Après Je vous écris de l'usine, publié il y a quelques mois, Jean-Pierre Levaray nous revient avec un nouveau livre au beau titre évocateur, Pour en finir avec l'usine, aux éditions libertaires. Avouons-le, c'est toujours un plaisir de le lire, certes prolo, mais pas ordinaire, certes syndicaliste, mais pas du style bureaucrate planqué à Montreuil, certes militant mais pas limité comme le sont souvent ceux se la jouant professionnels de la subversion !

 

 

Après ses 42 ans de labeur, Jean-Pierre Levaray, que nous suivons depuis la création de notre blog, et même avant, est parti en retraite. Nous la lui souhaitons belle et longue, car la vraie vie n'est pas le travail, ni l'usine. L'auteur de Putain d'usine, nous fait un portrait attachant, une sorte d'état des lieux, heureusement sans nostalgie de ses années de travail et de luttes. Un livre qui fait vraiment plaisir à lire car il évite tous les écueils habituels du genre glorieuses mémoires prolétariennes, tendance cavapétisme et grand soir imminent... Juste des portraits qui sonnent justes, de belles figures qui ont partagé ses moments de vie dans cette usine de produits chimiques près de Rouen, filiale de Total jusqu'en 2014, et classée Seveso 2.

 

Ce qui fait le charme discret de l'auteur, c'est aussi son parler vrai. Appeler un chat un chat n'est plus vraiment habituel dans le microcosme militant. L'actualité étant plutôt dans le déni de réalité. Dans Pour en finir avec l'usine, il ne se prive pas de critiquer les journées d'action syndicale bidons, il avoue que le site de Grand Quevilly en 1973 c'était 2000 salariés, et en 2015, 370 ! Ou encore que se tirer après 42 ans de boulot, il n'y a pas de fierté à ressentir ! Et enfin cerise sur le gâteau, son livre est parsemé de superbes photographies en noir et blanc, des photos de l'usine, des photos de l'auteur.

 

Débarrassé de l'aliénation du travail en usine, on ne peut qu'espérer que l'auteur de Tue ton patron, continue à écrire, à photographier, et à voyager. La plus belle émotion de ce récit de vie est que son auteur ne sombre pas dans un certain fétichisme de l'ouvriérisme, sans doute parce qu'il a déjà d'autres vies, et qu'il a toujours été un créateur ( livres, bandes dessinées, théâtre, fanzine, label, CQFD...). Créer c'est résister, résister c'est créer. En bonus, en fin de volume, une douzaine d'articles sur d'autres usines. Au final, un livre réjouissant qui devrait trouver avec le temps son public que l'on espère plus large que les publications militantes habituelles, car il le vaut bien. Et pour ceux qui ne diaboliseraient pas trop Facebook, je sais, c'est politiquement incorrect, vous pourrez y retrouver les commentaires judicieux de l'auteur sur les luttes actuelles et aussi ses photos, un autre plaisir que l'on peut partager, si si...

 

Dan29000

 

 

Pour en finir avec l'usine

Jean-Pierre Levaray

Les éditions libertaires

2016 / 15 euros / 176 p

 

Le site de l'éditeur

 

Notre article sur : Je vous écris de l'usine

 

Notre article sur : Tue ton patron

 

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J’ai fait mon temps à l’usine. Même pas parti dans un plan de restructuration, même pas eu le courage de démissionner. J’ai fait mes quarante-deux ans. Pas fier pour autant. On a tous cru que la boîte ne tiendrait pas des années et on annonce toujours sa fin prochaine. Et pourtant elle tourne toujours. Cahin-caha.

Alors pour en finir avec elle, un état des lieux, des portraits de prolos, des luttes, des moments de déconne entre collègues pour tenir le coup. Pas de la nostalgie, juste des instantanés sur mes années, sur nos années d’usine. Inscrire tout cela noir sur blanc pour ne plus avoir à y revenir. « Je quitte l’usine et ne me retourne pas. Pas par peur d’être transformé en statue de sel, mais parce que c’est devenu mon passé et que j’ai tant d’autres choses à faire. »

 

(4e de couverture)

 

Tag(s) : #lectures
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