1er octobre 2020
Erreur d’analyse. C’est l’explication avancée par EDF pour avoir déversé plusieurs jours durant en septembre 2020 des centaines de mètres cubes d’effluents radioactifs dans la Loire.
La centrale nucléaire de Chinon (Centre-Val de Loire) a déclaré fin septembre 2020 un évènement significatif pour l’environnement. Dans un communiqué lissé et peu détaillé, elle explique qu’en raison d’une erreur d’analyse, un réservoir d’effluents liquides radioactifs a été déversé dans la Loire alors qu’il n’aurait pas dû.
Comme tous les industriels, les installations nucléaires d’EDF ont obtenu du gouvernement le droit de rejeter régulièrement des substances polluantes (chimiquement et radiologiquement) dans l’air et dans l’eau. Ces rejets sont donc légaux, pour peu qu’ils respectent certaines conditions. Le but est de jouer sur la dilution des matières radioactives dans l’environnement, ce qui permet de réduire leur concentration. Encore faut-il que ce que rejette EDF respecte les limites fixées et que les débits des fleuves soient suffisant quand les rejets se font dans l’eau. Pour cela, des analyses sont faites avant les rejets, afin de déterminer le niveau de radioactivité des effluents dont EDF veut se débarrasser - les capacités de stockage étant limitées, ces rejets d’effluents représentent un enjeu industriel important pour l’exploitant nucléaire.
Le 19 septembre 2020, EDF ouvre les vannes et déverse ses effluents liquides dans la Loire. Trois jours plus tard, le 22 septembre, des mesures dans l’eau en aval de la centrale révèlent une radioactivité anormale, bien supérieure à ce qu’elle est habituellement (la dilution n’efface pas la présence de substances radioactives dans l’eau). Si le communiqué d’EDF ne livre aucune notion quantitative sur les rejets (le volume total rejeté dans la nature, le type de radionucléides déversées et le niveau de radioactivité mesuré), une réunion de la Commission locale d’information (CLI) le 6 octobre a permis d’obtenir quelques éléments chiffrés permettant de mieux se figurer l’ampleur de l’incident causé par cette "erreur d’analyse" d’EDF : 600 mètres cubes d’effluents liquides radioactifs déversés en 48h, à un débit ayant une (radio)activité de 60 Bq/l/h au lieu de 20 Bq/l/h (soit trois fois supérieur à la "normale") et des mesures dans l’eau de la Loire relevant des concentrations de 140 Bq/l au lieu des 20 à 50 Bq/l attendus et habituels pendant de tels rejets. La limite réglementaire est justement de 140 Bq/l, ce qui permet à EDF de dire - très clairement - dans son communiqué que l’activité calculée dans l’eau de la Loire est conforme aux limites réglementaires. Des limites réglementaires qui pourraient être remises en question, au vu de la dégradation environnementale globale.
Le Collectif Chinonais Environnement, qui siège à la CLI, et l’Association pour le contrôle de la radioactivité dans l’Ouest (ACRO), qui réalise des prélèvements et des analyses indépendants, alertent d’ailleurs depuis des mois sur la présence de tritium dans la Loire et dans l’eau potable, puisée à Saumur, en aval de la centrale de Chinon. Les prélèvements réalisés par l’Acro remettent en question les méthodes utilisées par les autorités pour surveiller l’impact des rejets dans l’environnement. L’ASN et l’IRSN doivent d’ailleurs entamer des mesures quotidiennes des niveaux de tritium à partir de novembre, afin d’approfondir leurs modélisations concernant le rejet de cet élément radioactif dans les eaux fluviales nous dit la Nouvelle République dans un article du 14 octobre signé Baptiste Decharme (voir ci-dessous).
Quoiqu’il en soit, même en respectant la limite autorisée, il y a bien eu rejets de substances trop radioactives dans un cours d’eau. Et l’erreur d’EDF n’a été découverte qu’après coup, une fois que les rejets terminés. Ce nouvel incident démontre un nouvelle fois que c’est l’environnement, et avec lui tous ses habitants, qui paie directement les conséquences du fonctionnement de l’industrie atomique et qui encaisse régulièrement les surcoûts dus aux erreurs de l’exploitant.
Déclaration d’un Evènement Significatif Environnement suite à une analyse erronée d’un réservoir de collecte d’effluents liquides
Publié le 01/10/2020
Le 25 septembre 2020, la centrale nucléaire de production d’électricité de Chinon a déclaré, auprès de l’Autorité de Sûreté Nucléaire, un évènement significatif environnement suite à la détection d’une anomalie du processus de surveillance des rejets en Loire. Dans le cadre du fonctionnement de l’installation, le contenu d’un réservoir de collecte d’effluents liquides a été mis au rejet du 19 au 21 septembre 2020. Conformément aux procédures d’exploitation et aux exigences de l’arrêté de rejet du site, un prélèvement dans ce réservoir a été réalisé pour analyse de son contenu avant rejet, afin d’en calculer les conditions du rejet ce celui-ci.
Le 22 septembre 2020, à l’occasion de la surveillance réglementaire de l’environnement, malgré une activité calculée conforme aux limites réglementaires, une activité atypique a été mesurée en Loire, en aval du site. Après investigations, une erreur d’analyse du réservoir de collecte d’effluents liquides a été détectée, ce qui a occasionné une sous-estimation de l’activité contenue dans le réservoir, entraînant une détermination inexacte des conditions de rejet de celui-ci.
Centrale de Chinon : une anomalie à l’origine du rejet important d’effluents radioactifs
Publié le 14/10/2020
la Nouvelle République.fr, par Baptiste Decharme
Un lâcher trop important de liquides radioactifs a été détecté, pendant 48 heures, à la centrale nucléaire de Chinon. Les seuils sanitaires n’ont cependant pas été dépassés.
Le Centre nucléaire de production d’électricité (CNPE) de Chinon a révélé, le 1er octobre, qu’une anomalie dans le rejet de liquides radioactifs dans la Loire avait eu lieu du 19 au 21 septembre. Celle-ci n’a pas entraîné de conséquences sur la santé des employés ou des habitants, assure le CNPE.
Une « erreur d’analyse »
Pendant 48 heures, le contenu de cuves d’effluents radioactifs, c’est-à-dire des eaux radioactives contenant notamment du tritium (un isotope de l’hydrogène), ont été reversées dans la Loire à un débit supérieur à ce qu’il aurait dû être pour respecter la réglementation. Après investigation au sein de la centrale, « une erreur d’analyse du réservoir de collecte d’effluents liquides a été détectée, indique une publication sur le site d’EDF, ce qui a occasionné une sous-estimation de l’activité contenue dans le réservoir ». Sollicité, le CNPE n’apporte pas plus de commentaires.
Selon Michel Fiszbin, membre du Collectif Chinonais Environnement et à ce titre, membre de la Commission locale d’information (CLI, qui réunit différents acteurs institutionnels ou non autour de l’activité de la centrale nucléaire), l’activité des eaux rejetées dans la Loire a atteint 60 béquerels par litre et par heure, contre 20 attendus. Mesuré grâce aux moyens de contrôle de la centrale dans la Loire, le rejet a atteint 140 bq/l/h, au-delà des seuils réglementaires. Au-delà de 100 bq/l/h, les autorités déclenchent une enquête pour en déterminer les causes. 600 m3 d’effluents ont ainsi été rejetés. « Cela met en lumière que la centrale rejette continuellement ses déchets radioactifs dans la Loire », estime Michel Fiszbin.
Et si ce niveau de contamination n’est pas jugé inquiétant par les autorités (l’OMS estime que l’eau n’est plus potable à partir de 10.000 bq/l), les associations s’inquiètent d’une radioactivité sur le long terme : les eaux de la Loire sont captées en aval, dont à Saumur, pour approvisionner les réseaux d’eau potable. La présence de tritium, à des niveaux faibles, y est constamment mesurée, assure Michel Fiszbin.
A suivre
L’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) et l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) doivent entamer des mesures quotidiennes des niveaux de tritium à partir de novembre, afin d’approfondir leurs modélisations concernant le rejet de cet élément radioactif dans les eaux fluviales. L’Association pour le contrôle de la radioactivté dans l’Ouest (ACRO), qui a opéré des prélèvements à plusieurs niveaux du fleuve sur plusieurs mois, affirme que le mélange entre les eaux tritiées et les eaux classiques de la Loire n’est pas conforme aux modélisations de l’IRSN. L’IRSN et l’ASN n’ont pas répondu à nos sollicitations.
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