En Ouganda et en Tanzanie, les projets pétroliers de Total sèment le désespoir et la peur. Nous publions aujourd’hui avec Survie une nouvelle enquête incluant de nombreux témoignages qui montrent que les violations de droits humains dénoncées dès 2019 se poursuivent et se multiplient, touchant désormais environ 100 000 personnes.
Malgré les alertes répétées des associations ougandaises, tanzaniennes et internationales, Total poursuit ses mégaprojets à marche forcée.
Il s’agit d’une part du projet Tilenga – forage et de l’exploitation de plus de 400 puits dont au moins 132 dans un parc naturel protégé en Ouganda -, et d’autre part de construire l’EACOP, le plus long oléoduc chauffé au monde, qui traversera l’Ouganda et la Tanzanie.
Le déploiement de ces projets pétroliers implique des déplacements massifs de populations, dont les droits sont bafoués avant même les premiers forages. L’accaparement de leurs terres a bouleversé la vie de 100 000 personnes. Les sous-traitants de Total ont en effet pour tâche de faire déplacer les familles pour laisser la place aux puits et infrastructures des projets.
Selon les témoignages, des dizaines de milliers de personnes sont privées de leurs terres, avant même d’avoir reçu la moindre compensation. Cela fait plus de deux ans qu’elles se retrouvent donc sans aucun moyen de subsistance. Cela entraîne des situations de famine et de déscolarisation.
De nombreuses personnes dénoncent avoir subi des pressions et intimidations pour signer les formulaires de cession de leurs terres, et elles ne savent pas quand ni parfois même combien elles vont être indemnisées pour racheter de nouvelles terres et cultures.
Les intimidations et pressions visant ceux qui osent dénoncer ces violations ainsi que les impacts négatifs des projets se sont également multipliées, comme le démontrent les témoignages des leaders communautaires Fred Mwesigwa et Jealousy Mugisha. Il étaient venus en France en décembre dernier pour dénoncer la situation sur le terrain : à leur retour en Ouganda, l’un a été arrêté et l’autre a été attaqué chez lui. Les menaces continuent depuis, et ils ont dû quitter plusieurs fois leur village pour se mettre en sécurité. “Quelqu’un m’a appelé en me disant que si l’on gagne en justice en France, ils nous tueront.” témoigne Fred Mwesigwa.
Malgré des alertes au plus haut niveau, y compris de 4 Rapporteurs Spéciaux de l’ONU, les pressions continuent. Le 23 août, un groupe d’une dizaine de personnes affectées a été arrêté lors d’une réunion portant sur le projet EACOP. Les 15 et 16 septembre, trois journalistes et six défenseur·euses de l’environnement ont été arrêté·es à Hoima alors qu’ielles étaient venu·es dénoncer la destruction d’une des plus grandes réserves forestières du pays ainsi que les risques posés par le développement pétrolier dans l’ouest de l’Ouganda, dont les projets portés par Total.
En 2019 déjà, nous avions analysé les risques environnementaux des projets Tilenga et EACOP.
Pour rappel, plus de 400 puits seront forés, dont un tiers dans le parc national des Murchison Falls, ce qui va altérer de manière irréversible la plus grande aire naturelle protégée d’Ouganda. L’oléoduc quant à lui, traversera des forêts, des zones humides et des mangroves, participant à la déforestation, à la destruction de la biodiversité et des moyens de subsistance des communautés locales, ainsi qu’au réchauffement climatique.
L’écologiste américain renommé Bill Mc Kibben s’indignait récemment dans le New Yorker : « L’itinéraire proposé semble presque dessiné pour mettre en danger le plus grand nombre d’animaux possible”.
Les études d’impacts réalisées par Total sont clairement défaillantes. Les experts dénoncent : “Total fait le choix d’un modèle de développement à faible coût et à fort impact” pour les deux projets.
SOURCE / AMISDELATERRE.ORG