA, sous condition de ne pas refuser l'emploi qui leur sera proposé. Quand on sait que les offres déposées par les entreprises à Pôle emploi sont composées à 80 % de contrats précaires, on imagine les pressions auxquelles seront soumis les jeunes. Pour tous les autres, la situation restera inchangée. Refuser d'ouvrir le RSA à tous les jeunes de moins de 25 ans entérine une véritable discrimination par l'âge : majeurs à 18 ans, pénalement responsables, électeurs, potentiellement éligibles... ils ne bénéficient pas des mêmes droits que leurs aînés. 

Ces annonces sont une véritable provocation. À aucun moment n'ont été discutées les causes véritables de la montée de la pauvreté qui touche aujourd’hui plus de 14 % de la population. Nous avons eu droit à un discours compassionnel et larmoyant qui a imprégné ces deux jours et particulièrement les interventions ministérielles. Les femmes, les jeunes, les salariés précaires, les chômeurs attendaient des mesures concrètes, qui ne sont pas au rendez-vous. Il faut dénoncer un discours de circonstance, dont le seul but est d’essayer d'endormir tous les acteurs publics et les associations. Il faut exiger que soit mis en place un véritable plan d’urgence pour les plus pauvres, et que des mesures structurelles soit engagées pour mettre fin aux inégalités économiques et sociales qui ne font que prospérer et sont à l'origine de la pauvreté.

 

Julien Bonnefond, économiste, est membre de la Fondation Copernic

 

 

SOURCE/ MEDIAPART

Tag(s) : #actualités
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