Andrzej Wajda vient de nous quitter. Issu d'un milieu modeste, il avait fait divers métiers manuels pour gagner sa vie puis avait participé à la résistance contre les nazis. Après la guerre, il entre à l'Ecole du cinéma de Lodz où il va apprendre les techniques de la mise en images à une époque où dominait l'esthétique du néo-réalisme.
En 1957, le festival de Cannes est ébloui par sa seconde réalisation,"Kanal", un film extraordinaire où une séquence haletante nous montre la poursuite des partisans polonais par les Allemands, dans les égouts de Varsovie.
L'année suivante, "Cendres et diamant" est l'événement de la Mostra de Venise : c'est une brillante évocation du rôle des lanciers polonais dans la funeste guerre d'Espagne sous Napoléon.
Puis intervient la cassure dans cette oeuvre inspirée du passé avec "L'homme de marbre" qui marque, parallèlement à la naissance du syndicat Solidarnosc, le "dégel" du bloc stalinien et le départ d'un grand courant contestataire. Il met en scène un héros du travail envoyé aux oubliettes car il a été jugé non conforme aux impératifs de la propagande politique.
Avec "Sans anesthésie"en 1978, Wajda montre un journaliste, persécuté par le régime, au retour d'un voyage à l'étranger, conduit peu à peu au suicide. Puis il réalise "Le chef d'orchestre", qui est une véhémente dénonciation du totalitarisme du parti unique.
Mais "La terre de la grande promesse" remet en quelque sorte les pendules à l'heure car cette fresque historique d'une beauté exceptionnelle, évoque la naissance du capitalisme à Lodz et en montre tous les ravages.
J'avais eu le privilège de le renconter avec Claude Manceron en 1982 lorsqu'il préparait le tournage de son film sur "Danton" ; nous avons essayé de lui faire comprendre l'ambiguité de ce personnage mais il n'a malheureusement pas suivi tous nos conseils ; trop marqué par la situation polonaise il a "chargé" Robespierre d'un halo stalinien qui est un contresens...
En tout cas, de retour à Varsovie, il a pu donner un dernier chef d'oeuvre avec "La semaine sainte" qui est l'équivalent cinématographique de "la polonaise" de Frédéric Chopin...
Wajda, cinéaste engagé, l'homme de liberté !
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SOURCE/ MEDIAPART