«La France est très en retard dans la prise en charge des transsexuels»
interview

Selon Axel Léotard, président de l'association Inter Trans', la transphobie a encore de beaux jours devant elle. La raison? Un manque de volonté politique.


Recueilli par JEANNE FERNEY


 


Axel Léotard est président de l'association l'Inter Trans, créée en 2009. Il est l'auteur de Mauvais Genre, un récit en forme d'autobiographie où il raconte son combat pour devenir un homme.
(Crédit photo: DR)

 

 


Il y a un peu plus d'un an, le ministère de la Santé publiait un décret retirant le transsexualisme de la liste des maladies mentales. Cela a-t-il fait évoluer les mentalités?

Pas du tout. Le ministère de la Santé a cessé de considérer la transsexualité comme un syndrôme. Mais contrairement à ce que l'on pourrait croire, ce n'est pas allé de pair avec une dépsychiatrisation de la transidentité. Aujourd'hui encore, les transsexuels se voient imposer un protocole médical de deux ans avant toute intervention chirurgicale ou  toute prescription d'hormones. En réalité, ce décret n'a été rien d'autre qu'un coup médiatique, un très bel effet d'annonce. Sur le terrain, rien n'a changé. Les négociations avec le ministère ont été stoppées pour le moment et ne sont pas près de reprendre à mon avis. En attendant, la prise en charge est au point mort, peut-être pour longtemps encore. Les trans sont toujours dans ce flou, cet espèce de «no man's land» (ndlr, notamment juridique).

Le rapport annuel de SOS homophobie souligne une recrudescence des actes de violences envers les transsexuels (+95%). Comment l'expliquer?

C'est en partie lié à la prostitution. Pour éviter la répression policière, les transsexuels prostitués quittent les lieux habituels de prostitution, comme le Bois de Boulogne, pour rejoindre d'autres banlieues. Là-bas, ils sont moins protégés et risquent beaucoup plus d'agressions.

Mais la violence envers les trans ne se résume pas au champ de la prostitution. C'est une minorité sur laquelle on se fait beaucoup d'idées et qui appelle une certaine fantasmagorie. Même en pleine rue, beaucoup se font insulter , juste pour ce qu'ils sont, jusque parce qu'un passant les a «démasqués». C'est ça la transphobie.

Où en est la France par rapport aux autres pays européens?

Elle est extrêmement en retard, voire la dernière, pour ce qui est de la prise en charge des transsexuels. La difficulté tient surtout au fait qu'il ne s'agit pas seulement de sexualité mais de genre. En France, l'état civil a pour particularité d'appartenir à l'Etat. Il faut s'accrocher pour le changer, ce qui n'est pas le cas en Espagne ou au Portugal par exemple, où tout cela avance beaucoup plus vite.

L'autre problème en France est le manque de chiffres concernant la transsexualité et la transphobie. Or, il est très difficile d'avancer sans données précises. Par exemple, quand un transsexuel se fait agresser, sa plainte ne le répertorie par comme un transsexuel mais comme une femme ou un homme. Vous voyez comme c'est compliqué... Tout comme la France a été la dernière (ndlr, de la Communauté européenne) à abolir la peine de mort, elle se souciera des trans bien après les autres.

La journée mondiale contre l'homophobie et la transphobie qui a lieu aujourd'hui, ou d'autres événements peuvent-ils aider à sensibiliser l'opinion publique à la transphobie?

Je pense que cela peut avoir une utilité dans certains pays, comme en Amérique du Sud où la question émerge. Mais en France, j'ai bien peur que cela ne serve strictement à rien, à part le symbole. Avec tout ce qui se passe en ce moment: DSK, l'élection présidentielle qui approche, vous imaginez bien que les politiques ont d'autres chats à fouetter que la question des transsexuels!

 

 

Source : libération

 

Tag(s) : #actualités
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