Addiction sur ordonnance, la crise des antidouleurs, de Patrick Radden Keefe, C&F éditions

L'hiver dernier, les éditions C&F ont lancé une nouvelle collection intitulée, Interventions, avec un essai de Patrick Radden Keefe : Addiction sur ordonnance, la crise des antidouleurs.

 

Un livre dont la quatrième de couverture commence par cette phrase : « La santé publique est trop importante pour être laissée aux trusts pharmaceutiques. » Une telle approche ne pouvait nous laisser indifférents. D'autant plus que ce phénomène de société made in USA, traité dans l'ouvrage de ce journaliste d'investigation du New Yorker, commence à se faire jour en France et dans le monde entier. Alors de quoi s'agit-il ?

 

Pays particulièrement contrasté, les États-Unis subissent depuis environ deux décennies, une crise des opioïdes, avec plus de 70 000 décès par overdose en 2017, entraînant drames familiaux, services sociaux et de secours débordés. Pourtant rien à voir avec les nombreux morts par overdose des drogues illégales habituelles dans ce pays durement frappé par les toxicomanies, suite à un échec évident de la répression depuis maintenant un demi-siècle.

 

Il s'agit ici d'une situation inédite, bien expliquée par Patrick Radden Keefe, avec des contributions de deux journalistes de Libération, Frédéric Autran et Cécile Brajeul, ainsi que celle de l'éditeur Hervé Le Crosnier. Cette crise sanitaire majeure est née dans les cabinets médicaux inondés d'un antidouleur, OxyContin, de l'entreprise Purdue Pharma, propriété de la famille Sackler. Antidouleur soit disant non addictif.

 

Au fil des années, les antidouleurs prescrits ont augmenté, leurs ravages mortels aussi, et les profits pharamineux de la famille Sackler également, devenant la seizième plus riche du pays et finançant des universités, des musées, comme le Louvre à Paris ! Comment un tel désastre a-t-il pu se produire ? Un scandale de plus à l'actif de Big Pharma dont les profits sont plus importants que nos vies. Un livre édifiant, utile, donnant à réfléchir sur la place de ces trusts, sur les techniques de marketing, mais aussi sur la dépendance des organismes publics face aux financements privés.

 

Dan29000

 

Addiction sur ordonnance

La crise des antidouleurs

Patrick Radden Keefe

Traduit de l'anglais (Etats-Unis) par Claire Richard

C&F éditions

2019 / 102 p / 16 euros

 

Site de l'éditeur

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Patrick Radden Keefe
portrait de Patrick Radden Keefe
photo Philip Montgomery - autorisation de l'auteur

Patrick Radden Keefe est journaliste d'investigation au New Yorker depuis 2006. Ses articles incisifs condensent les troubles de notre époque sur des portraits, comme ceux du baron de la drogue El Chapo Guzman, de l'auteur d'une tuerie de masse Amy Bishop, ou de Mark Burnett, le producteur de l'émission de téléréalité The Apprentice qui a forgé l'image de Donald Trump. Il a publié plusieurs livres et obtenu de nombreux prix pour son travail journalistique.

Son site : https://www.patrickraddenkeefe.com/.

EXTRAIT :

Purdue lança OxyContin par une campagne marketing qui visait à contrer ces attitudes et chan ger les habitudes de prescription des médecins. L’entreprise finança des recherches et paya des docteurs pour prouver que les craintes portant sur les addictions aux opioïdes étaient exagérées et qu’ OxyContin pouvait traiter sans risque un nombre sans cesse croissant de maladies. Les commerciaux de Purdue marketaient OxyContin comme un produit « avec le quel on commence et dont on ne sépare plus » (to start with and to stay with). Le médicament devint un remède salvateur pour des millions de patients souffrant de douleurs insupportables. Mais beaucoup d’autres développèrent une telle dépendance qu’ils se mirent à éprouver,entre leurs prises, des crises de manque paralysantes. De puis 1999, 300 000 à 500 000 Américains selon les évaluations, sont morts d’overdoses liées à OxyContin ou d’autres opioïdes délivrés sur ordonnance. On compte plus de 71 000 décès pour la seule année 2017. Quand ces an talgiques deviennent trop chers ou trop difficiles à obtenir,beaucoup d’usagers devenus accros se tournent alors vers l’héroïne. Selon l’American Society of Addiction Medicine, parmi les personnes qui essaient aujourd’hui l’héroïne,quatre sur cinq ont commencé par les antalgiques délivrés sur ordonnance. Les derniers chiffres du Centers for Disease Control and Prevention suggèrent que 145 Américains meurent chaque jour d’overdoses liées aux opioïdes.

 

Tag(s) : #lectures
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