Bien qu’une large majorité de citoyens américains de tous bords se déclare favorable à une régulation plus stricte du financement des campagnes électorales, leur Cour suprême s’est appliquée depuis une décennie à supprimer les garde-fous en vigueur. Des scrutins locaux à la présidentielle, les dollars coulent à flots exponentiels à chaque élection, avec des conséquences délétères sur l’action publique. Par l’arrêt Citizens United de 2010, la Cour a ainsi déplafonné les contributions financières des entreprises, au nom de la sacro-sainte liberté d’expression. Plus insidieux, à travers ce que les experts appellent la "dark money" (argent occulte), de riches donateurs utilisent des organismes à but non lucratif pour déverser discrètement des millions dans les campagnes, les associations n’étant pas soumises à l’obligation de révéler l’identité de leurs bienfaiteurs. Charles et David Koch, qui ont bâti leur empire sur les énergies fossiles, seraient à l’origine du revirement d’un grand nombre d’élus républicains sur le changement climatique, la perspective d’être privé du soutien financier des deux frères ayant suffi à liquider les ambitions écologiques. Du prix faramineux des médicaments aux réformes fiscales favorisant les puissants, ce système de corruption légale fragilise les institutions, au point que le célèbre juriste Lawrence Lessig compare la démocratie américaine à "une république bananière qui permet aux plus riches d’exploiter le système".
Dérives ploutocratiques
De la Caroline du Nord à Washington, du camp démocrate aux rangs républicains, Sylvain Pak donne la parole, en cette année électorale décisive, à des candidats-collecteurs de fonds, à un millionnaire détaillant les rouages du système, à des consultants politiques, à des lanceurs d’alerte, à des citoyens en colère… Une plongée inédite dans l’arrière-boutique de la politique américaine et ses dérives ploutocratiques.