Les éditions Flammarion publient le troisième roman d'une auteure américaine Jennifer Clément : Balles perdues, une des bonnes surprises de la rentrée littéraire de cet automne.
Au fin fond de la Floride rurale, un parking d'un camp de caravanes. C'est dans une Mercury que vivent Margot, mère célibataire et sa fille Pearl. L'une à l'avant, l'autre à l'arrière de la grosse voiture. Comme pas mal d'habitants pauvres de ce pays riche. Bien qu'existe entre elles un lien fusionnel, la vie n'est constituée que de précarité, fragilité, cigarettes volées, d'insecticide où la nuit venue il faut installer un petit oreiller sur le frein à mains pour tenter de dormir... Pas loin d'étranges personnages vivent dans leurs caravanes respectives, près d'une décharge devenu terrain de jeux , sans oublier une rivière où paressent de nombreux alligators. L'envers du rêve américain disparu depuis déjà pas mal d'années. Si la jeune adolescente peut compter sur une amie, Avril May, elle va aussi devoir subir la présence encombrante et perturbante d'Eli, le compagnon de sa mère, un étrange Texan qui prend alors sa place dans cette voiture-logement.
Pourtant cette vie en marge, mais stable et pleine de chansons d'amour, basée sur cette forte relation mère-fille, va se trouver rompue par l'apparition d'une arme, rappelant au lecteur que nous sommes dans le pays des tueries de masse. Pearl va se rendre compte que le trafic d'armes est présent dans ce camp, au milieu des laissés pour compte. Quand l'insécurité physique vient se mêler à l'insécurité économique, la peur règne et donc l'envie de se protéger. Parfois les balles sifflent et se perdent, mais pas pour tout le monde. Un roman réaliste et attachant qui devrait permettre à Jennifer Clément d'élargir son public français, après Prières pour celles qui furent volées en 2016 (Flammarion). L'auteur, qui vit au Mexique, est présidente de l'association d'écrivain PEN international depuis 2015 et a déjà reçu plus d'un prix. Un de ces beaux romans dont peu de médias parlent, trop perdu parmi les 567 romans de cette rentrée littéraire pléthorique. Un roman engagé d'une auteur engagée dans ce pays où le pire, la NRA, le lobby des armes, côtoie toujours le meilleur, la littérature. Au-delà, on retiendra un ton mélangeant humour et poésie, une belle mélancolie celle d'un passage obligé de l'adolescence à la vie d'adulte. A lire, avant de découvrir son précédent roman disponible en format poche chez J'ai lu.
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Balles perdues
Jennifer Clément
Traduit de l'anglais (États-Unis) par Patricia Reznikov
Editions Flammarion
2018 / 304 p / 20 euros / Epub ou Pdf : 13,99 euros