Communiqué de presse – Paris, le 12 septembre 2018
Selon un rapport publié aujourd’hui par Transparency International, la plupart des grands pays exportateurs ne sanctionnent pas les multinationales qui versent des pots-de-vin à l’étranger.
Transparency International, organisation mondiale de lutte contre la corruption, publie l’édition 2018 de son rapport « Exporter la corruption » : 44 pays, dont la France, sont évalués en fonction de leur mise en œuvre effective de la Convention de l’OCDE sur la lutte contre la corruption et les pots-de-vins. Cette convention est le premier et le seul instrument international de lutte contre la corruption dans les transactions commerciales internationales, ratifié en 2000 par la France.
Selon le rapport, seules 11 juridictions sur les 44 évaluées prennent des sanctions effectives à l’encontre des entreprises qui versent des pots-de-vin à l’étranger. Ces pays sont l’Allemagne, Israël, l’Italie, la Norvège, la Suisse, le Royaume-Uni et les États-Unis (mise en œuvre effective) ; et l’Australie, le Brésil, le Portugal et la Suède (mise en œuvre modérée). Ces pays sont collectivement responsables de 30,8 % des exportations dans le monde.
L’amélioration la plus importante concerne le Brésil et Israël : passés en 2015 de la catégorie “mise en œuvre sommaire, voire inexistante” à “mise en œuvre modérée” en 2018.
Dans quatre pays – l’Autriche, le Canada, la Finlande et la Corée du Sud – qui représentent 6,7 % des exportations mondiales, les niveaux de mise en œuvre sont en baisse, la Finlande subissant le plus fort recul.
Pour la première fois, le rapport intègre dans son évaluation des pays non signataires de la Convention OCDE : la Chine, plus gros exportateur mondial, ainsi que l’Inde, Singapour et Hong Kong, individuellement responsables de plus de 2 % des exportations mondiales[1]. Situés dans la catégorie « Mise en œuvre sommaire ou inexistante », ces quatre pays doivent prendre un engagement fort contre la corruption, notamment en signant la Convention OCDE.
Les 33 pays des catégories « Mise en œuvre limitée » (dont fait partie la France) et « Mise en œuvre sommaire ou inexistante » sont responsables de plus de la moitié des exportations mondiales (52 %). À elle seule, la Chine contribue pour 10,8 % du total.
La convention de l’OCDE exige des pays signataires que la corruption d’agents publics étrangers soit considérée comme une infraction pénale et que des mesures soient mises en place pour lutter contre. Transparency International a collecté les données disponibles sur la mise en œuvre des mesures de lutte contre la corruption par les pays concernés, au cours des quatre dernières années, et en fonction de leur part dans les exportations internationales, et les a classés dans quatre catégories : Mise en œuvre « Effective », « Modérée », « Limitée » et « Sommaire ou inexistante ». Les pays évalués sont à l’origine de plus de 80 % des exportations dans le monde.
L’auteure du rapport, Gillian Dell explique : « Les autorités ont non seulement besoin d’un cadre juridique solide pour poursuivre les entreprises qui versent des pots-de-vin à l’étranger, mais aussi de moyens adéquats pour les agences en charge du contrôle et des sanctions. Dans de nombreux pays, les tribunaux, de même que les enquêteurs et procureurs, qui s’attellent aux crimes de corruption transfrontalière sont mal équipés pour faire leur travail. »
Outre l’accentuation des efforts de mise en œuvre, Transparency International recommande également aux gouvernements :
- d’améliorer les niveaux de redevabilité et de transparence par la publication de données actualisées et d’informations sur les dossiers ;
- de faciliter les enquêtes transfrontalières en améliorant l’entraide judiciaire entre les pays ;
- de s’assurer de sanctions dissuasives et de mesures de prévention efficaces, via par exemple des procédures de due diligence, dans le traitement des cas de corruption étrangère.
Transparency International est une organisation mondiale de la société civile qui lutte contre la corruption.
Notes aux rédactions :
La Convention de l’OCDE sur la lutte contre la corruption a été adoptée en 1997 pour traiter la question de l’offre en matière de corruption internationale. Les pays Parties à la Convention sont actuellement au nombre de 44, dont 36 sont membres de l’OCDE.
Cette édition est la douzième du rapport sur l’exportation de la corruption par Transparency International. Il a été produit par le secrétariat de l’organisation à Berlin, en collaboration avec des chapitres et experts nationaux de 41 pays Parties à la Convention de l’OCDE, mais aussi de la Chine, de la région administrative spéciale de Hong Kong, de l’Inde et de Singapour.
La note attribuée aux pays est en fonction de leurs performances de mise en œuvre à des stades différents sur une période de quatre ans (2014-2017), à savoir le nombre d’enquêtes entamées, de dossiers ouverts (d’inculpations), et de dossiers conclus avec des sanctions. À partir de ces données et de la part des exportations mondiales de ces pays, ils sont classés dans quatre catégories de mise en œuvre : « Effective », « Modérée », « Limitée » et « Sommaire ou inexistante ». Le Costa Rica, l’Islande et la Lettonie ne sont pas inclus dans le classement, car leur part des exportations mondiales est si petite qu’il est impossible de faire des distinctions d’une catégorie de mise en œuvre à l’autre. Une évaluation du Costa Rica a été préparée pour ce rapport, car c’est un nouveau pays Partie à la Convention qui peut bénéficier d’une évaluation précoce de ses progrès jusqu’ici. Le Pérou n’a pas été inclu dans le rapport, son adhésion ne datant que de juillet 2018.