A10-710.jpgLa Bolivie accueille jusqu'au 22 avril, à Cochabamba, une Conférence des peuples sur le réchauffement, réponse alternative aux négociations en souffrance. Pablo Solón, sociologue et économiste, ambassadeur de Bolivie à l'ONU, expose la position de son pays après l'échec de Copenhague. 

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Les défenseurs de la conférence de Copenhague sur le climat, par ailleurs largement décriée, ont tendance à la considérer comme un «pas dans la bonne direction». Cet argument est très tendancieux, car la lutte contre le changement climatique ne peut se contenter de demi-mesures. Nous ne pouvons pas faire de compromis avec la nature.


La Bolivie estime de son côté que Copenhague constitue un pas en arrière, qui défait tout le travail entrepris depuis les pourparlers sur le climat à Kyoto. C'est pourquoi nous avons refusé de signer l'accord de Copenhague avec d'autres pays en développement, malgré la forte pression exercée par les pays industrialisés, et organisons une réunion internationale sur le changement climatique. Pour reprendre les mots du négociateur de Tuvalu, nous n'étions pas prêts à «trahir notre peuple pour trente pièces d'argent».


Notre position a été vivement critiquée par plusieurs pays industrialisés qui, sans vergogne, ont préféré mettre en accusation les victimes du changement climatique plutôt que de reconnaître leur propre manque de détermination à agir. Toutefois, les récentes positions de la Commission européenne ont confirmé que nous avons eu raison de nous opposer à l'accord de Copenhague.

Dans un rapport intitulé «Pour une politique climatique post-Copenhague» (télécharger en anglais), la Commission a confirmé que les engagements des pays développés en matière de réduction des émissions d'ici à 2020 sont pour l'instant compris entre 13,2% et 17,8% –bien en deçà des réductions de plus de 40% nécessaires pour maintenir l'augmentation de la température mondiale en dessous de 2°C.

La situation est pire encore lorsque l'on prend en compte ce qu'on appelle la «banque des budgets d'émissions excédentaires» et les règles comptables concernant «l'utilisation des sols, le changement d'affectation des sols et la foresterie» (LULUCF). L'accord de Copenhague devrait effectivement permettre une augmentation des émissions de gaz à effet de serre des pays développés de plus de 2,6% par rapport aux niveaux de 1990. Cela peut difficilement être considéré comme un pas en avant.

Il ne s'agit pas là seulement d'un grave faiblesse d'engagement de la part des pays riches, leurs positions mettent également tout le processus en cause. Alors qu'auparavant, dans le cadre du protocole de Kyoto, les pays développés étaient légalement tenus de réduire leurs émissions de gaz à effet de serre en fixant un certain pourcentage, ils pourront dorénavant définir leurs propres cibles, sans contraintes.

Cette approche dangereuse des négociations sur le climat ressemble à la construction d'un barrage où chacun pourrait apporter autant de briques qu'il le souhaite, sans que personne ne se préoccupe de savoir si la rivière va être ainsi contenue ou non.

L'accord de Copenhague ouvre grand le barrage et condamne des millions d'êtres vivants. Selon diverses estimations, les engagements pris en vertu de cet accord aboutiraient à une augmentation de trois à quatre degrés Celsius –un niveau que de nombreux scientifiques jugent désastreux pour la vie humaine comme pour les écosystèmes.


Pour la Bolivie, le résultat désastreux de Copenhague constitue une preuve supplémentaire du fait que le changement climatique n'est pas la question centrale de ces négociations. Pour les pays riches, en réalité, ces négociations portent sur la finance, les marchés carbone, la compétitivité des pays et des entreprises, la vie des affaires ou encore la composition politique du Sénat américain. Il a été étonnamment peu question de trouver des solutions efficaces pour réduire les émissions de carbone.

Le président de la Bolivie, Evo Morales, a fait observer que la meilleure façon de placer au cœur des négociations la recherche de solutions au changement climatique est de faire participer les peuples. Contrairement à la plupart des discours officiels, les centaines d'organisations de la société civile, de communautés, de scientifiques et de chefs religieux présents à Copenhague ont clairement mis la priorité sur la recherche de solutions efficaces et justes au changement climatique plutôt que de chercher à maximiser des intérêts économiques.

Pour établir et promouvoir un agenda avec des solutions justes et efficaces, la Bolivie accueille donc une Conférence des peuples sur le changement climatique et les droits de la Terre-Mère jusqu'au 22 avril ; tout le monde est invité à participer. Contrairement à ce qui s'est passé à Copenhague, il n'y aura pas de discussions secrètes, derrière des portes closes. En outre, le débat sera conduit par des communautés qui sont en première ligne sur le front du changement climatique et les propositions seront faites par des organisations et des personnes clairement engagées dans la lutte contre la crise climatique. Les 192 gouvernements présents à l'ONU sont également invités à participer et à écouter la voix de la société civile pour, ensemble, élaborer des propositions communes.

Nous espérons que ce format unique aidera à transférer le pouvoir au peuple, car c'est là qu'il doit être: cette question est cruciale pour toute l'humanité. Nous ne nous attendons pas à ce qu'il y ait accord sur tout, mais nous souhaitons au moins pouvoir entamer de manière ouverte et sincère les discussions qui n'ont pas eu lieu à Copenhague.

Traduit par http://m-e-dium.net/
SOURCE / MEDIAPART

Tag(s) : #environnement
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