Si l'on voulait réduire le sujet de Journal de la canicule, le nouveau roman de Thierry Beinstingel, cela serait : l'histoire simple d'un homme simple. Comme votre voisin sans doute, ou le mien. Une sorte de banalité du bien. Même s'il n'a pas de femme, pas d'enfant. Il est dessinateur dans une mairie banale d'une quelconque commune. Durant ses loisirs, il dessine encore, pour lui, des croquis au millimètre, entre deux parties de pêche et une visite à sa mère, pas vraiment sympathique, vivant dans une maison de retraite, elle aussi banale.

 

Et pourtant, un jour...

 

Un jour de juillet, le narrateur s'aperçoit que ses voisins d'en face sont absents, quand le facteur lui signale que leur boîte aux lettres est pleine. Peu de temps après, leur voiture stationnée devant leur maison a un pneu crevé... Dès lors, les faits vont s'enchaîner en une étrange spirale. Le narrateur va se laisser envahir par cette maison vide qui l'interroge, d'autant plus qu'il y pénètre. Un second envahissement va naître en lui, le besoin d'écrire un journal au quotidien. Lui qui n'écrivait jamais, en dehors de quelques cartes postales estivales. Dans cette maison désertée où il va aller et venir plus d'une fois, il vole alors un petit cahier où ses mots vont bientôt prendre place avec régularité singulière.

 

 

Ceci n'étant que le début de ce roman, le onzième de Thierry Beinstingel, qui fut très remarqué par Retour aux mots sauvages en 2012 et le magnifique Ils désertent en 2014, tous deux chez Fayard et maintenant disponibles en format poche.

 

 

Hormis quelques considérations techniques sur un chantier dont le narrateur va être responsable durant la canicule, le lecteur va suivre avec surprise et intérêt, la vie quotidienne de cet homme, et surtout son entrée en écriture. Les mots sont importants, et tenir un journal, même si cela est la forme la plus basse de l'écriture, comme le rappelle à juste titre Nabokov, en exergue de ce roman, rien n'est jamais neutre dans la vie d'une personne. Tenir un journal demeure un acte créatif.

 

 

L'écriture est toujours une respiration, dans ce cas une respiration qui rythme les journées du narrateur face à ce vide d'une maison, face à ses interrogations sur ce vide, durant cette canicule. Donc aussi face à lui-même. L'écriture d'un journal révèle bien au-delà des faits inscrits sur le papier. Thierry Beinstingel réussit son pari de tenir en éveil le lecteur avec une histoire simple d'un homme simple. Pas facile.

 

 

Lisez donc Beinstingel, Journal de la canicule, ou un autre de ses romans, aucune déception à prévoir, contrairement aux habituels prix littéraires de l'automne. Un auteur à suivre, tout comme son site littéraire, Feuilles de route.

 

 

Dan29000

 

 

Journal de la canicule

Thierry Beinstingel

Éditions Fayard

2015/ 256 p / 18 euros

 

 

Le site de l'éditeur

 

 

Le site de l'auteur

 

 

EXTRAIT /

 

 

Dimanche 20 juillet

 

Journal : je crois que c'est le terme approprié pour ce que je suis en train de faire. Je suis le voisin d'en face. Je n'ai pas l'habitude d'écrire. Je fais des phrases courtes, généralement, sur des cartes postales ou des mots de condoléances. J'utilise plutôt des formules classiques : bons baisers de l'océan, bonjour de la campagne. Je n'écris que trois cartes postales par an, toutes en été : une pour ma mère, une pour mon frère et sa famille, la dernière pour le boulot. Pour la mère, je choisis un paysage de mer : je vais souvent dans le Sud. Pour mon frère, je choisis la moins chère, et pour le boulot, une fille déshabillée sur un rocher avec marqué "Souvenir de La Grande-Motte" ou "On se la coule douce à Palavas".

 

Tag(s) : #lectures
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