"J’évite consciencieusement de m’analyser. J’aurais horreur de devenir trop indulgent envers moi-même..." Essentiellement tissé d’archives, dont certaines inédites, puisque les réalisateurs ont eu accès au fond privé de sa famille, et ponctué d’extraits de films, ce portrait est raconté par la voix du cinéaste disparu en 2018, tantôt en tchèque, tantôt dans son anglais à l’accent rocailleux, hormis un bref interlude dans un impeccable français. Cinéaste entre deux mondes, habité par l’expérience précoce de la perte et de la solitude, mais aussi de la résistance, Milos Forman se livre avec une pudeur et une simplicité aujourd’hui presque désarmantes, tant son refus de la pose eAt de l'étalage intime semble relever d'une époque irrémédiablement révolue.
Héraut discret
Recueillis sur plus de quarante ans, du milieu des années 1960 à 2009, la dernière où il a accepté d’être filmé, les entretiens qui font la matière de ce portrait ne parlent pourtant que de lui. Mais qu'il replonge dans son enfance brisée par le nazisme (son père résistant, puis sa mère ont péri en déportation) ou la débine de ses premières années d'exil à New York, quand il loge gratuitement au glamour Chelsea Hotel, qu’il évoque sa gloire de héraut de la Nouvelle Vague tchèque ("Les amours d’une blonde" en 1965, puis "Au feu les pompiers !" en 1967) ou ses Oscars en déluge (cinq pour "Vol au-dessus d’un nid de coucou" en 1976, huit pour "Amadeus" en 1985), Milos Forman fait montre de la même distance, teintée parfois d’autodérision. Aussi peu soucieux de son image que d’analyse savante, il livre aussi le fil rouge qui a guidé ses pas avec constance : un attachement instinctif à sa liberté d’homme et de créateur, ayant préféré en connaissance de cause "la dictature du spectateur" à celle du bureaucrate.
ARTE LE DIMANCHE 10 MAI A 22 H 45