Il arrive parfois, que de grands auteurs ne soient pas traduits en français. C'est rare mais cela arrive, William March est un bel exemple. Auteur d'une dizaine de livres, cet auteur américain n'a eu à ce jour que deux romans traduits en français, Graine de violence, en 1965 dans la célèbre Série noire, et Compagnie K, traduit par les éditions Gallmeister en 2013. Ce très grand classique de la littérature de guerre est publié de nouveau en ce moment, en format poche, dans la collection Totem.

 

 

Compagnie K fut publié en 1933 par William March (1893-1954), combattant héroïque de la première guerre mondiale, dans les Marines. En proie à de nombreux symptômes à son retour, il passa par la case psychanalyse et travailla pour Waterman. Ce ne fut que plus tard qu'il entreprit d'écrire, non pas un témoignage vécu, ce qui ne manque pas, mais un très grand roman universel. Un de ces romans qui demeure en nous, longtemps après la lecture de ces 113 fragments de vécu, de la guerre en France, sur la ligne de front, à Verdun fin 1917.

 

Dans Compagnie K, tous les éléments du récit de guerre sont présents : explosions, pluie, froid, blessures et morts, ordres absurdes, faim, envies de déserter, barbarie au quotidien, mais aussi grandeur et faiblesse de l'humain. En une, deux, ou cinq pages, McGill et Smith, simples soldats ou gradés, nous décrivent cette vie de peur, d'attente, de violence, d'espoir, avec un réalisme frôlant parfois l'insoutenable. Comme ce soldat Weller chargé de rédiger une lettre à la mère d'un soldat tué, et qui décide de lui dire toute la vérité : les hurlements de son fils agonisant, la vermine le dévorant, et surtout expliquant qu'il n'avait rien à quoi s'accrocher car il avait enfin compris que les mots honneur, courage et patriotisme, n'étaient que mensonges.

 

Pour ceux qui revinrent vivants, un formidable accueil les attendait au pays. Comme pour le soldat Creenshaw, rues décorées dans sa ville, discours du maire, présence du banquier local, drapeaux partout, cérémonie et après-midi grillades. Pendant son absence sa vieille ferme était tombée en ruine. Blessé, il ne pouvait la réparer. Alors le valeureux soldat honoré par tous, demanda un petit crédit pour son projet d'élevage. Une demande auprès de ce banquier qui venait de l'honorer en public. Mais il n'obtint pas un seul dollar ! Terrible leçon de vie sur la guerre et les honneurs de la guerre au retour.

 

Compagnie K est un chef-d'œuvre, autant par sa forme chorale que par la précision de son style au plus prêt de l'os. A la fin de sa lecture, il est possible de placer ce roman entre ceux d'Hemingway et d'Éric Maria Remarque. Ce roman de William March est toujours réédité aux États-Unis et fut adapté au cinéma en 2004. Un inoubliable roman en écho à l'actualité de notre pays en guerre en Afrique et au Moyen-Orient, un roman qui devrait être lu par tous ces jeunes gens qui se ruent actuellement dans les bureaux de recrutement de l'armée française.

 

 

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Compagnie K

William March

Traduit de l'américain par Stéphanie Levet

Postface par Philippe Beyvin

Éditions Gallmeister

Totem numéro 58

2015 / 264 p / 9,90 euros

 

 

Le site de l'éditeur

 

 

 

DANS LA PRESSE

 

Une fois rassemblés, ils composent un tableau effrayant où voisinent le tragique et l'absurde, la pesanteur de l'attente et la brutalité de l'assaut. March mettra dix ans à finir ce texte, paru en 1933, devenu un grand classique.

Christine Ferniot, TÉLÉRAMA

 

Par la sécheresse de son style, sa forme chorale et fragmentaire, Compagnie K est une fresque pointilliste exécutée au fusain et à la sanguine […] On en sort la gorge nouée.

Macha Séry, LE MONDE DES LIVRES

 

Scènes de quelques secondes, séquences de plusieurs semaines, brutalité de l'instant ou attentes interminables, ces temps différents se déclinent au long de ces témoignages fictifs, qui composent un roman magistral, pulvérisant tous les bons sentiments.

Gilles Heuré, TÉLÉRAMA

 

Il y a quelque chose d'extraordinaire dans le courage de William March écrivain, sa capacité à ne jamais s'enfuir, ne jamais reculer face à aucun événement ni aucune sensation.

Mathieu Lindon, LIBÉRATION

 

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EXTRAIT


Soldat Joseph Delaney


NOUS avons dîné et nous nous sommes assis sous notre
porche, ma femme et moi. Il ne fera pas nuit encore avant
une heure et ma femme a sorti un peu de couture. C’est rose
avec des dentelles partout, quelque chose qu’elle fait pour
une de ses amies qui va bientôt se marier.
Tout autour de nous, nos voisins arrosent leur pelouse
ou sont assis sous leur porche, comme nous. De temps en
temps, nous nous adressons à un ami qui passe, qui nous
salue ou s’arrête pour bavarder un moment, mais la plupart
du temps nous restons assis en silence…
Je pense encore au livre que je viens d’achever. Je me dis :
J’ai enfin fini mon livre, mais est-ce que j’ai bien accompli ce
que j’avais prévu de faire ?
Puis je pense : Au début, ce livre devait rapporter l’histoire
de ma compagnie, mais ce n’est plus ce que je veux, maintenant.
Je veux que ce soit une histoire de toutes les compagnies
de toutes les armées. Si ses personnages et sa cou leur
sont américains, c’est uniquement parce que c’est le théâtre
américain que je connais. Avec des noms différents et des
décors différents, les hommes que j’ai évoqués pourraient
tout aussi bien être français, allemands, anglais, ou russes
d’ailleurs.

 

Tag(s) : #lectures
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