Une étude de l’OCDE[1] a fait le point, en 2016, sur les usages numériques des jeunes selon leur milieu social. Ses principaux résultats tiennent en quelques données clés.

D’abord, si, dans les pays les plus développés, 98% des jeunes ont accès à internet à l’école et à la maison (ils sont plus de 90% en France), il n’en va pas de même dans d’autres pays : dans ceux-là, ils n’y ont accès qu’à l’école ou pas du tout. Par exemple, « parmi les élèves les plus défavorisés, 50 % des élèves en Turquie, 45 % au Mexique, 40 % en Jordanie, et 38 % au Chili et au Costa Rica, n’ont accès à internet que par le biais de l’école ».

Ensuite, l’origine socio-économique des jeunes ne joue pas nettement sur le temps passé en ligne. « En 2012, les élèves défavorisés d’Allemagne, de Belgique, de Corée, du Danemark, de Finlande, de Hong‑Kong (Chine), d’Islande, de Norvège, de Shanghai (Chine), de Suède, de Suisse et du Taipei chinois passaient au moins 15 minutes de plus en ligne par jour de week-end que leurs pairs favorisés ».

Mis la relative égalité d’accès ne signifie pas égalité d’usage : «Durant leur temps libre, les élèves défavorisés préfèrent en général chatter qu’utiliser le courrier électronique. Ils sont également bien moins susceptibles de suivre l’actualité ou d’obtenir des informations pratiques sur Internet, peut-être en raison de leurs compétences de navigation et de compréhension de l’écrit souvent plus limitées que celles de leurs pairs favorisés. En revanche, les élèves défavorisés jouent autant aux jeux vidéo que leurs pairs favorisés ».

Surtout, l’étude souligne «l’existence d’un lien étroit entre d’une part, les différences socio-économiques observées dans l’utilisation d’Internet et la capacité d’utiliser les outils numériques au service de l’apprentissage, et d’autre part, les différences se faisant jour dans certaines compétences académiques plus traditionnelles».

Elle conclut nettement : « Pour avancer sur le chemin de l’égalité des chances à l’ère du numérique, il s’avère bien plus efficace de garantir que chaque enfant atteigne au moins un niveau de compétences de base en compréhension de l’écrit que de généraliser ou de financer l’accès à des outils et services de dernier cri ».

On peut tirer de cette étude quelques  leçons utiles.

Il serait inexact de considérer que les prétendus « digital natives » sont, par effet générationnel, égaux devant le numérique.

Il est essentiel de donner à l’éducation aux médias et à l’information une place primordiale dans la formation de tous les élèves. L’accès de tous à une culture numérique, permettant notamment à chacun de planifier et effectuer une recherche, d’évaluer la qualité des informations et la fiabilité des sources, est un impératif de justice.

Dans cette éducation aux médias et à l’information, la maîtrise de compétences académiques  traditionnelles (capacités de lecture et de compréhension) est essentielle.

Pour ce qui concerne la France, ces éléments semblent conforter la préoccupation de favoriser les apprentissages des élèves issus de milieux populaires en développant le dispositif « plus de maîtres que de classe » en éducation prioritaire depuis la loi de refondation de 2013, ou en envisageant,  lors de ce nouveau quinquennat, de limiter nettement les effectifs des cours préparatoires dans ces mêmes territoires. Ils  confortent également une approche de l’éducation aux médias et à l’information réalisée dans tous les enseignements et non pas dévolue à un enseignement unique.


 

[1] OCDE (2016) Pisa à la loupe - 2015-07 (juillet) Les élèves favorisés et défavorisés utilisent-ils internet différemment ?  http://www.oecd-ilibrary.org/docserver/download/bad3b740-fr.pdf?expires=1496577296&id=id&accname=guest&checksum=EB44575436138E4412CBB5EF02A06521

Voir aussi : OCDE (2015), Students, computers and learning : making the connection, PISA, éditions OCDE, Paris (synthèse disponible en français sur http://www.oecd.org/fr/edu/scolaire/Connectes-pour-apprendre-les-eleves-et-les-nouvelles-technologiesprincipaux-resultats.pdf).

 

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SOURCE/ MEDIAPART