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Le mois dernier, les éditions Gallmeister ont publié le très attendu nouveau roman de Benjamin Whitmer, Les dynamiteurs.
A la toute fin du dix-huitième siècle, à Denver (Colorado), la violence et la pauvreté règnent partout, avec son lot de bagarres, saloons, bordels, et trafics en tous genres... Notamment dans un des quartiers les pires, les Bottoms, là où s'entassaient d'anciens prolétaires devenus vagabonds. C'est dans cet enfer que tentent de survivre deux jeunes orphelins d'une quinzaine d'années, Sam et Cora. Ils sont à la tête d'une petite bande ayant trouvé refuge dans une vieille usine désaffectée. Enfin, refuge, disons plutôt lieu barricadé, face à des hordes de clochards aux alentours. Cette petite communauté retranchée va alors recevoir le secours d'un étrange géant muet et défiguré, lors d'une nouvelle attaque. Ce géant nommé Goodnight se révèlera être un homme de main d'un mafieux local. Cora va le soigner, pendant que Sam, le seul sachant lire de la bande, va déchiffrer les petits mots du géant muet. Sans savoir alors que sa vie va bientôt s'en trouver bouleversée...
Roman initiatique et roman d'apprentissage, mais aussi roman noir dans une grande ville cosmopolite, ravagée par la crise économique où la corruption est le trait commun de tous les quartiers, sans oublier la prostitution et la violence endémique. Le narrateur est Sam. Un Sam qui découvre bien trop tôt ce qu'un adolescent ne doit pas découvrir. Difficile d'échapper à cette ville mortifère. Une nouvelle fois, l'auteur de Cry Father et de Pike, nous offre un roman d'une grande force sur la nature humaine, avec ce portrait émouvant d'un adolescent dans l'univers détesté des adultes, où seul surnage parfois son amour pour Cora. Plongé dans un tel chaudron, plus de place pour l’insouciance ou l'innocence, la nature humaine profonde s'altère. Un roman puissant où émerge pourtant une belle tendresse pour tous ces laissés-pour-compte. Une nouvelle réussite signée Benjamin Whitmer.
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Les dynamiteurs
Benjamin Whitmer
Traduit de l'anglais (États-Unis) par Jacques Mailhos
Éditions Gallmeister
2020 / 395 p / 24,20 euros, numérique 17 euros
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DANS LA PRESSE
Un des romanciers américains plus doués de la jeune génération.
François Busnel,
LA GRANDE LIBRAIRIE
La quintessence du noir.
PIERRE LEMAITRE
Le récit va s’achever dans le feu, le sang et les regrets éternels. Comment pourrait-il en être autrement avec l’orfèvre du roman noir? D'un livre à l’autre, Benjamin Whitmer ne déçoit jamais. L’admiration que suscitent sa virtuosité romanesque et son art du découpage, la science qu’il témoigne dans le western littéraire à travers les époques n’inhibent aucunement la tendresse qu’inspirent ses personnages.
Whitmer est un styliste d’exception et un génie du roman noir. Les Dynamiteurs vont encore plus loin : c’est son chef-d’œuvre.
Les Dynamiteurs est un livre très noir, très violent. La puissance évocatrice de certaines scènes les rend inoubliables. Une histoire d’amour déchirante, éperdue, que l’auteur observe avec une infinie tendresse, une histoire à rebours du rêve américain, celle de Sam et de Cora, auxquels la société n’a laissé aucune chance.
C’est une plume comme on en a peu, comme on en lit peu souvent, avec des phrases remarquables, avec un univers sanglant, plein d’émotion, plein de rage, très vibrant. Je l’ai lu au printemps, et j’y ai pensé tout l’été à ce roman... C’est vraiment un roman qui m’obsède.
Parés des attributs d’un conte onirique, portés par la verve romanesque de Whitmer et secoués par quelques scènes horrifiques, Les Dynamiteurs offrent plusieurs niveaux de lecture. L’histoire d’amour entre Cora et Sam n’est pas la moins captivante et n’évoque que de très loin la collection Arlequin.
Héritier de ces grands écrivains (Cain, mais aussi McCoy, Hammett, Burnett...) et marchant à leur hauteur, Whitmer raconte un monde abandonné, hier et aujourd'hui, et n’évite rien des noirceurs de ses personnages qui parfois se glissent dans nos propres ombres. Mais sous les cendres d’une vie consumée bat le cœur de l’amour, parfois.
LIBRAIRE
Les Dynamiteurs, ce pourrait être un mélange entre un conte (noir) et un western. J'aime Benjamin Whitmer pour la poésie et la tendresse qu'il parvient à extraire de l'extrême noirceur, pour les personnages lumineux qui émergent malgré la pauvreté, la souffrance, la crasse, la violence... Mention spéciale à Jacques Mailhos pour la traduction !
EXTRAIT
Prologue
c’est dans les nuits sans sommeil que je pense à Denver. Celles que vous passez quand vous grimpez dans un train de marchandises vide qui quitte l’Oklahoma, avec la poussière rouge qui danse sur le plancher, virevolte et défile en cyclones, et que votre présence insomniaque crée un silence tourmenté, terrorisé, qui se propage comme un cancer aux autres vagabonds. Ou quand vous vous trouvez dans la mangeoire d’un wagon à bestiaux qui traverse le Texas et que vous êtes sur le point de tourner maboule à cause du beuglement des longhorns, alors vous sautez à terre et vous restez éveillé jusqu’à l’aube, à l’abri de la pluie dans la cabane de chiotte au toit qui fuit de je ne sais quelle maison ravagée par les flammes.Ce genre de nuits.Je ne pense pas à Denver comme il est aujourd’hui. Denver est mort. Mon Denver regorgeait de bars, de putes et d’arènes de combat de coqs. Les trapézistes du Bowling de Blake Street, les phénomènes du Musée des Monstres, à Eureka Hall, les avaleurs de sabre du Diana. Un Denver de cow-boys et de catins et de gangsters du demi-monde.