Marseille, rue d'Aubagne, deux ans après, ni oubli, ni pardon

Jeudi 5 novembre, à 9h05, une foule silencieuse sest recueillie devant les ruines du 63, 65, et 67 rue dAubagne. Il faisait beau. Deux ans auparavant, le maire de la ville, arrogant et indifférent, avait accusé la pluie, coupable selon lui davoir précipité la chute des immeubles provoquant la mort de huit habitantEs.

En dépit des restrictions imposées par la situation sanitaire, et malgré l’annulation de lhommage officiel, le rassemblement a eu lieu, autour du collectif Marseille en Colère. Les nouveaux élus étaient présents, qui se sont faits discrets. Aucun membre de lancienne municipalité n’a osé paraître.

« Homicides involontaires par violation délibérée d’une obligation de sécurité »

À Marseille, « ni oubli ni pardon » n’est pas un slogan. La ville garde en mémoire le bruit des immeubles qui tombent en plein centre-ville. « Je suis effondré » avait encore ajouté Jean-Claude Gaudin, dans un mélange d’indécence et dobscénité. L’effondrement des immeubles de la rue dAubagne aura été la conséquence funeste de toute une politique de ville, révélant au grand jour les arrangements crapuleux entre milieux daffaires et autorités municipales, faits de spéculation sur fond dexploitation de la misère, de gentrification à marche forcée au mépris des populations.

Quelques jours avant lhommage, et alors que débute un second confinement pendant lequel la question du logement insalubre redevient aigüe, les trois juges chargés de linstruction avaient procédé aux premières gardes à vue pour « homicides involontaires par violation délibérée d’une obligation de sécurité ». Première mise en cause, Marseille Habitat, société d’économie mixte où le pouvoir public et le privé s’entendent pour mettre en coupe réglée des quartiers entiers. Ce nest quun premier pas. On attendra les suivants. Les propriétaires des appartements, les bailleurs, les marchands de sommeil jusquau plus haut niveau de la mairie. Car il nest pas tout quune « personne morale » soit désigné: il sagira aussi dinterroger la responsabilité des donneurs dordre. Marseille Habitat nest au juste quune filiale de la mairie qui ne pouvait ignorer l’état de délabrement dans lequel était « laissés » les immeubles, comme beaucoup dautres à Marseille, qui a connu durant tout lhiver 2018-2019 nombres « d’arrêtés de périls imminents », comme une manière sinistre de nommer les derniers mois de cette municipalité agonisante. Les délogéEs sont encore nombreux et nombreuses, qui restent en attente de logement, de réponse, et de justice. Le temps des procès viendra.

Ce 5 novembre, devant le trou béant du 63 de la rue dAubagne où reposent encore huit corps, c’était le temps du silence où perçaient, lancinant, les chants de tristesse et de colère.

 

SOURCE/  ARNAUD M / NPA 13

Tag(s) : #actualités
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