L’Espagne entre deux scrutins
Crise financière, paupérisation massive, discrédit des professionnels de la politique : tout aurait dû conduire à un regain de la gauche en Europe. Et pourtant elle piétine presque partout. Cela explique sans doute que les regards se tournent vers l’Espagne, où le parti Podemos a fait preuve d’inventivité stratégique. Un pari que présente ici son secrétaire général.
par Pablo Iglesias, juillet 2015
L’attitude de Berlin vis-à-vis d’Athènes lors des négociations ne m’a pas surpris. Même si la Grèce est un Etat faible, le gouvernement Tsipras remet en question le mode de fonctionnement de l’Union européenne sous hégémonie allemande. L’ampleur de la provocation est donc sans commune mesure avec la taille du pays. Par ailleurs, Podemos apparaît désormais comme un acteur politique important en tant que candidat au pouvoir dans la quatrième économie de la zone euro. Or nos camarades grecs nous l’ont dit : nos bons résultats dans les sondages ne constituent pas nécessairement une bonne nouvelle pour eux. Nos adversaires craignent en effet que toute victoire enregistrée par Syriza dope nos propres résultats, qu’elle nous alimente en oxygène. Leur objectif ne se borne donc pas à tenir en échec le gouvernement grec : il s’agit également de barrer la route à d’autres menaces, comme celle que nous représentons à leurs yeux. Mettre Syriza sous pression revient à faire de même avec Podemos, à démontrer qu’il n’y a pas d’alternative. « Vous voulez voter Podemos ? Regardez ce qui se passe en Grèce » : voilà, en substance, le refrain que l’on sert aux Espagnols à l’heure actuelle.
De notre point de vue, Alexis Tsipras s’est montré très habile. Il est parvenu à donner corps à l’image d’une Allemagne isolée, dont les intérêts ne coïncident pas nécessairement avec ceux du reste de l’Europe, y compris en termes de politique étrangère. C’est ce qu’il a tenté de faire valoir auprès de la France et de l’Italie, avec un succès mitigé, mais également auprès des pays de l’Est. Il ne faut donc pas trop s’étonner que l’Allemagne se montre aussi dure lors des négociations.
Nos camarades grecs ont développé une stratégie similaire à la nôtre dans un contexte très différent. D’abord, ils entendent rebâtir la légitimité institutionnelle du gouvernement, laquelle avait été méthodiquement minée, puis détruite. Cela passe par une réforme de l’impôt qui dote l’Etat d’une marge de manœuvre, notamment en termes de politiques publiques, afin de reconstruire le tissu (...)
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