Glissements vers un Etat policier
Etat des lieux du confinement: le glissement vers un Etat policier
Un mois après la fin du confinement, il est temps de faire l’état des lieux des mesures mises en place pendant cette période. La restriction de certains droits et libertés, le déploiement des forces de police, le recours à la surveillance de masse, le renforcement de l’exécutif et l’affaiblissement des contre-pouvoirs sont symptomatiques d’un glissement d’un État de droits vers un État policier.

Il ne s’agit pas de minimiser les risques sanitaires et les dangers que représentent le virus. Seulement, le déclenchement de l’état d’urgence sanitaire est un cadre légal inédit qui, n’étant pas précis, crée une zone grise qui laisse place à plus d’arbitraire, de discriminations et de recours disproportionné à la force.  Ces violences sont particulièrement constatées dans les territoires marginalisés communément appelés « banlieues » ou « quartiers populaires » et visent plus généralement les personnes racisées, les plus précaires et les personnes en exil.

UN RENFORCEMENT SÉCURITAIRE DISPROPORTIONNÉ

Depuis le déclenchement de l'état d’urgence sanitaire début mars, le dispositif sécuritaire a été renforcé sur l’ensemble du territoire national. Aucune mesure répressive et sécuritaire ne s’impose de façon naturelle aux dirigeant.e.s. L’invasion policière de l’espace public est le résultat d’un choix politique assumé. La France a mis en place l’un des confinements les plus répressifs d’Europe. En avril, plus de 100 000 policier.e.s ont été mobilisé.e.s pour faire appliquer les directives gouvernementales de surveillance et de contrôle de l'Etat.  

Ce dispositif se déploie par un renforcement des moyens matériels et une augmentation des formes de surveillance par des technologies orwelliennes : le renforcement des procédures d’authentification, l’utilisation de drones, d’hélicoptères à caméras infrarouges et d’avions de surveillance pour faciliter les verbalisations, l'extension des fichages, de la vidéosurveillance et des reconnaissances faciales.  Dès le 3 mars 2020, le gouvernement a lancé des appels d’offre de 3,6 millions d’euros pour l'acquisition massive d'aérosols lacrymogènes, et le 12 avril de 4 millions d’euros pour une commande de 650 drones. Or, en 2018, Macron déclarait déjà à une soignante au CHU de Rouen qu’il n’existe pas « d’argent magique » pour le système de santé. Ainsi, alors que le personnel hospitalier est sous-payé et l’hôpital public manque de moyens financiers pour faire face à la crise sanitaire actuelle, le budget de l’Etat est utilisé pour multiplier les technologies de répression et surveillance.

Ce dispositif de surveillance et de contrôle est aussi permis par un arsenal juridique. Sous couvert d'exceptionnalité, le gouvernement impose une politique disciplinaire, punitive et discrétionnaire. Le montant des amendes pour le non-respect du confinement a rapidement augmenté, culminant à 1500 euros. Au total, pendant la période du confinement, la police a procédé à plus de 20 millions de contrôles d’attestations et distribué plus de 1,1 million de contraventions.
De plus, les catégories de personnes habilitées pour faire ces contrôles et verbalisations ont été étendues des policier.e.s et gendarmes aux adjoint.e.s de sécurité, agent.e.s de sécurité dans les transports, et autres. Ceci participe à l’évolution vers une société de contrôle généralisé. 

Une peine de six mois d’emprisonnement a aussi été mise en place par la loi du 23 mai 2020 pour punir la violation réitérée du confinement.  Les personnes qui oublient leur attestation de sortie ou commettent d’autres enfreintes au confinement sont donc transformées en des “délinquant.e.s” aux yeux de cette loi. 570 personnes ont été poursuivies judiciairement pour violation réitérée du confinement. Plusieurs d’entre elles ont été condamnées à de la prison ferme. C’est le cas notamment d’un Toulousain de 18 ans avec un casier judiciaire vierge, condamné à trois mois de prison ferme, ou d’une Audoise condamnée à six mois ferme.  De nombreux avocats contestent la légalité de ce délit et le considèrent anticonstitutionnel.

L’ETAT D’URGENCE SANITAIRE COMME LÉGITIMATION D’ATTEINTES AUX DROITS ET LIBERTÉS

  • Un recours à l’état d’urgence contestable

Le recours à l’état d’urgence n’allait pas de soi. Le choix de cette forme juridique de réponse à la crise est une décision politique.

Premièrement, notre droit commun disposait déjà de moyens suffisants afin de répondre à cette crise sans avoir recours à un régime dérogatoire d’exception.  Le Code de la santé publique prévoit que le Conseil d’Etat peut passer des décrets pour fixer des règles générales d’hygiène et protéger la santé publique. De plus, en cas de « menace sanitaire grave » ,  le ministre de la santé peut prendre des « mesures d’urgence ». C’est par ce biais que les rassemblements ont été interdits, les écoles et commerces ont été fermés et que les pharmacies ont été obligées de distribuer des masques gratuitement au personnel soignant. Le gouvernement a aussi créé un comité ad hoc de scientifiques alors qu’il existe déjà un Haut Conseil de la Santé Publique. Selon Dominique Rousseau, professeur de droit public, on assiste à la création d’un Etat parallèle à l’Etat institutionnel pourtant adapté.

Deuxièmement, la déclaration de l'état d'urgence a été prise hors du droit. En effet, l’outil de l’état d’urgence est un régime juridique d’état d’exception établi en 1955 pour lutter contre des « événements présentant, par leur nature et leur gravité, le caractère de calamité publique ». Ce qui pourrait inclure les pandémies. Or, le gouvernement ne s’est pas basé sur ce texte de loi mais a préféré créer un nouvel état d’exception ad hoc : l’état d’urgence sanitaire.  Or, selon Alexis Lecatelier, doctorant en droit public, « l’intérêt d’un état d’exception réside dans [l]a prévisibilité des mesures qu’il permet. Or, si les acteurs politiques peuvent construire un état d’exception devant chaque situation exceptionnelle à laquelle ils sont confrontés, ils deviennent les architectes de leur propre compétence, déterminant eux-mêmes les règles auxquelles ils prétendent se soumettre ».

Sur les 31 ordonnances adoptées par le gouvernement, aucune ne concerne directement la situation sanitaire.  L’état d’urgence n’a donc pas été mis en place pour protéger la santé des citoyen.ne.s. L’impératif supérieur de la santé permet d’opposer santé et liberté et ainsi d’éclipser nos droits fondamentaux

  • La légitimation de la restriction des droits et libertés

La loi du 23 mars 2020 créée un régime plus restrictif encore des libertés que celui la loi d’urgence adoptée en novembre 2015 pour lutter contre le terrorisme.  Avec la décision de confinement généralisé, de nombreuses libertés sont automatiquement limitées : liberté de circulation, de réunion, de travail, du commerce, d’expression, et l’exercice collectif de la liberté religieuse. Le nouveau cadre légal n’étant pas précis, il laisse automatiquement place à plus d’arbitraire et de discriminations. Plusieurs préfet.e.s et maire.sse.s zélé.e.s ont pris des mesures locales injustifiées qui aggravent les mesures générales : arrêtés anti bruit, mise en place de couvres feux, limitation des déplacements à 10m, interdiction de s’asseoir plus de cinq minutes sur un banc… 

L'état d’urgence permet une concentration du pouvoir entre les mains de l’exécutif, qui peut désormais restreindre seul les droits et libertés des personnes ; un fonctionnement que la République n’a jamais connu en temps de paix. En effet, tous les systèmes de contrepouvoirs sont mis en sommeil : le parlement, le Conseil constitutionnel, les instances judiciaires de recours... L’urgence légitimise ainsi une attaque envers la démocratie par le bafouement de la séparation des pouvoirs, et la violation du principe du procès équitable en l’absence d’un mécanisme de recours efficace.

  • Le risque d’un état d’exception permanent

Malgré son instauration en période exceptionnelle, l'état d’urgence risque de ne pas être une parenthèse.

Premièrement, l’épidémie va durer un certain temps. L’élaboration d’un vaccin devrait prendre 12 à 18 mois au minimum. De plus, certains chercheur.se.s estiment que la distanciation sociale devra en tout état de cause être respectée jusqu’en 2022 en attendant que le vaccin soit accessible à toustes. L’état d’urgence sanitaire devrait donc logiquement être prolongé.

Deuxièmement, similairement à l'état d’urgence terroriste, l’état d’urgence sanitaire risque d’être rendu pérenne. Mis en place en 2015, l’état d’urgence pour la lutte contre le terrorisme a été renouvelé six fois jusqu'en 2017, avant d’être devenu durable par son entrée dans le droit commun. Ainsi, de nombreux instruments légaux instaurés à l’origine uniquement dans le cadre de cette lutte contre le terrorisme ont par la suite justifié légalement une sévère répression de mouvements sociaux : gilets jaunes, militant.e.s écologistes, grévistes contre la réforme des retraites… Similairement, la loi de 2020 d’urgence sanitaire a déjà permis d’interdire des manifestations contre les violences policières (le Conseil d’Etat a depuis rétablit le droit de manifester). Elle a aussi permis d’adopter par ordonnance des mesures dérogatoires aux dispositions du Code du travail en matière de durée de travail, congés payés, heures supplémentaires.

Les régimes d’exception permettent de proposer des solutions inédites jugées inacceptables en temps normal car dérogatoires ou touchant à des droits existants. Elles banalisent les atteintes aux droits et libertés. Or ces solutions risquent d’être pérennisées même après la fin de l’Etat d’urgence. 

Le mercredi 10 juin, le gouvernement a déclaré vouloir sortir de l’état d’urgence le 10 juillet. Cependant, selon ce projet de loi, les mesures principales et les plus attentatoires aux libertés seraient-elles prolongées jusqu’au 10 novembre : les interdictions de rassemblement sur la voie publique, les restrictions de déplacements et circulation, et les sanctions mises en place pour contrôler ces restrictions (dont la peine de 6 mois de prison ferme).  

Médiapart parle alors de sortie en trompe-l’œil de l’état d’urgence. Stéphanie Hennette-Vauchez, professeure de droit public dénonce une « sorte de zone grise dans laquelle on ne sait pas vraiment si on est dans ou en dehors de l’état d’urgence ». 

DES VIOLENCES POLICIÈRES SYSTÉMIQUES ET DISCRIMINATOIRES DURANT LE CONFINEMENT

Instrumentaliser la peur en assimilant le contexte de pandémie à une guerre légitimise le recours à la violence par la police. Pendant les deux mois de confinement 12 personnes sont mortes entre les mains de policier.e.s. C’est bien plus que la moyenne de 25 morts par an.

Face à cette montée de violences, certains groupes de populations sont plus vulnérables que d’autres. Les violences policières s'inscrivent dans le racisme d’Etat. Elles ciblent donc tout particulièrement les personnes non blanches, précarisées et en exil.

  • Le cadre préexistant : un racisme policier institutionnel

Frédéric Veaux, le directeur général de la police nationale, est catégorique : « la Police en France n’est pas raciste ».  Le préfet de police de Paris, Didier Lallement l’est tout autant : « Il n’y a pas […] d’oppresseurs racistes ». Pourtant, le témoignage d’Ilham Maad, ancien membre d’une unité de police d’escorte à Rouen, pour Arte Radio prouve le contraire. Une dizaine de ses collègues qui s’auto-qualifient de « fascistes » ou « gros fachos » partagent des audios racistes sur un groupe WhatsApp. Cette conversation WhatsApp était aussi utilisée pour partager le contenu du site Démocratie Participative, créée par le néonazi français Boris Le Lay. Leurs échanges sont profondément ancrés dans l’idéologie du suprématisme blanc :

« Ce pays mérite une guerre civile raciale bien sale. Il faut qu’ils crèvent ces chiens. »

 « La purge chez les blancs elle se fera toute seule […]. Ils font partie des faibles. »

 « Là où nous, les nationalistes racialistes, on doit être assez malins, c’est laisser le combat intersectionnel les obliger à s’exterminer entre eux. Ils vont déjà se séparer entre pro-arabes et pro-juifs, se bouffer la gueule […]. Quand les féministes, les LGBT, les juifs, les bougnoules, les nègres qui sont pas musulmans vont commencer à se bouffer la gueule entre eux, tu manges ton pop-corn, tu regardes la télé, tu aiguises tes armes et quand ils se sont bien affaiblis tu achèves les bêtes. »

Beaucoup allégueront que cette unité est un cas isolé. Pourtant sur, TN Rabiot Police Officiel, et FDO 22 Unis, deux groupes privés Facebook réservés aux forces de l’ordre, ce sont des milliers de policiers (respectivement 8.000 et 9.000 membres) qui s’échangent ce type de messages racistes, et appellent aux meurtres.

Un autre policier de la brigade anticriminalité en Seine Saint-Denis témoigne : « D’après moi, 80 % des policiers sont racistes. Certains de mes collègues le disent clairement : « Moi, j’aime pas les Rebeus. » Ils appellent toujours les jeunes de cité les « bâtards » ou les « cafards » ». Aux élections présidentielles de 2017, selon un sondage IFOP, 51% des gendarmes votaient pour le Front National.

Depuis plusieurs années déjà, la Fédération Internationale des Droits de l’Homme considère qu’il « n’est plus possible de nier qu’un racisme au quotidien existe bel et bien […] supporté par la passivité, sinon la complicité, des supérieurs hiérarchiques ».
Certains cas individuels de racisme policier sont condamnés publiquement, mais ceux-ci sont uniquement présentés comme des cas déviants. Ils ne sont jamais compris comme un problème structurel, institutionnel. Or, afin de mettre des mesures concrètes en place pour combattre efficacement le racisme au sein de la police, il faut le nommer et l’aborder largement. Il faut l’utiliser comme un cadre de compréhension et d’analyse des violences. Ainsi, le Défenseur des Droits plaide pour une analyse systémique de ces violences discriminatoires.  Le sociologue Fabien Jobard, explique qu’il « s’agit de dire que le racisme est détachable des individus pour être le fait d’une institution ou d’un système. Ici, le racisme est le produit d’un cumul de processus, notamment historiques, avec une histoire de la police fortement marquée par la guerre d’Algérie et la chasse aux travailleurs d’Afrique du Nord, et d’une organisation économique et sociale, qui veut que la jeunesse masculine sans diplôme, occupant l’espace public, est principalement formée de descendants de l’immigration post-coloniale ».

Ce harcèlement policier préexistant à l’égard des personnes racisées n’ayant pas été compris comme un problème au sein de la police, il s’est intensifié avec l’état d’urgence sanitaire et le confinement en raison de l’augmentation des contrôles policiers, de la désertion des rues (et donc l’absence de témoins) et de la large marge de manœuvre laissée aux forces de l’ordre.

Le 8 avril, Mohamed Gabsi, 33 ans, père de trois enfants, est tué par la police municipale lors d’un contrôle de police. Il est contrôlé pour non-respect du confinement et du couvre-feu de 21h institué par la commune de Béziers et son maire d’extrême droite Robert Ménard. Les policier.e.s l’interpellent, le menottent, le plaquent au sol ou trois ou quatre d’entre elleux le maintiennent pendant près de 9 minutes. Il est ensuite transporté au commissariat à une centaine de mètres. Toujours menotté à l’arrière de la voiture où il a été placé sur le ventre, un policier s’assoit sur lui. A son arrivée au commissariat, il est inconscient. Il meurt quelques minutes plus tard, ne pouvant pas être réanimé. Le rapport d’autopsie invoque l’asphyxie provoquée par un « appui maintenu » d’une « force certaine » comme cause de mort.

  • Les violences envers les territoires marginalisés

Les zones les plus touchées aujourd’hui en temps de pandémie restent celles où la main mise sécuritaire est habituellement la plus forte : les territoires urbains, pauvres, racisés, et considérés “à problème”. Notamment, une surmortalité très élevée est constatée en Seine Saint Denis, le département français avec le plus haut taux de pauvreté de France, et avec la proportion la plus élevée d’immigrés de France métropolitaine (29%) avec des populations en provenance du Maghreb, d’Afrique Subsaharienne, de Roumanie, d’Asie, d’Haïti…

Les contrôles de police sont beaucoup plus fréquents dans ces territoires qu’ailleurs. Ils s’inscrivent dans une politique historiquement raciste appliquée aux habitant.e.s comme nous le rappellent les cas emblématiques de Zyed et Bouna à Clichy-sous-Bois en 2005 et plus récemment Théo à Aulnay-sous-Bois et Adama Traoré dans le quartier Boyenval à Beaumont-sur-Oise. Cette politique n’a fait que s’accentuer en période de confinement avec les mesures de contrôle et surveillance accrues mises en place.  
Ainsi, pendant la période du confinement, les habitant.e.s de Seine Saint-Denis (93) ont été trois fois plus contrôlé.e.s que dans le reste de la France. Human Rights Watch dénonce des verbalisations abusives et « révélatrices de pratiques discriminatoires déjà préexistantes ». Pourtant, le secrétaire d’Etat auprès du Ministère de l’intérieur, Laurent Nunez nie toute « stigmatisation des populations concernées ».  

La police a aussi gravement blessé de nombreuses habitant.e.s de ces territoires ainsi que tenu des propos racistes, comme :  

  • Le 19 mars à Torcy : Chems, 19 ans est plaqué au sol et étranglé lors d’un contrôle d’attestation. Un policier lui dit de « rentrer dans [s]on pays»
  • Le 19 mars à Aubervilliers : Ramatoulaye, 19 ans est frappée, insultée et tasée lors d’un contrôle par huit policier.e.s qui décident que son attestation manuscrite ne suffit pas, et lui assènent : « Tu ne sais même pas parler français, ferme ta gueule»
  • Le 23 mars aux Ulis : Yassin est roué de coups de pieds et crosse de flashball au visage, et se fait taper la tête contre le mur, par 4 policier.e.s alors qu’il sort de son immeuble pour acheter du pain 
  • Le 24 mars aux Ulis : Sofiane est frappé à coups de matraque par des agent.e.s de la BAC pour avoir oublié son attestation, alors qu’il se rendait au travail. Un agent lui aurait touché les parties intimes en disant : « Tu aimes ça, salope ». Il est ensuite menacé : « On va te ramener dans la forêt et on va te brûler »
  • Le 4 avril aux Lilas puis à Montreuil : Mohamed, 22 ans, subit deux contrôles de la part des mêmes agent.e.s à quelques minutes d’intervalle. Alors qu’il est en règle, il est frappé et tasé.
  • Le 25 avril à l’Ile-Saint-Denis : des policier.e.s sont filmé.e.s en train d’arrêter Samir, un homme Égyptien qui essaie de leur échapper en sautant dans l’eau. Un policier déclare : « Un bicot ça nage pas, ça coule. Tu aurais dû lui accrocher un boulet au pied ». Samir a depuis reçu une obligation de quitter le territoire.
  • Le 1er mai à Toulouse, dans le quartier de la Reynerie : Fefe et Zack, deux adolescents sont frappés par six policier.e.s. Fefe est traité de « sale arabe» et menacé de mort. Zack a le nez cassé. 

A Nice, un arrêté municipal a instauré un couvre-feu différencié plus strict pour neuf quartiers dits populaires. Le couvre-feu y débutait à 20h, soit 2h plus tôt que dans le reste de la ville. La Ligue des Droits de l’Homme considère que cette mesure « stigmatise les populations des quartiers populaires ainsi collectivement punies […]. Avec cette stigmatisation indirecte, on est dans le symbole, dans l’acte politique. Indirectement, ça peut suggérer que les habitants de ces quartiers sont responsables de l’expansion du coronavirus ».
En effet, les quartiers dits populaires ont été publiquement désignés comme les responsables du rallongement du délai de fin de confinement. Selon Yves Lefebvre, secrétaire général du syndicat Unité SGP Police FO, la police aurait eu besoin de l’armée pour faire respecter le confinement dans les « quartiers difficiles » car « les fauteurs de trouble n’en ont rien à faire du confinement. C'est la loi de la jungle ».  Toujours sur le groupe Facebook de policiers TN Rabiot Police Officiel précité, les habitant.e.s de ces ‘banlieues’ sont traités d’ « animaux » ou de « sauvageons ». Ces mots révèlent un mépris et un racisme assumés, renvoyant à l’univers animalisant à forte connotation coloniale et orientaliste. Un commandant de police à la retraite écrit aussi sur ce groupe : « Faisons le “siège” (comme à l’époque féodale) de ces quartiers. Plus personne ne rentre ou n’en sort. Verrouillage absolu des voies d’accès (barrage – herse – chicane – couvre-feu). On les laisse mariner dans leur jus… À l’issue, dans 3 ou 4 semaines, la sélection naturelle aura fait son choix. »

Or, ce sont justement ces territoires marginalisés et discriminés où il est plus difficile de respecter le confinement. Avec un habitat souvent dégradé, insalubre, vétuste et surpeuplé, ces territoires offrent de moins bonnes conditions de logement. De plus, leurs habitant.e.s font partie des travailleur.se.s qui ne sont pas éligibles au télétravail (livreurs, aides soignant.es. infimier.e.s, personnel de ménage et gardiennage, caissier.e.s, ouvrier.e.s…).

  • Les violences envers les personnes en exil

Les personnes exilées ont été en première ligne des violences causées par le déploiement massif de la police durant le confinement.

Les violences sont physiques, car demandeur.se.s d’asile, réfugié.e.s et personnes sans-papiers sont plus propices à être contrôlé.e.s régulièrement et verbalisé.e.s par la police. Durant le confinement, beaucoup évitaient de remplir leur attestation, par crainte d’un contrôle d’identité.  Iels deviennent alors la cible de contrôles violents pouvant entraîner des blessures graves, voire la mort. C’est le cas de Medhi, travailleur sans papiers, tabassé par la police lors d’un contrôle à Barbès, puis placé en centre de rétention ; de cet homme sans papiers Tunisien à Limoges qui reçoit un tir de LBD avant d’être roué de coups de pieds dans le dos et d’un coup de poing au visage ; de Jamshed, réfugié afghan contrôlé à Marseille par des CRS et retrouvé blessé à 30 km de la ville dans un terrain vague ; ou de Zar Muhammad, demandeur d’asile afghan avec un trouble psychologique, tué par balle à la Courneuve le 15 avril 2020.

Aux violences physiques s’ajoutent la destruction de l’habitat des personnes en exil par la police, qui se livre à un saccage de leurs logements et les soumet à des déplacements forcés. Durant le confinement, la police a lacéré les tentes et démantelé des camps informels en Seine-Saint-Denis, à Calais et à Paris. Les personnes délogées ne se voient proposer aucune solution de mise à l’abri qui leur permette de limiter les risques de contamination et de vivre dans des conditions dignes.                                                             

Ces violences sont enfin psychologiques. Selon le co-fondateur d’Utopia 56 « l’intimidation et le harcèlement continuent sur le terrain, la trêve du Covid-19 n’existe pas pour ces populations. » Les personnes exilées vivent dans la peur d’un contrôle d’identité, avec une présence policière renforcée avec le confinement. Ces contrôles peuvent déboucher sur un placement en centre de rétention administrative, véritables prisons pour sans-papiers qui favorisent la propagation du virus, et une obligation de quitter le territoire.  Selon un membre des Gilets Noirs, pendant le confinement, des policier.e.s se sont placé.e.s devant des foyers de travailleur.se.s migrant.e.s pour attendre la sortie des résident.e.s afin de contrôler leur attestation et surtout leurs papiers. Par crainte de ce contrôle, des personnes ont donc fait plus de deux semaines enfermées dans leur chambre d’environ 14m² pour quatre à dix personnes.

Durant le confinement, le travail d’associations humanitaires venant en aide aux personnes en exil a été empêché. A Calais, il était interdit de distribuer de la nourriture en centre-ville et un couvre-feu humanitaire a été mis en place pour empêcher toute distribution après 20h30. Des bénévoles de l’Auberge des Migrants ou encore de l’association Utopia 56 ont reçu une vingtaine de verbalisations pour non-respect du confinement. Pourtant, les déplacements pour aide aux plus démuni.e.s étaient autorisés.

 

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