Le dernier livre de Michel Onfray, Le miroir aux alouettes, est à bien des égards parfaitement jubilatoire. Il est révoltant tant il est sincère, consternant aussi car il nous met en face de notre réalité sociale, politique, médiatique et même linguistique puisque l’auteur aborde le thème du détournement de sens, arme politique du nul, désastre langagier sans précédent puisqu’il met en cause le sens d’une civilisation.

 

Comment présenter ce livre, par quel bout le prendre ? Il est riche en verbes, en concepts, en révélations, il faut choisir un mode d’entrée. Je choisis le côté médiatique, je vais écrire mon commentaire en réponse à celui de Libération : Onfray, pourquoi tant de haine ? publié le 15 mars dernier par Sonya Faure et Cécile Daumas.

En face de ce très piteux article on trouve celui du Point, honnête, publié par Saïd Mahrane le 9 mars 2016. On me dira que c’est normal puisque Michel Onfray est un ami de Franz Olivier Gisbert tandis que ça barde dur avec Joffrin, le pdg de Libération. C’est certain. Mais justement, ce qui est intéressant c’est de constater de quelle manière un même sujet peut être honoré ou profondément bafoué et ce, quelle que soit sa qualité.

Répondre au Point n’a aucun intérêt, c’est l’avocat du diable que je choisis de jouer et gageons que mes arguments ne détonneront pas sur cette merveilleuse scène de la sincérité que nous propose Onfray.

Michel Onfray est un philosophe, un homme de gauche, il ne se place pas en victime comme le prétend inlassablement Libération, il fait un constat des nombreuses incohérences venant de la part des journalistes et surtout de cette manie du détournement de sens au profit d’une intention déjà toute tracée et non de la vérité. Car le journalisme d’aujourd’hui est une entreprise d’Etat. Très peu de journaux restent indépendants et, bien plus qu’une auto lamentation, ce livre est avant tout une révélation sur l’implication du journalisme dans le monde politique, et vice versa.

Ainsi le nerf de la guerre de ce livre est sans aucun doute le chapitre consacré à « La machine à fabriquer des abrutis » où l’auteur révèle la fantastique arme de guerre que constitue la TV, arme à décerveler et à diriger.

Citons Onfray : « La chose a le mérite d’être clairement dite : la télévision sert à vendre des produits publicitaires ; les annonceurs font la chaine, la chaine doit rendre à l’annonceur qui la rend possible un bénéfice sur son investissement ; le contenu de la chaine vise donc à faire place nette dans le cerveau du téléspectateur ; par conséquent, pas question de le rendre intelligent, de le faire réfléchir (…) l’audience fait la loi (…) En définitive, TF1 a pour ennemis clairement déclarés : la raison, l’intelligence, le savoir, la culture, la mémoire, l’histoire »[1]

On est loin des propos restrictifs de Libération. Le journal place son article sous le signe de la rancœur et du minimalisme. Il n’aime pas Onfray, il en fait un monolithe sans intérêt, on s’en aperçoit aisément, merci Libération!

D’abord ces dames journalistes choisissent de brosser le tableau de 2 livres à la fois, pour rendre les propos plus vagues certainement, et puis elles placent l’homme sur le terrain de la victime, du réprouvé, du réactionnaire, celui qui fait le jeu du FN, du pagnolesque (sic !!!) c’est à dire que Libération confirme les propos d’Onfray en noyant le bébé dans la marre boueuse de sa nullité ou, plus exactement, de sa volonté de camoufler la vérité politique et médiatique dont Onfray parle dans son ouvrage (Joffrin et sa droitisation du journal, quels qu’en soient les moyens, cireur des pompes de l’Etat, Onfray ne l’a jamais gobé !).

Quant aux récits « pagnolesques » de Michel Onfray, tous ceux qui connaissent l’homme savent combien, effectivement, la comparaison est judicieuse… il est d’ailleurs à conseiller à ces dames journalistes de revoir leurs classiques en littérature mais il est vrai que les Lettres ne comptent plus et que pour être journaliste il est préférable d’avoir une belle gueule, ou pas trop moche, et surtout quelques facilités pour l’entregent plutôt que de connaître Pagnol ou mieux ! Giono, Sartre, Shakespeare… qui ne servent à rien dans le monde de la manœuvre et du fricotage.

A moins que ces dames aient voulu faire de l’humour auquel cas nul ne l’aura compris.

Bref, pour revenir au Miroir aux alouettes, il est aussi un livre qui éclaire parfaitement la vie politique d’après De Gaulle.

En dépit de ce que prétend Libération, c’est à dire qu’Onfray prend beaucoup de distance avec les faits réels, qu’il est dans l’erreur quasi permanente et, comble de désespoir, qu’il est détesté par tous les universitaires qui voient en lui une sorte de suppôt de Satan ! (faut-il avoir de la pitié pour Onfray ou pour les journalistes de Libération et leur acharnement pitoyable ?) … il se trouve qu’il dit beaucoup de vérités et c’est par là même qu’il tient son public qui est, à l’image de son « maître à penser » et suivant la logique de Libération, un public d’arriérés, de réactionnaires, de victimes voir de débiles qui ne comprennent rien à ce libéralisme et à ses nobles ambitions, à son envergure humanitaire et son altruisme absolu… public dont je fais partie et qui se retrouve quand Michel Onfray dit : « (…) c’est toujours un libéral qui se trouve élu. Un libéral de droite ou un libéral de gauche, mais un libéral tout de même. L’excipient change de couleur, mais le suppositoire reste identique. »[2]

Oui je me retrouve dans ce constat, mais pas seulement moi, nous nous retrouvons devant cette évidence, autant que dans ce détournement de sens, dans « je fourgue tout dans le même panier je me casse » du style raciste, antisémite, hitlérien, pétainiste, FN1 père, FN2 fille, FN3 nièce, comme si, dés que l’on est pas d’accord avec le système pensant on est systématiquement pour les chambres à gaz, pour la dictature de l’horreur et pour le passage au lance flammes de toutes les différences. C’est désolant et même souverainement agaçant voir crétinisant.

Cependant cette défense politico-médiatique marque l’extrême faiblesse d’un régime fondé sur la peur et l’inculture. C’est ce que serine d’un bout à l’autre du livre le fameux Onfray et c’est ce dont Libération ne pipe mot.

Parce qu’Onfray est un réactionnaire d’après Libération. Effectivement il veut sortir de cette dictature du non sens, de l’illettrisme, du chômage, de l’inculture, de la niaiserie publicitaire et de l’arnaque médiatique. Il n’aime pas l’Europe de Maastricht et pense que les libéraux nous ont amenés au bord du gouffre terroriste à cause des guerres insensées qu’ils ont menées. Il fustige les politiques (Mitterrand compris qui fut un homme de droite dont la droite n’a pas voulu comme il dit), libéraux aux petits pieds qui font de leurs folies des grandeurs le désastre d’un peuple devenu foule depuis que De Gaulle a cédé son costume de géant à des nains de jardin coiffés de VIP et autres fanfaronnades médiatiques aussi insignifiantes qu’incohérentes.

Si ce n’est pas la vérité ça y ressemble très fortement.

Il cite encore: « Il est tellement facile pour les tenants du libéralisme de droite et de gauche de se dédouaner de toute responsabilité dans la fabrication de ce nihilisme en relation avec le monde qu’ils produisent sans contre-feu depuis un quart de siècle ! »[3]

Quant à la métaphore du colibri, légende amérindienne sur le fait de faire ce que l’on peut, il dit: « Que chacun fasse ; là où il est, ce qu’il peut faire pour éviter ce qu’il déplore ».[4]

Que dire d’autre devant l’ampleur des dégâts politiques et humains actuels ! Onfray est pour la coopération et la mutualisation. Mais ce n’est ni lui ni moi qui allons changer le monde d’un coup de baguette magique alors mieux vaut se résoudre à faire ce que l’on peut en s’échappant le plus possible de cet univers propagandiste que constituent médias, politiques et publicitaires au détriment de l’Humanité.

En guise de conclusion je retournerai donc le compliment à Libération : Libération, pourquoi tant de haine ? Envers ce philosophe du bon sens, envers son public, envers, tout simplement, la VERITE !

 

Marie Kern, le 30 mars 2016

 

[1] Le miroir aux alouettes, page 164

[2] Idem page 31

[3] Idem page 144

[4] Idem page 205

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Merci à Marie Kern pour ce texte que bien entendu nous partageons totalement...

 

Dan29000 pour Danactu-resistance

 

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