La dernière rentrée littéraire fut aussi marquée par la parution du troisième livre d'Ottessa Moshfegh, après Eileen et Mon année de repos : Nostalgie d'un autre monde, aux éditions Fayard.

Cette fois, un recueil de quatorze nouvelles. Des narrateurs ou parfois des narratrices, mais ayant tous en commun d'avoir eu une vie quelque peu cabossée. Divorcé, séparé, au chômage, en conflit avec leur famille, ruiné, ou retraité en mode survie... Le monde déliquescent des États-Unis d'aujourd'hui. Beaufiful losers, disait Leonard Cohen, mais ici, pas si beaux que cela, trop habitués aux échecs à répétition dans un monde basé sur la compétition sociale où seuls les winners gagnent à tous les coups, à l'image d'un président hors-sol. La solitude règne souvent, la santé précaire aussi, avec une vague tristesse, comme cette piscine vide, pleine de taches de rouille et de cadavres d'écureuils morts de faim (Ici il ne se passe jamais rien). Ottessa Moshfegh nous offre ici un formidable assemblage de contes noirs et cruels où le vide le dispute à l'hyper-consommation de malbouffe ou de drogues.

Difficile d'oublier cette jeune enseignante aux étranges habitudes, ou ce vieux voyeur solitaire, une fois le livre achevé. Difficile aussi de ne pas se retenir de plonger dans la fascination du noir, de l'abîme, de ces situations décalées, souvent près de l'os. L'auteure avec un incroyable talent évite la complaisance, la gratuité, et surtout, la bien-pensance souvent de mise aux États-Unis sous le règne régressif de la pensée trumpienne, si pensée il y a. Le rêve américain est déjà bien loin, on le savait depuis le Vietnam, pauvreté, racisme endémique, crise des opioïdes, pas facile de survivre sans repère.

Ottessa Moshfegh, née à Boston de père iranien et de mère croate, a reçu une éducation musicale précoce de ses parents musiciens, puis elle enseigna l'anglais en Chine avant de travailler dans un bar punk, et de se faire remarquer avec Eileen, en 2015, avec le prix Hemingway Fondation / Pen Award. Nous l'avions déjà chroniqué dès 2016 pour ce roman. Nostalgie d'un autre monde confirme ainsi son talent à décrire des portraits de gens fêlés au sein d'une société naufragée. Signalons enfin que ses nouvelles furent publiées dans The New Yorker, et Granta, deux magnifiques revues, et récompensées par plusieurs prix.

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Nostalgie d'un autre monde.

Ottessa Moshfegh

Traduit de l'anglais (États-Unis) par Clément Baude

Éditions Fayard

2020 / 324 p / 21,50 euros, 14,99 euros version numérique

 

Site éditeur

 

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Lire notre article sur EILEEN (2016)

 

 

 

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