Depuis toujours l'Etat et son appareil répressif a eu besoin d'ennemis. Parfois ils existent, parfois non, alors il lui faut les créer, afin de justifier son existence et surtout ses budgets. Avec cette publication des éditions L'échappée, nous rompons avec notre volonté de ne pas chroniquer des textes anonymes. Celui-ci est signé "Pièces et main d'oeuvre" que nous connaissons par leur excellent site web dont le sérieux et la qualité sont bien connus.
Le livre, divisée en trois parties très inégales par leur taille et leur intérêt, débute sur quelques attaques en règle contre Rufin et Mandraud (journaliste au Monde) au sujet de l'écoterrorisme, grand mythe sécuritaire s'il en est. Passons car ce genre d'entrée en matière n'amène rien de vraiment intéressant. Contrairement à la suite.
La seconde partie est intitulée :
Le CRSSA, Fort Detrick et les états contre le bioterrorisme.
Pour les non spécialistes dont nous revendiquons de faire partie, le CRSSA est le Centre de recherche du service de santé des armées, un outil parait-il performant dans la recherche. Mais que font au juste ces 300 personnes, dont un tiers de civils pour deux tiers de militaires, avec leurs activités "strictement confidentielles"? Cette joyeuse équipe travaille sur la guerre nucléaire, bactériologique et chimique (NBC) et à l'étude des conditions de combat en milieu extrême. Rappelons d'ailleurs à cette occasion que l'Isère et la région Rhône-Alpes sont en pointe dans les activités technologiques innovantes. Le pôle de compétitivité Minatec regroupant de nombreuses entreprises travaillant pour l'industrie de la défense sur le plan de la recherche, du développement et même de la production.
Passant souvent de la France aux Etats-Unis, les auteurs reviennent ensuite sur le cas étrange de Bruce Ivins, chercheur au laboratoire militaire de Fort Detrick, impliqué dans les fameux attentats à l'anthrax, dans la suite de l'attaque du 11/09. L'homme se suicida par la suite et l'enquête du FBI dura sept ans, en dépensant 15 millions de dollars conclut à sa responsabilité dans les cinq morts.
Qu'en déduire ? Juste qu'un peu partout dans le monde, des laboratoires plus ou moins officiels, mettent au point des armes "spéciales" à caractère chimique ou bactériologique dans le domaine classique. Et dans le domaine plus hightech, des armes spéciales à caractère génétiques, robotiques ou nanotechnologiques. Avec en prime la violation de traités ratifiés.
A titre d'exemple, les auteurs rappelent que la France, de 1921 à 1972, a dissimulé son propre programme de guerre biologique avec des recherches sur la peste, le charbon ou la ricine...Bref de nombreuses pages sont inquiétantes, notamment quand on apprend que les organismes civils ( CEA, INSERM, Institut Pasteur) se trouvent mobilisés dans la défense contre les armes biologiques. L'armée se mobilisant sur les catastrophes, l'on voit ainsi que la séparation entre militaires et civils s'efface au profit d'une "défense globale" sous la coordination du Secrétaire général de la défense nationale, c'est à dire du bureau militaire de L'Elysée.
Enfin une troisième et ultime partie du livre est consacré aux crises, catastrophes et nouvelles menaces. Un seul ennemi en réalité, l'humain.
Particulièrement édifiantes les pages sur la nouvelle stratégie du nouveau capitalisme vert, ultime remède pour sortir de la crise des crises : l'innovation, les cleantechs, l'écologie industrielle et le pouvoir bien visible du "Green New Deal". C'est un peu, écologie et économie, même combat, là où la gauche verte Voynet peut rejoindre avec allégresse la droitière secrétaire d'état à l'écologie NKM.
L'argent n'a pas d'odeur, mais il peut avoir une couleur, verte, comme l'écologie ou les billets en forme de dollars ! Suffit d'ajouter le mot magique, vert ou durable, derrière les autres concepts, et cela marche : green business, le nouveau modèle, la nouvelle frontière.
Pour achever ce tableau assez inquiétant, les auteurs passent en revue le concept de Sarkozy de sécurité nationale, concept piqué aux yankees de l'époque de Truman où il fallait une stratégie forte pour "endiguer" le terrible péril communiste venu de l'est ! Certains Etats menacent la France, mais encore pire, "les groupes non-étatiques transnationaux". Rien que le terme cela fait vraiment peur, surtout si l'on est habitué à regarder TF1 à hautes doses.
Nos discrets auteurs de PMO enquêtent depuis 2001 sur les effets réciproques de la guerre et des technologies. Ils ont déjà publié chez le même éditeur :
Terreur et possession, enquête sur la police des populations à l'ère technologique
et aussi :
Aujourd'hui le nanomonde, nanotechnologies : un projet de société totalitaire.
On ne peut que conseiller de passer un moment sur leur site :
http://www.piecesetmaindoeuvre.com/
Dan29000
A la recherche du nouvel ennemi
2001-2025 : rudiments d'histoire contemporaine
Pièces et main d'oeuvre
Editions l'échappée
Collection négatif
2009 / 213 p / 13 euros