Pour terminer notre sélection de romans de cette rentrée littéraire de janvier 2019, un de nos grands coups de cœur récents, chez Carnets Nord : Tout le bleu du ciel, le premier roman de Mélissa Da Costa, 28 ans.
Au départ de ce magnifique roman, une petite annonce. Celle d’Émile, 26 ans, condamné à disparaître dans un délai de deux ans, par un Alzheimer précoce. Il souhaite prendre la route, loin des hôpitaux, de la compassion familiale. Ne souhaitant pas effectuer ce voyage seul, il recherche un ou une partenaire disponible pour se lancer dans cette ultime aventure. Peu de temps après, c'est Joanne avec qui il partira. Lui avec son camping-car, elle avec un sac à dos et un grand chapeau noir. Et le voyage débute. L'une secrète, parlant peu, l'autre en proie à cette maladie qui efface la mémoire... Le camping-car avance, la perte du passé aussi, sans oublier la relation entre ces deux jeunes voyageurs qui se lancent sur la route. Le premier charme discret de ce roman est sa lenteur voulue, apaisante, dans un monde marqué par la vitesse et la superficialité. Découvrir les paysages traversés, la nature très présente, et tenter de se découvrir l'un l'autre, demande du temps. Carpe diem. Se laisser vivre, éloge du nomadisme, prendre le temps de vivre comme disait Georges Moustaki.
Dès les premières pages, le lecteur plonge avec le duo pour un long et beau voyage de plus de six cent pages. Échapper aux examens, aux médecins. Celui qui, de toute manière va perdre, cède avec panache à son envie de vivre, même si c'est provisoire. Déjà cette histoire est forte, mais la littérature n'en manque pas, il fallait encore une forme en adéquation, une justesse de ton pour éviter le pathos en rapport avec le sujet de départ. C'est la belle réussite de Mélissa Da Costa. L'écriture, en particulier les dialogues sonnent juste. Souvent le périple d’Émile et Joanne est parsemé de multiples rencontres au gré de la route. Chacune apporte son lot de surprises, d'émotions, de joie et d'échanges. On image ce qu'aurait pu en faire Agnès Varda, récemment disparue. Espérons une adaptation au cinéma qui nous a donné tant de grands films en forme de road movie. Peu à peu, les rapports entre ces deux jeunes sur la route changent, comme la vie change, et la vie sur la route encore plus. Moments magiques, moments d'émotions, moments d'angoisses... Antidote à la mort qui s'approche, elle aussi, lentement. L'humour ne manque pas au tableau. Comme l'écrivait Leonard Cohen, la lumière passe par nos fêlures. Tout le bleu du ciel est lumineux, sensible, poétique, touchant, aérien et surtout l'on pressent la naissance d'une auteure dont on va attendre le deuxième roman avec impatience. Lire Tout le bleu du ciel est indispensable.
Dan29000
Tout le bleu du ciel
Mélissa Da Costa
Éditions Carnets Nord
2019/ 21 euros / 654 p