Depuis l'incarcération en Suisse du cinéaste Roman Polanski, il y a deux "affaires Polanski", cela semble assez aberrant, mais c'est hélas une triste réalité. Il y a la première affaire, celle entre le cinéaste franco-polonais et la justice américaine, et par la suite, une seconde affaire, totalement imprévisible, l'affaire des soutiens de Polanski, les deux bien entendu se confondant. Tout cela dépassant largement les clivages droite-gauche, les microcosmes politiques et cinématographiques se scindent entre les soutiens et les non-soutiens et le web s'enflamme depuis plusieurs jours. Quand on entend Cohn-Bendit attaqué Polanski avec Marine Le Pen, c'est qui'il y a un problème. Quant Woody Allen, Terry Gillian, Scorsese et Tavernier le soutiennent et que Luc Besson le descend, cela étonne moins si l'on connait les cinéastes en question. L'excellent site "arret sur images" de Daniel Schneidermann vient d'y consacrer toute sa dernière émission (visible sur son site, je vous la conseille). 
On le voit aux réactions purement épidermiques (et si c'était votre fille qui avait été violée, et si c'était votre soeur, ou votre femme, on devrait le tuer, pas de pardon, faut le livrer...le connard...), bref une sorte de lynchage médiatique à tendance hystérique. Devant un tel déferlement de bêtise haineuse et de beaufitude patentée, on se félicite, qu'en France, un Badinter est abolie la peine de mort en 1981 ! Le plus terrible dans ces réactions dénuées de tout bon sens et purement dans le passionnel, c'est que manifestement ceux qui parlent ne savent rien du dossier, dossier qu'il est vrai date de 1977, c'est loin. Alors pour ceux qui préfèreraient clouer Polanski au pilori en connaissant les faits, voici un bref rappel, en n'oubliant pas de préciser, une nouvelle fois (aux obtus(e)s) qu'il est évident que le fait d'être célèbre et génial ne met personne au-dessus des lois. On est d'accord.
LES FAITS
Pour ceux, et surtout celles, qui douteraient des faits avancés, ils peuvent être vérifiés sur le web, dans le documentaire "Roman Polanski, wanted and desired", dans l'émission "Arrêt sur images", etc...
En 1977, Polanski est déjà très célèbre, à la fois dans le cinéma, la mode et la photographie, il ne cache pas sa vie très libertine. Vogue l'emploie pour des photos et la mère de Samantha (la victime) lui présente sa fille pour ces photos. Après une séance de poses, le cinéaste et son modèle passe la nuit dans la villa de Jack Nicholson, en son absence. Champagne, pilules diverses, selon les coutumes locales hollywoodiennes et sexe donc, sur une mineure. Le cinéaste dira plus tard qu'il ne savait pas qu'elle était mineure, ce que l'on peut comprendre quand on voit les photos de Samantha à l'époque...
Voilà donc, hors détails, la charge qui pèse sur Polanski, en droit US, cela se nomme :
Relation sexuelle illégale, rappelons qu'en France la majorité sexuelle est à 15 ans.
Va s'en suivre une longue bataille juridique typiquement américaine, qui peut choquer les français. Les avocats du  cinéaste négocient longuement avec le juge nommé pour les cinq chefs d'inculpation, cela s'appelle le plaider coupable, il n'en restera plus qu'un seul : Abus sur mineure, les quatre autres, dont détention de drogue, sont abandonnés et un accord sur l'indemnisation de la victime abusée intervient alors. Là aussi cela peut choquer les français, mais aux USA, 95 % des affaires au pénal se traitent ainsi, ce qui permet d'éviter le procès, ce qui est généralement favorable aux deux parties, et permet à la justice, plus qu'engorgée, de faire un peu surface. Le cinéaste subit alors 45 jours de prison-hôpital, pour expertises médicales psychologiques, procédure habituelle dans les affaires de moeurs aux USA. Il en ressort, d'après les experts-psychiatres, qu'il n'est ni pervers, ni pédophile. Ouf, la parole des experts rassurent toujours ceux qui pourraient s'inquiéter  du goût de certains pour les jeunes filles.
Le montant de l'indemnisation est resté secret, mais l'on parle aujourd'hui de 500 000 dollars.
Après l'accord, Polanski qui doit travailler en Bavière, demande l'autorisation de quitter les USA, et l'obtient, donc pas de notion de fuite de la loi comme certains voudraient le faire croire. Le coupable qui s'enfuie, cela n'est pas Polanski.
Hélas le cinéaste ne fait pas assez attention à son image, et aux médias. En Bavière, un journaliste prend des photos de lui, dans une fête de la bière, en compagnie de deux jeunes femmes ! Vu sa célèbrité internationale, les photos font le tour du monde et arrivent sur le bureau du juge américain, scandalisé, qui décide, de remettre en cause l'accord obtenu auparavant !
En dehors de ces clichés lors d'une fête de la bière bavaroise, l'affaire Polanski était achevée.
Mais tout alors recommença car aux USA, les juges sont élus par la population, comme un député ou un sénateur, et certains juges aiment particulièrement "se faire" une célèbrité, surtout une célèbrité du showbizz un peu libertine. Toujours bon pour la côte de popularité avant les élections prochaines. 
Et l'arrangement est cassé, la justice demande au réalisateur de "Chinatown" de revenir sur le territoire pour l'incarcérer et entamer un procès ! Polanski refuse de rentrer et évite les USA durant trois décennies !
COMMENTAIRES : Qui n'aurait pas fait de même après le revirement du juge ! La victime aujourd'hui âgée de 45 ans, qui témoigne volontiers dans le fameux documentaire, sorti en France en 2008 (de nouveau visible dans une salle parisienne en ce moment) avoue qu'elle ne déteste pas Polanski, qu'elle a retiré sa plainte, qu'elle ne veut pas que le dossier soit, sans arrêt, réouvert. Qui ne comprendrait cela, à part la justice américaine qui s'acharne durant trois décennies ?
Ajoutons, et cela n'est pas à la gloire de la Suisse, pays soit disant neutre, que Polanski possède depuis quelques années un chalet à Gstaad où il vient régulièrement, et pas en clandestin. Ajoutons aussi qu'un membre du gouvernement helvétique était à l'aéroport de Zurich pour l'accueillir à sa descente d'avion, lors de son arrivée au Festival.
Etrange. La France et la Pologne n'extrade pas ses ressortissants, mais la Suisse peut le faire avec ses étrangers... A 76 ans, celui qui a vécu les pires cauchemards (ghetto de Varsovie, famille déportée dans les camps, épouse assassinée par Charles Manson...) pourrait finir ses ultimes années en prison alors que la victime ne le souhaite pas, bien au contraire. Cela n'est pas juste, mais la justice du coeur et la justice de l'appareil d'état américaine cela est deux choses différentes.
En complément l'avis d'un universitaire dans LE MONDE /


Pour voir l'émission Arrêt sur images :












Tag(s) : #actualités
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