À l’exception des personnels indispensables au bon fonctionnement de la société, nous voilà momentanément confinés chez nous. Vilain virus. Et certains internautes de se réjouir : enfin du temps pour regarder des séries, écouter les podcasts qu’on n’a jamais eu l’occasion de lancer, et pour lire… notamment tous ces livres accumulés depuis des années sur nos étagères et qui attendaient d’être lus. Eh oui : plus de librairie ni de bibliothèque – il faut donc se débrouiller autrement.
Cette situation inédite pour notre génération nous invite à repenser notre rapport à la culture, et surtout à son industrie. En effet, terminé l’effet de flux permanent des sorties, des nouveautés en rayon, terminé les têtes de gondole, les kakemonos et les mises en avant en entrée de magasin, terminé aussi les films qui sortent au cinéma, les concerts, les représentations, ces évènements dont la liste à voir s’allonge au fil des jours. Nous avons appuyé sur le bouton pause, et tout s’est arrêté… ou presque.
Car le flux s’est largement déporté sur le web. Imaginez : nous vivons sur une planète et à une époque où internet existe. C’est une chance formidable. Aussi, tous les acteurs culturels se lancent dans la bataille – on aurait tort de leur en vouloir. D’abord timidement, puis massivement, tous les services ou presque qui proposaient des achats à l’unité ou des abonnements payants à des services de divertissement offrent désormais gratuitement un accès aux pays confinés. Effet d’aubaine, où l’on réalise que l’important n’est pas toujours de gagner de l’argent, mais surtout de créer un usage. En offrant leurs services, les entreprises espèrent convaincre – car elles savent que le plus dur n’est pas forcément de convaincre les gens de payer, mais d’essayer. Dans un monde où nous croulons littéralement sous les propositions de divertissement et les offres culturelles, il faut sortir du lot.
C’est assez intéressant de voir tous ces services devenir gratuit le temps du confinement. Paradoxalement, on va recréer un engorgement au niveau des utilisateurs, puisque l’offre gratuite deviendra tellement pléthorique qu’elle subira les mêmes effets de concurrence que lorsqu’elles sont payantes. Les premiers à proposer tireront leur épingle du jeu, puis les autres surnageront en fonction des niches qu’ils pourront atteindre. Same old, same old.
Bien sûr, on peut se cacher derrière son petit doigt et dire que tout cela, les entreprises culturelles le font par solidarité envers les confinés – parce que « la culture est un bien commun » et qu’il faut qu’elle soit accessible au plus grand nombre, notamment en période de crise. On sait bien que ce n’est qu’à moitié vrai. Reste que cette crise prouve qu’on peut aussi très bien imaginer des temps de gratuité sans remettre en cause un modèle économique : ce sont d’ordinaire ceux qui crachent sur la gratuité de la culture qui aujourd’hui ouvrent grand leur portes à de potentiels nouveaux clients.
J’y vois aussi une autre ouverture : celle du numérique. Soudain, des millions de personnes vont être mises face à un choix : se débrouiller avec ce qu’elles ont à la maison, sans possibilité réelle d’acquérir de nouvelles choses (à moins de se faire livrer à domicile, ce qui revient à déplacer le danger sur les livreurs et postiers, ce qui n’est pas nécessairement souhaitable), ou envisager de dématérialiser une partie de leur divertissement. Mine de rien, c’est souvent des crises que naissent de nouvelles solutions, et de nouveaux usages aussi.
Alors voilà peut-être l’occasion de repenser nos usages de consommation culturelle.
Image d’illustration : Krists Luhaers, via Unsplash
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