Dernière minute, samedi 30 mai, 21H. Depuis la mise en ligne de cet article, nous apprenons : affrontements massifs à Brooklyn (New York) ; le ministère de la Défense annonce le recours à l’armée sur le territoire US ; un manifestant tué par balle, tirée d’un véhicule civil, à Detroit ; les Amish (communauté protestante pacifiste) sont sortis manifester contre Trump ; après les rassemblements à Washington, Trump appelle les « services secrets » (?) à entrer en action et à la tenue, pour le protéger contre ceux qui selon lui veulent le renverser, à une « MAGA NIGHT » (c’est pas de l’anglo-américain, c’est du Trump : MAGA = Make America Great Again) devant la Maison blanche, autrement dit à un rassemblement – armé ?- de ses partisans.
La présidence des Etats-Unis appelle à la lutte extra-parlementaire et à l’action directe dans la rue, car celle-ci a été spontanément engagée contre elle par des centaines de milliers de jeunes dans tout le pays. Que nos camarades américains sachent que nous sommes avec eux !
Il se passe quelque chose d’important aux États-Unis. Il faut, pour comprendre les choses, se garder des représentations routinières et situer les évènements dans leur enchaînement.
L’irruption de la pandémie et de la crise aux États-Unis a vu, peu médiatisée, la plus grande vague de grèves sur le tas, pour la sécurité sanitaire, depuis très longtemps.
Au même moment se produisait le retrait de Bernie Sanders de la présidentielle, l’appareil démocrate appuyé par les dirigeants de l’AFL-CIO et des organisations communautaires afro-américaines étant parvenu à imposer la candidature du catastrophique Joe Biden.
La plus grande explosion du chômage de masse depuis 1929 – de 20 à 30 millions d’habitants des États-Unis ont perdu leur emploi en 5 semaines – s’est produite alors que la perspective d’un changement politique dans le cadre de la constitution américaine et donc des présidentielles, s’effaçait. Reste, en débat, la perspective de faire des présidentielles un référendum pour chasser Trump – ce qui fait naturellement et fortement débat. Mais ce débat ne doit surtout pas se déconnecter de l’effondrement social en cours et de l’intensification évidente de la lutte des classes sous toutes ses formes.
Les « droits de retrait » comme chez Amazon à Chicago furent en somme le premier acte inaugural de la nouvelle période.
Le deuxième acte a vu les tea party, suprémacistes blancs et autres minute men, sortir dans les rues des États de l’intérieur, menacer des capitoles et aussi des hôpitaux, à l’appel et avec le soutien du président Trump, et arborant leurs gros flingues. Au nom des « libertés », la petite-bourgeoisie se voulant blanche est à son tour sortie au grand jour, beaucoup plus armée, beaucoup plus médiatisée, comme en une parade. Une parade pour dire : si Trump est dégagé, nous sortirons. Une parade aussi pour répondre aux grévistes et à l’exigence d’auto-défense sociale, de Medicare for all (l’accès à la santé pour tous) et de blocage des loyers (un thème récemment porté par Alexandria Ocasio Cortez).
Le troisième acte a éclaté cette semaine. L’odieux assassinat de Georges Floyd par une bande armée policière n’est pas le premier, ni le premier filmé. Mais South Minneapolis a explosé. La vieille cité ouvrière, bastion de la grande grève des teamsters d’il y a 86 ans, a vu toute la jeunesse se soulever dans ses quartiers prolétariens et pauvres. Soulèvement des noirs afro-américains avec, à leurs côtés, les filles et les garçons de toutes couleurs, donc les «blancs», hurlant Black lives matter, I can’t breath– le cri de Georges Floyd, « j’étouffe », repris par des milliers de poitrines à la face des assassins en uniformes, qui signifie que « nous étouffons, tous, et nous allons respirer en vous affrontant ».
Et l’affrontement a commencé. Provoqué d’ailleurs, par les tirs policiers, et l’arrestation des journalistes de CNN en direct, suivi de l’embarquement des seuls noirs parmi eux. Des commissariats, des bâtiments adjacents, ont flambé, comme lors des printemps arabes, et les domiciles de certains des assassins ont été menacés. Dans ces circonstances, il faut être clair.
Les commentaires vont bien sur bon train sur le thème « les violences font le jeu de Trump », mais Trump n’a pas attendu pour appeler les suprémacistes à sortir armés dans la rue, et Trump veut envoyer l’armée à Minneapolis, pensant à jouer la carte de la guerre civile avant le scrutin de cet automne. Trump a appelé à tirer (message retiré par Twitter). 500 soldats de la garde nationale sont à Minneapolis : l’intervention précédente ici visait les teamsters, qui l’avaient affrontée. A Minneapolis, mais aussi à Louisville, Kentucky, où Breonna Taylor, une jeune femme noire, a été tuée par la police dans son sommeil à son domicile lors d’une perquisition inopinée. Et dans tout le pays, la jeunesse sort dans la rue, en masse, de Chicago à New York alors que l’épidémie galope.
Il faut donc être clairs : la place des militants ouvriers est avec ces jeunes, et jusqu’au bout. D’ailleurs, les travailleurs sont eux aussi bien visibles sur les images des manifestations. Certains de ces jeunes pillent ? Que leur énergie soit orientée vers l’affrontement avec leurs vrais ennemis et ils seront les francs-tireurs de notre classe, les soldats de la démocratie, contre Trump et son monde !
Deux faits ont une importance particulière. Les chauffeurs de bus de Minneapolis, requis pour transporter des manifestants raflés, ont débrayé en masse et rejoint les manifestations. Leur syndicat, le local union ATU 1005, les a suivis. A New York, même mouvement hier, parti de Brooklyn, suivi par TWU local 100, et au niveau national l’Amalgamated Transit Union (ATU) appelle les travailleurs des transports à refuser toute coopération avec la police. Autre fait : à Minneapolis, les suprémacistes et miliciens blancs ont commencé à former des groupes armés pour « protéger les magasins » des pillages, mais les gangs des quartiers noirs auraient appelé leur affiliés à se placer, équipés, en tête des manifestations exigeant l’arrestation et le châtiment des flics assassins.
Ce sont là des éléments de guerre civile et de montée à l’affrontement social, des deux côtés. Du côté de la réaction, de Trump, l’affrontement sera racial. Du coté du prolétariat et de la jeunesse, il sera social et antiraciste, la jeunesse noire étant au coude à coude avec les lycéens et les jeunes travailleurs « blancs », ce qui est une donnée très importante de la situation présente, résultat de l’expérience des années Black lives matter et des années Sanders. Que l’affrontement avec Trump et son monde passe ou non par l’élection, il s’agit d’affrontement, il s’agit d’organisation pour le combat. Les gangs de rue sont, sur ce plan (mais pas sur tous les plans certes …), en avance sur bien des groupes politiques. Qu’ils se rapprochent !
Et nous disons à nos camarades américains : durcissez vos perspectives ! Nous pouvons sans doute percevoir ceci parce que nous sommes au pays des nombreuses constitutions alors que vous n’en avez qu’une, « LA » constitution » (celle de 1776), que nous avons eu la lutte contre Brumaire, contre le 2 décembre, contre Thiers, le 6 février 34, juin 40, le 13 mai 58 et le régime de la V° République dans nos récits formateurs. Amis et camarades, mettez l’affrontement à la base de vos discussions sur les présidentielles, et pas l’inverse !
30-05-2020.
SOURCE / APLUTSOC.ORG