La vie vagabonde, carnets de route (1960-2010), Lawrence Ferlinghetti, éditions du Seuil

Les éditions du Seuil ont publié en avril dernier La vie vagabonde, carnets de route (1960-2010), de Lawrence Ferlinghetti, un des très grands auteurs du courant de la Beat Generation, véritable légende encore vivante, ayant fêté en mars dernier ses cent ans.

 

Certes moins connu en France que Jack Kerouac ou Allen Ginsberg, Lawrence Ferlinghetti est sans nul doute un auteur-clé de la grande et belle histoire de la Beat Generation qui marqua plusieurs décennies de la littérature nord-américaine. Hélas peu de traductions en français, hormis chez Maelström, ou le Temps des cerises (Amant des gares, 1990) directement écrit en français. Car notre homme a obtenu un doctorat à la Sorbonne et enseigna le français.

Si Ferlinghetti est un poète, peintre, journaliste, écrivain-voyageur, mais aussi éditeur, traducteur et militant pour la paix, il est aussi célèbre pour avoir ouvert une des plus célèbres librairies des États-Unis, City lights à San Francisco, une des villes les plus écologistes et progressistes de ce pays.

C'est à partir de cette librairie culte que se mirent à rayonner les auteurs de la Beat Generation. Publier, écrire, voyager, un triptyque qui pourrait résumer la riche vie de cet homme surprenant. Nous le prouve cet indispensable volume de six cent pages. Il aura parcouru le globe durant un demi-siècle, en écrivant et en dessinant. Du Cuba révolutionnaire à l'Australie, de Hawaï à Paris en mai 68, via Berlin et le Nicaragua. Une vie vagabonde faite aussi de rencontres mémorables, Castro, Neruda, Pound, Burroughs ou encore les dissidents soviétiques !

La grande qualité de ces carnets de route est la diversité : récits de voyages, mais aussi poèmes et croquis, délicieux cocktail érudit et chaleureux qui font de lui un vrai philosophe pacifiste, illustrant bien les propos d'un autre grand philosophe humaniste qui vient de nous quitter : Michel Serres, philosopher c'est voyager...

Soyons précis, la publication de La vie vagabonde, carnets de route, est un événement pour tous les amoureux de la littérature nord-américaine, bien au-delà des amateurs de la Beat Generation. Elle fut d'ailleurs salué, à juste titre, par Bob Dylan, Francis Ford Coppola ou encore Patti Smith : « Inspirés et sensuels , les carnets intimes de Ferlinghetti se lisent comme une lettre ouverte au lecteur. »

Lawrence Ferlinghetti a traversé le 20e siècle, en l'enchantant, sans doute la vraie destinée des poètes. Sa libraire City lights est toujours là, si vous passez par Frisco. Lui aussi est encore là, souhaitons lui longue vie. Lire ce livre est un enchantement au long cours, remède à l'actuelle morosité d'un monde mortifère.

 

Dan29000

 

La vie vagabonde

Carnets de route (1960-2010)

Lawrence Ferlinghetti

Traduit de l'anglais (États-Unis) par Nicolas Richard

Collection : essais littéraires

Éditions du seuil

2019 / 602 p / 25 euros

 

Site de l'éditeur

Feuilleter

 

EXTRAIT /

Nous quittons San Francisco pour Santiago, ma femme Kirby et moi, retrouvons Allen (Ginsberg) et changeons d’avion à Panama, en pleine nuit, sans rien voir d’autre que l’aéroport qui fait penser à une gare routière. Mon corps a transité par ce Canal il y a une quinzaine d’années à bord d’un navire de transport de troupes de l’U.S. Navy, en route pour l’occupation du Japon. . . . En tant que navigateur, j’ai débarqué au Bureau hydrographique de la Marine pour récupérer des cartes, ai poussé les portes battantes des bars sur le chemin du retour au navire, tout juste réussi à remonter à bord avant que le bateau quitte le Canal. . . . Nous sommes maintenant assis dans la pénombre d’une salle d’attente pendant que l’avion refait le plein de carburant. . . . Allen et moi nous tassons dans un « Photomaton » de la taille d’une cabine téléphonique et prenons des photos en faisant des grimaces. . . .C’est notre premier voyage à l’étranger en tant que poètes — un congrès littéraire international, organisé par Fernando Alegría, poète chilien et professeur à U.C. Berkeley. Ce sera le premier grand rassemblement d’auteurs de tous les pays d’Amérique latine. Et il s’avère que la moitié des écrivains — les plus éminents de leurs pays — ne peuvent pas entrer sur le territoire U.S. pour des motifs politiques. Évitons leur sale influence étrangère. Pendant que nous veillons à ce que les choses restent homogènes (comme le lait longue conservation Borden), l’Amérique latine, elle, s’efforce de s’homogénéiser suffisamment pour communiquer à travers son propre continent, échanger des idées, des livres, etc. . .

 

 

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