Loi sur les semences : une entrave de plus pour les paysans

C’est dans un épais silence médiatique et politique qu’a été adoptée, il y a quelques semaines, une loi qui encadre et restreint le droit séculaire des paysans à utiliser leurs propres graines pour les ressemer. Tout cela pour le plus grand profit des semenciers industriels !


Cet article est paru dans le dernier numéro de
Gardarem lo Larzac, daté mars-avril. Il a été écrit par Thomas Lesay, contributeur de GLL et par ailleurs paysan sur le Plateau.

 

 

Il y a soixante ans, paysan était un métier (c’était même beaucoup plus : une condition) difficile, pénible physiquement, soumis aux aléas climatiques et à la volatilité des cours… Mais au moins le paysan était libre de produire ce qu’il voulait, de choisir son mode de commercialisation, etc.

Depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, la sphère d’autonomie du paysan s’est considérablement réduite. (…). La suite, on la connaît : une modernisation lancée à pleine vitesse et qui n’a pas su freiner à temps ni dévier de ses rails, entraînant des surproductions, des pollutions des sols et des eaux, la standardisation des produits et la diminution par dix du nombre d’actifs, corollaire de la mécanisation, depuis 1945. La Politique agricole commune (PAC) tente de réguler le système, mais ce faisant, elle génère une bureaucratie courtelinesque qui complique la vie du paysan et l’infantilise. (…)

Une « contribution volontaire obligatoire »

Dans ce sombre paysage, il restait encore un droit pour les paysans : celui d’utiliser leurs propres semences et de se les échanger. C’en était trop pour les industriels de la semence, qui tiennent à protéger les dividendes de leurs actionnaires.
Le 28 novembre dernier, sans réel débat au Parlement, et encore moins dans la société, une « loi semences » a été adoptée, qui instaure une taxe dont l’intitulé aurait fait rire Alfred Jarry : une « contribution volontaire obligatoire ». Concrètement, chaque paysan qui utilise ses propres semences ou celles de ses voisins devra payer des royalties sur les variétés autorisées.
La loi permet au ministre de l’Agriculture d’organiser par décret :

- l’interdiction faite aux paysans d’utiliser leurs propres semences pour la majorité des espèces cultivées, comme les légumes ou le soja ;
- la taxation de tous les hectares cultivés en céréales et fourrages au bénéfice de l’industrie et des vendeurs de semences. Les agriculteurs n’ayant pas utilisé de variété protégée devront en apporter eux-mêmes la preuve… impossible car non documentée. La loi contredit ainsi le droit général, qui veut que ce soit le détenteur d’un titre de propriété industrielle qui apporte la preuve d’une contrefaçon s’il veut faire valoir ses droits ;
- l’interdiction de la commercialisation de variétés traditionnelles dites « populations », qui ne correspondent pas à la définition des variétés protégées par certificat d’obtention végétale ;

- le contrôle de tous les agriculteurs sélectionneurs en vue de leur interdire de continuer à échanger leurs semences. (…)

 Une nouvelle raison de désobéir

Le réseau « Semences paysannes » alerte les citoyens : « Le premier effet de cette loi est de taxer les éleveurs qui font de l’autoconsommation de leurs céréales ou qui cultivent des plantes fourragères. L’objectif des semenciers est d’augmenter progressivement la taxe pour que les paysans trouvent moins d’intérêt à faire de la semence de ferme. D’ici quelque temps, les semenciers auront la mainmise totale sur les semences, alors qu’actuellement ils ne fournissent que 50 % des volumes. Nous nous trouverons alors dans une dépendance qui peut mettre en péril la capacité même à ensemencer tous nos champs. »
La résistance s’organise. Une manifestation, à laquelle participaient des paysans du Larzac, s’est déroulée à Paris le jour même de l’adoption de la loi. Le collectif « Semons la biodiversité » appelle à désobéir à cette loi, en attendant de pouvoir l’abroger.
Une nouvelle raison de désobéir : le Larzac a l’habitude…

Thomas Lesay

 

Contacts

- réseau Semences paysannes, 3 avenue de la Gare, 47190 Aiguillon. 05 53 84 44 05 et : www.semencespaysannes.org

- Coordination nationale pour la défense des semences fermières, Maison des associations, 79 bis avenue Gallieni, 93170 Bagnolet. 01 43 62 18 71 et : www.semences-fermieres.org


 

Source : LARZAC.ORG

Tag(s) : #environnement
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