De prime abord si on vous dit que ce documentaire a une trentaine d'années, qu'il porte sur une porcherie et qu'il est tourné en super 8, vous allez vous enfuir !
Et bien vous auriez vraiment tort, car il existe plusieurs très bonnes raisons de voir, ce film. Au moins trois.
D'abord la principale, c'est un formidable témoignage sur les terribles méfaits de l'élevage industriel qui commençait déjà à sévir en Bretagne, et partout ailleurs, à la fin des années 70. Maxime Duchemin, à Briec, est éleveur industriel en porcs, en système hors-sol. Comme beaucoup de jeunes à l'époque, et encore maintenant d'ailleurs, il s'est lourdement endetté avec un super plan financier proposé par les banques. Mais les trente glorieuses sont bien finies, et le boulot n'est pas aisé, c'est le moins que l'on puisse dire. On le voit travailler dans sa grande porcherie, lieu concentrationnaire s'il en est, chaque jour la même chose, nourrir les bêtes, nettoyer la merde qui s'accumule vite. Des gestes simples mais aussi répétitifs que ceux des ouvriers sur une chaîne de montage.
Et l'odeur, cette odeur qui ne s'estompe pas, même après une douche. Pas facile d'aller danser ensuite. Et le bruit des milliers de bêtes enfermées dans des conditions horribles. Alors Maxime, dans ce camp nauséabond, rêve, d'étranges rêves.
Ensuite, voir ce film est nécessaire si le cinéma vous intéresse, car c'est un film important, entre la période post 68 où le cinéma militant triomphait avec les groupes MEDVEKINE ou les expériences passionnantes de Jean-Luc Godard et autre Gorin, et la reconnaissance du film documentaire comme nous le connaissons depuis une vingtaine d'années.
Poussé par le grand cinéaste Jean Rouch, et dans le cadre d'une thèse de doctorat en cinématographie, Jean-Louis Le Tacon, né en Bretagne, tourna ce film en 1979 avec Thierry Le Merre. Film qui fit du bruit à l'époque. D'abord il fit scandale, et ensuite il obtint le prix Georges Sadoul en 1980. Sans nul doute les rêves de Maxime y contribuèrent, mais aussi le fait que si on aime la charcuterie, surtout en Bretagne, on aime pas vraiment voir d'où elle vient et comment sont torturés les animaux dans ces élevages insupportables.
Enfin troisième et dernière raison de voir ce documentaire, nous sommes à une semaine de la journée internationale pour l'abolition de la viande, le 29 janvier, et quand on voit ce surprenant film on a vraiment envie de devenir végétarien. Non seulement la viande à haute dose est malsaine pour l'organisme, mais l'on voit aussi que les conditions de vie des animaux, des porcs aux volailles, sont indignes. Ames sensibles s'abstenir lors du coupage des queues et l'arrachage des dents des porcelets. Sinon ils se mangent entre eux vu leurs conditions de vie...
A la suite de ce premier documentaire, un second aussi passionnant, une conférence avec le réalisateur et Patrick Leboutte lors d'un atelier à l'EESI de Poitiers. Ce dernier brossant un intéressant portrait du cinéma militant des seventies et Le Tacon revenant sur la genèse de son film.
Un DVD qui s'adressera aux écologistes, altermondialistes, cinéphiles, et adeptes du combat contre les excès généralisés de la viande sur lesquels nous reviendrons en fin de semaine.
Cela va faire du monde.
Dan29000
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Quand on ne peut s’offrir un safari photo au Kenya, rien de tel que de filmer en Super 8 les us et coutumes de la Bretagne. Une satire grinçante de la société du spectacle, réalisée par Jean-Louis Le Tacon.
Jean-Louis Le Tacon retrouve Maxime Duchemin dans les ruines de sa porcherie, dévorée par les ronces et les orties. Vingt ans après, qu’est devenue sa vie ?
Lors d’un atelier à l’EESI de Poitiers, Jean-Louis Le Tacon invite l’essayiste Patrick Leboutte à commenter avec lui Cochon qui s’en dédit.
Prix Georges Sadoul 1980 pour Cochon qui s’en dédit
« Une vision rabelaisienne, barbare, hénaurme, du conditionnement par le travail et l’argent. Cochon qui s’en dédit, tourné en Super 8, marque une date dans l’histoire du cinéma de petit format. » - Louis Marcorelles, Le Monde, 6 décembre 1980