TRIBUNE. Pour Thomas Kekenbosch, membre de Génération.s, l'affaire Benalla frappe au cœur du pouvoir.

 

 

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Abattant la confiance par surprise, l'affaire Benalla endommage brutalement le pouvoir comme aucune des erreurs d'Emmanuel Macron n'avait jamais pu le faire jusqu'à présent.

Ni les opérations immobilières de Richard Ferrand, ni les emplois fictifs présumés de François Bayrou, ni les conflits d'intérêts potentiels du secrétaire général de l'Élysée Alexis Kohler, celui de la ministre de la Culture Françoise Nyssen avec Actes Sud, ou encore celui de la ministre de la Santé Agnès Buzyn dans la nomination de son mari à l'Inserm, ni les ristournes sur les factures de ses meetings et les doutes sur le financement d'une campagne électorale par Emmanuel Macron encore ministre, ni les déplacements organisés par Business France et la future ministre du Travail à Las Vegas... Rien, dans la vertigineuse liste des affaires qui ont touché le pouvoir en à peine un an, n'avait pu franchir le mur du son médiatique et populaire et toucher le Président. Les revirements politiques à 180 degrés de l'humaniste devenu anti-migrants et de l'écologiste devenu pro-glyphosate n'y ont rien fait non plus.

C'est qu'Emmanuel Macron, seule étoile au milieu d'un paysage politique désolé et d'un gouvernement peuplé d'anonymes, répondait chaque fois par l'indifférence dédaigneuse de celui qui est sûr de son fait et qui ne déviera pas. « La République est inaltérable », tente-t-il encore aujourd'hui, dans une tentative désespérée de rester sur l'Olympe qui le protège comme par magie des coups et des vicissitudes de ce qui est systématiquement renvoyé à de la politique politicienne.

Une bulle de savon qui se prétendait légion romaine

Sauf que l'affaire Benalla est venue. Elle frappe au cœur du pouvoir. La République des copains, cela passe encore quand il s'agit d'un marché ou de quelque passe-droit. Mais qu'y a t-il de plus cru que de frapper furieusement un homme déjà à terre ? Quel parallèle terrible avec les coups de boutoir incessant d'un président de la République qui ne fait pas autre chose lorsqu'il perfore le code du travail, qu'il insulte des grévistes, ou qu'il baisse les droits sociaux ! Quel parallèle terrible que ce pouvoir qui semble avoir protégé un homme de l'ombre comme il protège une petite caste de privilégiés dédouanés d'ISF !

Avant même les commissions d'enquête et les enquêtes préliminaires, tout s'est brisé en une seule image. Et tout le reste pourrait s'effondrer avec cette bulle fragile qui entourait le Président : l'affaire Benalla révèle en creux à quel point ce pouvoir qui semblait si fort, si rigide, si arrogant de certitudes, n'était qu'une bulle de savon qui se prétendait légion romaine. L'évidence rétrospective, c'est que par la seul force de la parole performative d'un Jupiter autoproclamé, tout le monde y avait cru. Si la République est inaltérable, Emmanuel Macron ne l'est plus.

Alors que la défiance morale va maintenant s'ajouter à la rancune, Emmanuel Macron entre désormais dans le dur. Mais la gauche aurait tort de s'en féliciter. Faire tomber un roi n'est d'aucune utilité sans disposer d'une alternative. Les affaires s'enchaînent comme les quinquennats et font le lit de tous les adversaires de la République. Alors vite, cessons la course au chaos, mettons un nouvel espoir écologique et social au cœur de la République, pour que les coups incessants que lui portent des libéraux affairistes ne soit pas le seul horizon des Françaises et des Français.