Les éditions Verticales nous offrent un des romans les plus attendus de cette rentrée littéraire, le nouveau Maylis de Kerangal : Un monde à portée de main, où l'auteure de Réparer les vivants et Naissance d'un pont se montre encore une fois à la hauteur de nos attentes.
Avant même une longue et mouvante première phrase, Un monde à portée de main s'ouvre sur un koan : « Le vent fait-il du bruit dans les arbres quand il n'y a personne pour l'entendre ? » Voici le lecteur plongé dans la vie de Paula Karst, étudiante qui apprend à peindre des décors en trompe-l'œil dans une école d'art à Bruxelles. Très vite nous pénétrons jusqu'à l'os un petit monde fait de pinceaux, d'éponges, de magie créé par le regard et le poignet, par la volonté de reproduire le réel, enfin un réel, puisqu'il s'agit de faire surgir le marbre ou le bois, là où il n'existe pas. Le geste artistique doit être précis, aussi précis que les mots et les phrases de Maylis de Kerangal. Donner corps à la matière, mélange de technique et de ressenti. Un long parcours que celui de Paula, vivant de contrats précaires, comme ses condisciples Jonas et Kate. De Bruxelles en 2015 où se niche le terrorisme aux grottes de Lascaux, en passant par Moscou et Cinecitta, un cheminement initiatique comme l'art en rempart à la barbarie ?
Si ce roman débute avec un koan, l'on comprend assez vite que la peinture est souvent une ascèse où elle domine tout, même pour ces faussaires qui font profession d'illusion, le fac-similé comme réalité ultime ? Zen. Faire de l'illusion une réalité, au-delà de la simple réalité. Alliant avec maîtrise les termes techniques d'un documentaire et une poésie discrète, Maylis de Kerangal offre alors un roman rythmé comme un film de Damien Chazelle, chatoyant et inventif, qui prend son envol, avec les gestes du peintre, comme les gestes d'un batteur sur son instrument. Précarité, mais aussi solitude, vulnérabilité pour cette vie de copiste. Hommage à l'artisanat, cette histoire embarque le lecteur ainsi que le faisait les premiers films de Méliès, avec une fascination du mouvement, de la narration...Un très haut niveau de littérature qui confirme la place essentielle de Maylis de Kerangal dans les lettres françaises. Du plaisir à l'état pur...
Dan29000
Un monde à portée de main
Maylis de Kerangal
Éditions Verticales
2018 / 288 p / 20 euros
EXTRAIT
« Paula s’avance lentement vers les plaques de marbre, pose sa paume à plat sur la paroi, mais au lieu du froid glacial de la pierre, c’est le grain de la peinture qu’elle éprouve. Elle s’approche tout près, regarde : c’est bien une image. Étonnée, elle se tourne vers les boiseries et recommence, recule puis avance, touche, comme si elle jouait à faire disparaître puis à faire revenir l’illusion initiale, progresse le long du mur, de plus en plus troublée tandis qu’elle passe les colonnes de pierre, les arches sculptées, les chapiteaux et les moulures, les stucs, atteint la fenêtre, prête à se pencher au-dehors, certaine qu’un autre monde se tient là, juste derrière, à portée de main, et partout son tâtonnement lui renvoie de la peinture. Une fois parvenue devant la mésange arrêtée sur sa branche, elle s’immobilise, allonge le bras dans l’aube rose, glisse ses doigts entre les plumes de l’oiseau, et tend l’oreille dans le feuillage. »
23 Sept. 2018 Maylis de Kerangal 18h |
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24 Sept. 2018 Maylis de Kerangal 20h |
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25 Sept. 2018 Maylis de Kerangal 19h30 |
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26 Sept. 2018 Maylis de Kerangal 18h30 |
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28 Sept. 2018 François Bégaudeau Maylis de Kerangal Du 28 au 30 septembre |
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