La Commission européenne menace l’interdiction des néonicotinoïdes en France

POLLINIS lance une pétition pour obliger le gouvernement français à maintenir l’interdiction des pesticides tueurs d’abeilles, menacée par la Commission européenne.

 

Le 3 mai dernier, dans un document confidentiel, la Commission européenne a émis une « observation » critique du décret relatif à l’interdiction des néonicotinoïdes en France. En évoquant une violation des règlements européens, notamment la sacro-sainte liberté de circulation des biens et des marchandises, la Commission demande en substance aux autorités françaises de renoncer à cette interdiction.

Cette prise de position menace une victoire considérée comme acquise et arrachée de haute lutte par les associations, les apiculteurs, les citoyens et quelques députés courageux : l’amendement « StopNeonics » a été voté par l’Assemblée nationale au terme d’une bataille de près de deux ans, qui a vu l’institution, s’opposer au gouvernement et au Sénat afin d’inscrire l’interdiction dans le cadre de la « Loi biodiversité » votée en juillet 2016. Un aboutissement permettant de freiner l’effondrement de la biodiversité des champs. Las, dix mois plus tard, le texte n’a toujours pas été promulgué au Journal Officiel, étape préalable à son application.

Ainsi, POLLINIS, qui se bat depuis plus de cinq ans pour l’interdiction de tous les néonicotinoïdes en France et en Europe, lance une pétition pour que la société civile se mobilise de nouveau et exige du gouvernement d’Édouard Philippe qu’il entérine la décision démocratique prise par les parlementaires en promulguant le décret d’application de cet amendement. Ceci afin que l’interdiction des tueurs d’abeilles entre en vigueur à partir de 2018, comme prévu par la loi.

« L’amendement StopNéonics a été exigé par les citoyens et adopté par leurs représentants: le sabotage de la Commission européenne serait un intolérable déni de démocratie et une nouvelle preuve, s’il en faut, de la mainmise des lobbys de l’agrochimie sur les décisions européennes au détriment des abeilles, de la nature et de notre alimentation à tous ».

Afin de freiner l’effondrement des pollinisateurs, POLLINIS exige du gouvernement une action simple :

« Nous demandons au premier ministre et aux ministres de la Santé, de l’Environnement et de l’Agriculture, qui doivent apposer leurs signatures au décret d’application, de résister aux pressions et de le publier au Journal officiel ».

Nicolas Laarman, délégué général de POLLINIS

 

De quoi les néonicotinoïdes sont-ils le nom ?

Les néonicotinoïdes sont une famille d’insecticides neurotoxiques qui agissent en attaquant le système nerveux central des insectes, provoquant la paralysie et la mort. Ils sont apparus dans les années 90 pour répondre à l’augmentation des problèmes de résistance des insectes aux pesticides (de nombreux cas de résistance à ces mêmes insecticides ont depuis été documentés). Les sept molécules actives (acétamipride, clothianidine, dinotéfurane, imidaclopride, nitenpyrame, thiaclopride, thiaméthoxame) se retrouvent dans les produits commercialisés tel que le Cruiser de Syngenta ou le Gaucho de Bayer.

Selon de nombreuses études indépendantes, les néonicotinoïdes, qui sont rapidement devenu les insecticides les plus utilisés en agriculture conventionnelle, provoquent une très forte mortalité des abeilles domestiques et sauvages. Ce problème majeur pour les apiculteurs et pour la biodiversité est non seulement liée à la toxicité importante des mollécules néonicotinoïdes, mais aussi au mode d’action spécifique de ce groupe de pesticides. Contrairement aux autres insecticides, ces derniers sont systémiques : ils pénètrent donc au cœur des plantes et sont diffusés par la sève à travers toutes les parties du végétal : les racines, le tronc, les feuilles, les fleurs, mais aussi le pollen et le nectar dont se nourrissent les abeilles sauvages et domestiques.

JE SIGNE

En plus de préserver la nature et les pollinisateurs, lʼadoption de l’interdiction des insecticides néonicotinoïdes dans le projet de loi « Biodiversité » constituait une victoire politique majeure. Ce vote permettait en effet à la France de montrer la voie à toute l’Europe, alors même que la Commission européenne est en train de réévaluer le moratoire partiel sur trois molécules néonicotinoïdes en vigueur depuis 2012. De fait, l’interdiction des « tueurs d’abeilles », pierre angulaire du système agricole conventionnelle, inciterait les élus et les institutions à généraliser enfin les alternatives agricoles durables et productives qui font leur preuve un peu partout en Europe.

Mais ce changement de paradigme va à l’encontre des intérêts colossaux de l’agrochimie qui produit ces insecticides, mais également des exploitants agricoles enfermés dans un système agricole 100% dépendant de la chimie. Ainsi, Syngenta, Bayer et de puissantes coopératives agricoles ont submergé la Commission d’argumentaires juridiques dénonçant la prétendue non-conformité de l’interdiction votée en France avec la réglementation européenne (de manière assez grossière, les tueurs d’abeilles sont autorisés en Europe, donc ils ne pourraient pas être interdits en France…). C’est ignorer volontairement que de nombreuses molécules sont toujours autorisées en Europe, sans l’être en France. C’est notamment le cas des pesticides à base d’atrazine ou des organismes génétiquement modifiés.

Face à la pression colossale exercée sur le gouvernement français, seule une mobilisation citoyenne sans précédent pourra l’obliger à ne pas céder sur ce point crucial pour les abeilles, la santé des européens et leur alimentation.

JE SIGNE

Sources:

Premier vote en faveur de l’amendement d’interdiction à l’Assemblée nationale en mars 2015 :lien

Le ministre de l’Agriculture demande aux députés de ne pas voter l’interdiction des néonicotinoïdes: lien

Dernier vote de l’Assemblée en faveur de l’interdiction des néonicotinoïdes en juillet 2016: lien

Observation de la Commission européenne concernant l’interdiction française : lien

Lobbying mené par l’agrochimie dans l’onglet “Contributions” des observations de la Commission: lien

 

SOURCE/ POLLINIS.ORG

Tag(s) : #environnement
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