À la fois au cœur de Hollywood et contre un système hollywoodien qui a cherché à contrôler son image, star et antistar en même temps, Jane Fonda n'a cessé de s'affranchir. Elle est assurément, hier comme aujourd'hui, une icône politique et cinématographique.
Après avoir reçu le prix Lumière à Lyon en octobre dans le cadre du 10e festival Lumière, Jane Fonda honore la Cinémathèque française de sa présence. Un événement Women in Motion, programme lancé en 2015 par Kering, partenaire officiel du Festival de Cannes.
Chacun a en soi une image de Jane Fonda, la pin-up, la femme engagée ou encore la reine du fitness. Elle est tout à la fois et sa longue carrière épouse ses changements physiques et intellectuels. Jane Fonda, c'est l'histoire d'une libération : se libérer de l'ombre du père, Henry Fonda, de l'image qu'on lui impose et qu'elle s'impose, de l'influence de ses hommes. C'est aussi l'histoire d'une révélation : celle de la force motrice des engagements politiques et féministes qui vont de pair avec une révélation de sa féminité. Jane Fonda, d'un corps agité devient un corps agissant.
Transformations
Bien qu'enfant de la balle, Jane Fonda ne se destine pas à devenir actrice. Elle prend des cours avec Lee Strasberg pour quitter sa famille et se finance en devenant mannequin. Alors que la Méthode la pousse à explorer son intériorité, elle est d'abord une cover-girl et la Warner s'empresse de la transformer : maquillage épais, cheveux teints en blond, poitrine rembourrée (« Je ne me suis pas reconnue », dira-t-elle dans Sois belle et tais-toi), on lui conseille même de se faire arracher des dents et de casser sa mâchoire. Ses premiers films, à quelques exceptions, la mettent en scène ravissante idiote, remise dans le chemin de la raison (masculine). Son corps est réduit à un pur plaisir dans Barbarella de Vadim (1968) où le striptease en apesanteur du générique lance ce film centré sur la plastique de poupée de l'actrice habillée, déshabillée – plus ou moins violemment –, désirée, jouissante mais jamais désirante. Un corps comme pure surface de projection de fantasmes. Un corps qui s'agite mais sans substance. Un tournant s'opère avec On achève bien les chevaux de Sydney Pollack l'année suivante. Non seulement pour la première fois un réalisateur lui demande un avis sur son rôle, mais surtout il permet à l'actrice d'être autre chose qu'un objet agréable à regarder. Le corps de Jane Fonda, occulté car toujours vêtu, s'impose à l'écran avec une nouvelle épaisseur : c'est un corps qui transpire, souffre, chancelle et, surtout, résiste.
Cette transformation physique a été précédée d'une prise de conscience : éveillée au problème noir pendant le tournage de Que vienne la nuit d'Otto Preminger en 1967, nourrie par ses conversations avec Signoret, Montand et Costa-Gavras, elle sera bouleversée par Mai 1968. C'est un geste radical – même s'il peut paraître à première vue futile : elle abandonne sa crinière blonde, le maquillage excessif pour une coiffure brune qui lui mange le visage. Son corps s'efface. Dans Tout va bien de Godard et Gorin, elle est à égalité avec les acteurs qui jouent des ouvriers en grève, filmée de loin, parfois cachée. Sa seule mise à nu est ce gros plan de son visage pour un monologue face caméra. De la même façon, dans Klute d'Alan Pakula, elle est d'abord une voix avant d'être un corps et son interprétation d'une prostituée, qui lui vaut son premier Oscar, s'éloigne des stéréotypes tant elle construit un personnage dur et secret, loin de toute vulgarité.
L'art du phœnix
Elle soutient le peuple vietnamien, la cause des Noirs et des Indiens, devient ouvertement féministe, se met à dos l'opinion américaine. L'engagement intellectuel s'accompagne d'un engagement physique : la production des vidéos de fitness sert à financer la campagne politique de son mari. Elle n'est plus seulement actrice, mais productrice de films tels que Le Retour, sur les vétérans de la guerre du Vietnam, ou le très prophétique Syndrome chinois sur les dangers nucléaires. Le Retour met en abyme sa transformation : une épouse fardée au cheveux crêpés soumise à son marine de mari, sexuellement insatisfaite, se révèle et se libère dans tous les sens du terme en tombant amoureuse d'un soldat revenu handicapé du front.
Après une pause dans les années 1990, Jane Fonda revient à l'écran et au mannequinat dans les années 2000. Mais là encore, l'actrice n'en finit pas d'échapper à son image de papier glacé, soit en jouant de l'autodérision, soit par ses déclarations toujours très franches sur la sexualité et son énergie toujours intacte au service des causes qui lui tiennent à cœur. Jane Fonda ou l'art du phœnix.
Wafa Ghermani
SOURCE/ CINEMATHEQUE.FR
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- Agnès de Dieu Norman Jewison / Etats-Unis / 1986 Sa 3 nov 19h30
- Barbarella Roger Vadim / France, Italie / 1967 Di 28 oct 21h45
- Cat Ballou Elliot Silverstein / Etats-Unis / 1964 Di 28 oct 17h30
- Cavalier électrique (Le) Sydney Pollack / Etats-Unis / 1980 Sa 27 oct 21h45
- Et si on vivait tous ensemble ? Stéphane Robelin / France-Allemagne / 2010 Je 1 nov 16h45
- Félins (Les) René Clément / France / 1963 Me 24 oct 21h30
- Julia Fred Zinnemann / Etats-Unis / 1978 Me 24 oct 14h30
- Klute Alan J. Pakula / Etats-Unis / 1972 Lu 22 oct 19h30
- Lendemain du crime (Le) Sidney Lumet / Etats-Unis / 1987 Sa 3 nov 17h30
- Letter to Jane Jean-Luc Godard, Jean-Pierre Gorin / France / 1972 Lu 29 oct 22h15
- Maison de poupée Joseph Losey / Grande-Bretagne, France / 1972 Me 31 oct 17h00
- Maison du lac (La) Mark Rydell / Etats-Unis / 1982 Lu 5 nov 14h30
- Oiseau bleu (L') George Cukor / Etats-Unis, URSS / 1975 Di 4 nov 17h30
- On achève bien les chevaux Sydney Pollack / Etats-Unis / 1970 Lu 29 oct 19h45
- Pieds nus dans le parc Gene Saks / Etats-Unis / 1967 Je 25 oct 17h15
- Poursuite impitoyable (La) Arthur Penn / Etats-Unis / 1966 Sa 27 oct 19h00
- Que vienne la nuit Otto Preminger / Etats-Unis / 1966 Di 4 nov 19h45
- Retour Hal Ashby / Etats-Unis / 1978 Sa 3 nov 21h45
- Rue chaude (La) Edward Dmytryk / Etats-Unis / 1962 Lu 29 oct 17h00
- Sois belle et tais-toi Delphine Seyrig / France / 1976 Lu 5 nov 19h00
- Syndrome chinois (Le) James Bridges / Etats-Unis / 1979 Lu 5 nov 21h30
- Tête à l'envers (La) Joshua Logan / Etats-Unis / 1963 Ve 26 oct 16h30
- Tout va bien Jean-Luc Godard, Jean-Pierre Gorin / France-Italie / 1972 Di 28 oct 19h45
- Une femme d'affaires Alan J. Pakula / Etats-Unis / 1981 Lu 29 oct 14h30