Appel à des luttes locales et coordonées contre les projets industriels
« Nous appelons à des luttes locales et coordonnées contre les projets industriels »

 

27 janvier 2020 / Des collectifs, Zad et associations écologistes
 

 
 

Emmanuel Macron a promis douze sites « clés en main » à des multinationales, pour favoriser la « reconquête industrielle de la France ». Des collectifs écologistes appellent les activistes à organiser la résistance contre ces projets inutiles à venir, souvent installés en zones naturelles sensibles.

Lundi 20 janvier au Château de Versailles, le président Macron a accueilli lors du sommet « Choose France » 200 magnats de l’industrie dont les PDG de Total, Coca-Cola, Netflix ou encore General Electric. Le projet est simple : les inviter à participer à la « reconquête industrielle » des territoires français en leur offrant douze sites dits « clés en main ». Un véritable « prêt-à-construire » au nom de l’attractivité et de la compétitivité, toutes les études obligatoires à mener en amont d’une installation ayant déjà été prises en charge par les collectivités territoriales. De plus, le gouvernement ne compte pas s’arrêter là : jusqu’à cinquante sites de ce genre seront révélés dans les prochains jours.

Nous appelons à une opposition nombreuse et forte contre le projet du gouvernement d’industrialisation des douze sites français par des investisseurs étrangers. Les menaces locales et globales qu’il fait peser sur l’environnement et les populations habitant à proximité des sites appellent à lutter localement et de manière coordonnée contre ces grands projets inutiles et imposés.

Se débarrasser des voix dissonantes

L’accélération des procédures d’installation mène à une invisibilisation des projets, qui rend superflue toute tentative de débat : une fois révélés, ils sont déjà sur le point d’être réalisés. L’opposition et la revendication des intérêts des habitant-e-s et de l’environnement en sont d’autant plus entravées, sinon rendues impossibles : l’information de la population en amont par l’organisation de campagnes citoyennes, la tenue de débats publics ou le lancement de pétitions sont un travail de longue haleine, encore plus long quand il s’agit de la réalisation de contre-études par des collectifs indépendants.

Nous assistons déjà aujourd’hui à la réduction de l’information publique, comme sur le site du bassin de Lacq. Or, les mensonges qui sont la norme dans ce genre de milieux peuvent déboucher sur des catastrophes industrielles aux conséquences irréversibles pour la population et l’environnement.

D’autant plus que le programme projette un rétrécissement des conditions de recours possibles pour les associations environnementales : il laisse le soin au préfet de choisir une consultation électronique du public plutôt qu’une enquête publique (rapport Kasbarian). Or, toutes les consultations en présentiel du public sur des projets industriels se sont soldées par des défaites d’opinion massives, comme en témoignent les trois débat publics autour du projet Cigéo à Bure en 2005, 2013 et 2019.

Un pied de nez aux contestations locales

L’activité industrielle sur ces sites fait déjà l’objet d’une contestation locale portée par des associations environnementales et citoyennes : celles-ci alarment sur les dangers importants qui existent autour de ces sites (pollution industrielle, risques sanitaires, impacts sur l’environnement, etc.) et niés depuis parfois plusieurs années par les promoteurs immobiliers ou industriels. En voici une série d’exemples, non exhaustive :

  • Sur le site du bassin de Lacq, l’inquiétude des riverains à cause des mauvaises odeurs, des rejets de gaz ou de fumées dure depuis des années. Un rapport de Santé Publique France paru en décembre 2019 a même identifié une surmortalité de 14% dans la zone la plus exposée [1]. L’association environnementale Sepanso, qui tente de faire reconnaître les risques liés à l’environnement et à la santé depuis dix ans, est également celle qui a dénoncé une opacité de l’accès à l’information.

On pourrait continuer la liste sur tous les autres sites : sept des douze sites clés en main sont répertoriés sur la carte de Super Local réalisée avec Reporterre qui répertorie les mobilisations locales contre des centaines de projets polluants et injustes.

Les questions environnementales évincées

Ces projets sont déconcertants si l’on prend en considération leur simple situation géographique : la totalité sont implantés non seulement à proximité de cours d’eau (fleuve, rivière, zone humide, mer ou océan) et d’espaces verts (forêts, bois, parcs, réserves naturelles), mais beaucoup d’entre eux sont également situés à quelques centaines de mètres seulement de zones naturelles censées être protégées, telles que des zones Natura 2000 reconnues à l’échelle européenne (port de Marseille, port de Dunkerque, la Boitardière, Petite-Couronne, Induslacq, Drusenheim, Saint-Vulbas, le Carnet) ou des zones Zico (zone d’intérêt pour la protection des oiseaux) (Induslacq, Drusenheim, le Carnet).

Nous doutons du sérieux avec lequel les études d’impact sur l’environnement sont menées au préalable. En effet, les contraintes sont déjà non respectées sur certains sites, comme sur les sites de Lacq ou du Carnet. Une plainte a été déposée par l’association France Nature Environnement en 2018 contre l’entreprise pharmaceutique Sanofi et son usine de Mourenx, dans le bassin de Lacq, au motif que « selon les plus récents relevés, l’usine rejette 190.000 fois la norme autorisée de bromopropane, une substance classée comme cancérogène mutagène ». Le collectif Terres Communes s’opposant au projet du Carnet, qui consiste en l’agrandissement du Grand port maritime Nantes-Saint-Nazaire [2], dénonce la bétonisation de 110 hectares de zone sauvage en bord de Loire et « la destruction des habitats naturels de 166 espèces protégées dont plusieurs menacées de disparition ». Le site de Sarreguemine (Hambach) a été la cible vers laquelle ont convergé pendant trois jours pas moins de 3.000 activistes climat venus de toute l’Europe, lors de l’action de masse portée par Ende Gelände en juin 2019.

Et pour tous les sites, des problématiques globales se posent : tous ces investisseurs sont également parmi les plus grands responsables de la destruction de la biosphère au niveau global. Créer des pôles supplémentaires dans la production ne peut que déboucher sur un accroissement du transport maritime, le plus grand émetteur de gaz à effet de serre après la circulation automobile dans le domaine des transports. Parmi les plus gros contrats, on trouve justement MSC, la Compagnie de transport maritime connue dans sa participation à l’affaire Kohler [3], qui signe pour deux milliards d’euros la construction de deux immenses paquebots de croisière. Outre les nombreuses nuisances que génère ce genre de tourisme de masse, les détails de ce contrat dévoilés par Mediapart montrent l’enchevêtrement des intérêts publics et privés dans le capitalisme : la prise en charge des risques sociaux et environnementaux par l’État et la totale irresponsabilité des investisseurs.

Le mensonge de l’écologie industrielle

Évidemment, ces projets industriels seront revendiqués respectueux de l’environnement : c’est le pari de l’écologie industrielle, qui affiche sa volonté de renouveler l’industrie dans une perspective écologique [4]. À Illange, installation de 48 hectares de panneaux solaires ; port de Dunkerque et son label « Écoport », tandis que celui de Marseille s’affiche comme « responsable » et « acteur de la transition énergétique » ; l’« Axioparc » de Drusenheim est présenté comme un projet permettant de limiter l’artificialisation des sols et s’engageant à préserver une certaine biodiversité ; quant au projet du Carnet, il accueillerait des activités « éco-industrielles ». Mais contrairement à ce qui est affiché, ces projets se font bien au détriment du vivant, et au profit des investisseurs.

Un passage du rapport de mission au Premier ministre « Cinq chantiers pour simplifier et accélérer les installations industrielles » rendu cet automne résume bien la place que le capitalisme propose à l’écologie : n’être qu’une économie de plus, une comptabilité du vivant, à travers la compensation écologique [5]. La conséquence réelle est bien la poursuite de la croissance destructrice du vivant, sous des atours verts dont plus personne n’est dupe. Par ces mesures, le gouvernement se donne les moyens de passer outre toute concertation des élu-e-s, des habitant-e-s et des associations environnementales, et d’installer les industriels où bon leur semblera, dans l’espoir de faire revenir, comme par magie, le temps fantasmé des Trente Glorieuses.

Alors que s’organise le refus du débat sur l’avenir de l’industrie en France, nous appelons tout-e-s celles et ceux conscient-e-s de l’impasse mortifère de la croissance économique à :

  • rejoindre les collectifs qui s’opposent à de tels projets [6] ;
  • former ces collectifs lorsque cela est nécessaire (recrutez dans vos dîners de famille !) ;
  • participer à la manifestation nationale contre les projets inutiles qui se tiendra le 29 février 2020 à Nantes ;
  • organiser une convergence régionale des collectifs et individus en lutte, qui pourraient se rassembler lors d’une manifestation nationale contre la politique de ré-industrialisation de la France et les projets destructeurs ;
  • résister, par tous les moyens nécessaires et partout où cela s’impose, à la destruction programmée du vivant.

  • Signataires : Affamons l’Incinérateur de Créteil ; Caen en lutte pour l’environnement ; Collectif Terres communes ; Collectif 3R (Réduire, Réutiliser, Recycler) en lutte contre la reconstruction de l’incinérateur d’Ivry ; Désobéissance écolo Paris ; Free The Soil France ; Génération climat ; NDDL Poursuivre ensemble ; Pleine Mer ; RadiAction ; Résistance Écologiste Rennes ; Stop Knauf Illange ; XR Pour une écologie populaire et sociale ; Youth for climate Paris ; Zad de la Dune ; Zad d’Arlon.
  • Il est possible de se joindre aux signataires en écrivant à desobeissance.ecolo.paris@protonmail.com

 


[3Voir le résumé de cette affaire par Usul dans Ouvrez les guillemets : https://www.youtube.com/watch?v=KnG0stfR498

[4Sur l’enfumage de l’écologie industrielle, voir : https://lundi.am/Pour-2019-Macron-souhaite-une-ecologie-industrielle-mais-pas-nous

[5Le rapport propose la mise en place d’une « Banque d’actifs écologiques » en suivant l’exemple du site de Cossure, dans les Bouches-du-Rhône, où 357 hectares de vergers abandonnés en 2005 ont été rachetés par la Caisse des Dépôts Biodiversité. L’objectif affiché est de constituer cette réserve écologique qui pourra ensuite être achetée au besoin par tout projet industriel en mal de compensation. On peut lire ainsi sur la présentation du site de Cossure : « L’opération permet à ce titre de constituer une “réserve d’actifs naturels” validée et contrôlée par l’État : CDC Biodiversité se voit octroyer un crédit d’actifs naturels qui peut alors être employé par les maîtres d’ouvrage. » Mais ce n’est pas tout : la banque d’actifs naturels est également bonne pour l’image et la bonne conscience ! « L’opération Cossure peut aussi être utilisée, hors du cadre de la compensation, par des acteurs économiques, publics ou privés, souhaitant s’engager de façon volontaire dans une action remarquable en faveur de la biodiversité. » Le greenwashing, clé en main, garanti par l’État.

[6Le site du collectif Super Local répertorie les projets inutiles et imposés en France.

 


Lire aussi : La carte des luttes contre les grands projets inutiles


Source : Courriel à Reporterre

 

SOURCE / REPORTERRE.NET

Tag(s) : #actualités, #alternatives
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